Espagne


Dans le grand bain

Dans le grand bain

 

 

Allons, arrêtons ce suspense terrible … mais oui, cette deuxième tentative était la bonne ! On l’a eu le détroit, un peu à la peine quand même, vent dans le nez, au moteur, mais vaille que vaille on est passés !

Ça y est, on est dans l’Atlantique pour de vrai ! Nous allons sur Sancti Pétri, au sud de Cadiz, rejoindre nos amis Sophie et Veit, qui sont au mouillage là-bas avec Moemoea (allez faire un tour sur leur blog http://moemoea.over-blog.net/ pour connaître leur sacrée aventure !). Nous prenons le corps-mort libre d’un copain à eux. Nous sommes dans l’estuaire d’une rivière, en fonction de la marée et du vent, ça peut être sport pour rentrer, mais ce samedi, c’est assez tranquille.

 

Moemoea au mouillage à Sancti Petri

 

Sophie et Veit sur leur "kaya marrant"

 

Expédition courses à Chiclana de la Frontera

 

Changement complet d’atmosphère : les marées, la respiration de l’Atlantique, les grandes plages de sable, des marais alentours avec une multitude d’oiseaux, bécasseaux, courlis, et autres échassiers que je ne connais pas.

 

 

 

Plage bondée ...

 

Nous y passons une semaine tranquille, soirées avec les amis à bord de Moemoea et de Sahaya, footing sur la longue plage, expédition courses à Chiclana, soirée tapas hier soir au bar de l’association des pêcheurs Sancti Petri  …

… car nous appareillons d’ici dix minutes en même temps que Moemoea pour Madère ! Nous sommes le dimanche 24 octobre, les conditions météo sont bonnes a priori.

Mais n’empêche, c’est la première petite traversée atlantique, et on a un peu le trac …

Rendez-vous à Porto Santo !

 

Le nez face à la rivière à marée descendante

 


24/10/2010
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A la porte !

A la porte ! (de l’Atlantique)

 

 

30 septembre 2010, Sahaya pointe vers l’ouest, vers Gibraltar, vers la sortie ! En fait de vent d’est … nous aurons trois jours de pétole, trois jours de navigation au moteur, égayés de petits incidents quotidiens : une fois le guindeau qui fait grève (les charbons), une fois le moteur qui chauffe (tiens, il manque du liquide de refroidissement, où est-il passé ??), et une fois le vérin de barre qui se désolidarise du safran (revissé). Trois sauts de puce pour faire la route jusqu’à Gibraltar, avec deux mouillages intermédiaires bien tranquilles : le premier sur la petite plage juste à côté de la Marina del Este, et le deuxième à Fuengirola, après Malaga. Nous ferons les deux derniers jours dans le brouillard, un beau brouillard, bien dense, bien épais, merci le radar ! Est-ce qu’on va arriver au bout du monde, cauchemar des marins, au bord d’un précipice sans fond où s’engouffrent les eaux dans une terrible cataracte ? Hé non, le brouillard se lève, le soleil perce, et on aperçoit … la ville de Malaga qui émerge du fond de son golfe. C’est presque décevant …

 

 

Avant Gibraltar, le brouillard se lève et le fameux rocher se dessine. . Il y a de nombreux cargos au mouillage. Nous faisons l’arrivée à la Punta de Europa dans une mer toute désorganisée, avec le vent d’ouest qui s’est levé, et qui retrousse les vagues portées par le courant heureusement pour nous favorable de la marée descendante. Même avec le vent dans le nez, on avance comme sur un tapis roulant. Ça y est, on l’a contourné ce caillou historique, pour entrer dans la baie d’Algesiras qui laisse une impression étrange, avec des cargos au mouillage, accrochés aux mamelles avec leur petite « nourrice » de carburant, et des torchères de raffinerie en fond de baie. Pour le premier soir, nous allons au mouillage de La Linea de la Concepcion, juste à côté de Gibraltar.

 

 

 

Bagarre du vent et du courant

 

Nous prévoyons de rester deux jours à Gibraltar, le temps de visiter. Pour être plus tranquilles avec le coup de vent d’ouest annoncé, nous allons dans la marina toute proche et toute neuve et presque vide de La Alcaidesa.

 

La première balade à Gibraltar amène plein de nouveautés : d’abord le passage de la douane, la première cabine téléphonique rouge « So British », la traversée de la piste de l’aéroport pour arriver à Gibraltar même. Et bien sûr il y a les singes de Barbarie : des petits qui chahutent comme des gosses sous le regard placide des adultes, des bébés accrochés au sein de leur mère, des séances d’épouillage en famille. En ville, c’est un curieux mélange d’éléments disparates : des immeubles typés HLM en entrant, d’autres de plus grand standing, des vestiges de constructions militaires d’époques diverses. Nous montons à pied jusqu’à la crête, puis redescendons par un chemin sur le versant sud pour rejoindre la Punta de Europa. Puis retour au bateau, une belle trotte … Le lendemain, nous tentons de faire le sommet, mais il n’est en fait pas accessible. Terrain barricadé. La vue est belle quand même, avec les côtes marocaines toutes proches, et là, vers l’ouest, cette ouverture que l’on devine sur l’océan. Et qui nous donne envie de continuer !

 

 

 

 

 

 

 

Après ces deux jours de balade sur le rocher, il est temps d’aller voir plus loin, et nous nous préparons à appareiller. Philippe retend un peu la courroie de la pompe à eau qu’il trouvait un peu molle … et elle se met alors à fuir comme un panier. En quelques minutes, tout le liquide de refroidissement se retrouve dans le fond du bateau ! La pompe est cuite ! Pas moyen de repartir. C’est la guigne encore … Notre voisin de bateau, un Américain, nous console : « Gibraltar, c’est le meilleur endroit pour tomber en panne, on trouve de tout ». Cool … C’est vrai que la nouvelle pompe ne mettra que deux jours à arriver (merci Car Care Center, gentils, serviables, et efficaces !). Mais le temps de la recevoir et de la remonter, et nous loupons de peu le créneau de vent d’est. Là c’est le vent d’ouest fort qui repart. Une fenêtre météo qui se ferme, et c’est la porte de l’Atlantique qui nous claque au nez !

 

Nous restons donc à la porte pour plusieurs jours encore. Bricoles au bateau, balade en VTT jusqu’au Pinar del Rey en passant par la raffinerie, balade à pied en bord de mer depuis La Linea, animée de bécasseaux sanderlings (identifiés officiellement sur photo depuis l’Ecosse par Pierrette) qui cavalent sur la plage pour picorer dans le sable après le passage des vagues.

 

 

Lundi 11 octobre, on tente la traversée du détroit, en s’étant mis dans les bonnes conditions de courant a priori : départ 3 heures après la haute mer à Gibraltar, a priori le courant devrait nous pousser. A priori … En fait, le vent d’ouest est plus fort que prévu, nous l’avons en plein dans le nez, et le courant est contre nous aussi ! On n’avance pas ! Ah par rapport à la mer si, brave Sahaya qui y va à coup de moteur. Mais par rapport au fond, c’est une autre histoire, on est à 2 nœuds … et encore, dans l’autre sens, on recule !! Ah cette tour, ça fait trois fois qu’on la passe, et la repasse ! Au bout de 6 heures de lutte au moteur, et sous la pluie, on abdique. On a fait 8 miles en comptant en ligne droite. Demi-tour, et là miracle, sans moteur et avec un peu de vent arrière, on avance à 6 nœuds … Un vrai tapis roulant … qui nous ramène devant la porte, au mouillage à La Linea de la Concepcion …

 

C’est reparti pour quelques jours d’attente de plus. Y’en a marre de Gibraltar ! Le rocher a perdu de son charme. En plus, la Guardia Civil fait une « descente » dans le mouillage, alpaguant tous les bateaux pour leur dire que le mouillage est interdit et qu’il faut partir. Un des flics parle français, on lui demande des précisions. Il nous dit que le mouillage a toujours été interdit mais qu’il était toléré, mais que dorénavant, les « autorités portuaires » (publiques ?) ont décidé de ne plus le tolérer. Il faut dire aussi que la jolie marina (privée) toute neuve juste à côté est bien vide. Mais seuls les esprits chagrins y verront un curieux mélange des genres et un rapport de cause à effet ! « Lundi, il n’y a plus personne ici », disent-ils avant de partir. Ils reviennent le lendemain, voient d’autres bateaux. De toute façon, on ne voulait pas s’éterniser là, mais ça veut dire que ce mouillage de La Linea, célèbre auprès des voyageurs en transit, ne sera peut-être plus possible sous peu ?

Vendredi 15 octobre, toujours un peu de vent d’ouest, mais qui devrait rester très faible. On décide de retenter le coup, mais en partant très tôt le matin cette fois, pour profiter de la pétole de la nuit. Mais cette fois-ci, on n’essayera pas de tirer des bords, on restera le plus près possible de la côte, en tirant le plus direct possible au moteur. Pour nous avancer, nous traversons la baie d’Algesiras pour aller au mouillage de l’autre côté dans l’Ensenada de Getares. Nous croisons quelques dauphins indolents, que font-ils dans cette baie industrielle ?

Arrivés au mouillage, on part se dégourdir les jambes à Getares. Quand on revient de notre balade, il n’y a plus qu’un seul bateau au mouillage, le nôtre, une seule annexe sur la plage, la nôtre, autour de laquelle tournent deux flics d’un air très perplexe, comme deux poule(t)s qui auraient trouvé un couteau … On observe la scène de loin, en arrivant par le bout de la plage. Presque blasés … comme le vétérinaire avec la Noiraude : « Qu’est-ce qui ne va pas encore ? » Interdiction de mouiller ? Interdiction de débarquer ? On n’a rien vu d’écrit de tel. On s’approche, « Que pasa ? ». Ils nous demandent si le voilier est à nous ? Oui. C’est interdit de mouiller ici, ici c’est une plage, il faut aller dans les ports, le bateau c’est fait pour aller dans un port, mais qu’est-ce qu’on fait là vraiment ? En plus, je n’avais pas pris nos papiers pour cette courte balade … Bon, c’est bon pour cette fois, mais, nous préviennent-ils, ailleurs on aurait eu une amende, ou bien même nous serions allés au poste. Décidemment … « La mer, dernier espace de liberté », dit-on parfois. Oui … Mais à condition de ne pas s’arrêter. Ou en tous cas pas n’importe où !… Mais peut-être qu’ils ont des consignes strictes avec les clandestins, et le trafic de drogue dans le secteur.

On comprend finalement pourquoi ce mouillage est interdit : qu’est-ce qu’il est rouleur !! A chaque ferry qui passe, c’est parti pour la balancelle, et il en passe quand même un nombre certain, même de nuit. Mais la nuit est courte, nous sommes debout à 3 heures ce samedi 16 octobre, pour affronter le détroit !


24/10/2010
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Prendre de la hauteur

Prendre de la hauteur

 

Départ d’Aguilas le 19 septembre 2010 au très petit matin. Philippe prend le premier quart, de 1 heure à 4 heures, au moteur surtout, mais du vent de nord-est est annoncé, viendra-t-il ? Il vient, quand je prends mon quart, de 4 à 7 heures. Quelle belle navigation, sous un ciel clair et tout pétillant d’étoiles, avec le bateau qui file au travers, puis grand largue, dessinant des volutes de plancton fluorescent dans son sillage … Instants magiques où l’esprit vagabonde …

 

Nous passons le fameux Cabo de Gata, « Cap Creous » local, à la géologie torturée, au vent arrière. Dommage que nous n’ayons pas le temps de nous y arrêter. La houle nous pousse aux fesses d’une main qui reste légère, et Sahaya se tortille un peu mais reste à plat, les voiles en ciseaux.

 

 

Poisson volant, Radio Alger à la VHF, ça sent le sud !

Le Cabo de Gata marque l’entrée dans le golfe d’Almeria, que nous traversons en tirant droit au large. Les serres mangent le paysage pour inonder ensuite toute l’Europe avec leurs productions gonflées d’eau. Le documentaire « We feed the world », et le bouquin « La noria » en parlent. Noria d’eau, de travailleurs immigrés, de camions … C’est le début de l’Andalousie, et derrière le blanc des serres se découpent les silhouettes de montagnes arides. Qui nous font bien envie !

 

On arrive au port d’Almerimar en fin d’après-midi, et la première impression est plutôt bonne : enfin des bateaux qui ressemblent un peu plus au nôtre ! Il faut dire qu’il y a de tout, en face de nous, une sorte de coffre-fort surmonté de ce qui aurait pu être une cabine téléphonique en guise de porte d’entrée. Plus de voiliers que de bateaux à moteur, de petits et de grands voiliers, certains équipés comme de grands voyageurs. Le port n’est pas trop cher (22 € par nuit, mais on arrive 15 jours trop tôt ! la « basse saison » commence au 1er octobre, et là le prix tombe à un peu plus de 9€), les toilettes un peu rustiques mais propres, on pose les valises pour quelques jours.

 

Le lendemain, nous faisons la connaissance de Maria et Juan, un couple d’Argentins qui vivent sur leur bateau à Almérimar, avec lesquels nous avons été mis en relation par Michel, un ami commun, qu’ils ont connu en Guyane et nous à Balaruc-les-Bains. Par la même occasion, nous faisons la connaissance de leur amie Josianne, une bretonne en visite chez eux. C’est bien sympathique de les rencontrer, ils sont chaleureux, et nous sommes un peu en manque de relationnel. Ils nous raconteront leur expérience de vie de voyageurs, partis qu’ils sont de Buenos Aires depuis de longues années, et ayant fait escale au Brésil, en Guyane, aux Etats-Unis, et maintenant en Espagne. Nous irons manger des tapas avec eux. La tradition andalouse je crois, veut que le verre de vin ou de bière soit servi accompagné de tapas. Ils nous font connaître un bar sympa sur la plage ouest qui en sert de bons et copieux, l’adresse est connue des locaux aussi. Un soir, la table d’à côté est occupée de femmes espagnoles en goguette. Où sont les hommes ? Devant le match de foot évidemment, au fond du bar !

 

Après deux jours de pluie et de bricolage sur le bateau, et une journée de courses à El Ejido (avec ses affiches publicitaires très ciblées : « concombre F1 », « aubergine extra mahousse », « poivron bête de concours », « ton problème : les taches, la raison : le ver, la solution : le produit !! »), il est temps d’aller voir dehors si on y est ! Nous prenons un bus jusqu’à Celin, point de départ d’une grande balade à pied jusqu’à la Fuente Alta, dans la Sierra de Gador.

 

 

Montée agréable, en partie sous l’ombre de pins, avant d’arrivée à la fontaine, qui sert aussi d’abreuvoir à guêpes ! Petit pique-nique devant la vue qui s’ouvre au sud jusqu’à la mer … et les hectares de serres toujours, c’est encore plus impressionnant vu de haut. El Ejido semble enserré dans des marais.

 

El Ejido au milieu des "marais"

 

Au début de la descente, nous rencontrons un berger, chaussé de sandales « caseras ». Il dort en chien de fusil sous un arbre au bord du chemin, son grand troupeau de chèvres éparpillé autour de lui sur les coteaux. Nous le réveillons en passant à côté de lui, il nous interpelle, demande où nous allons. On lui montre sur la carte, « A la Fuente de la Mosca », « Si ». Il se lance alors dans des explications sur les chemins à prendre et ceux à ne surtout pas prendre en dessinant des croquis dans la poussière avec le bout de son bâton.

 

Une rencontre en chemin

 

Il parle en patois, ou en espagnol mais alors avec un très fort accent, en tous cas on n’accroche que quelques mots de temps en temps … Mais il a l’air gentil et d’avoir envie de parler. Quel contraste entre cette vie qui paraît rustre près de la nature et la production « in vitro » en bas ! Retour par le dernier bus que nous attrapons de justesse, bien repus de marche quand même, 25 km et 1200 m de dénivelée, ça vous fatigue un marin (et une marinette aussi).

 

Finalement, d’être allés dans la Sierra de Gador, la Sierra Nevada sa voisine ne nous a pas semblé si inaccessible qu’elle y paraissait … Et si on en profitait pour y aller ?? Le lendemain, nous louons une petite voiture pour quatre jours. Nous allons d’abord faire un après-midi d’escalade à proximité d’Almerimar, sur un petit site juste à côté de Celin.

 

Le petit site d'escalade près de Celin

 

Quelques courtes voies pour se remettre en jambes (et en bras) … avant d’aller tenter plus sérieux le lendemain, sur le site de Los Cahorros à Monachil, quelques kilomètres à l’est de Granada. C’est un grand site de grimpe avec plusieurs secteurs plus ou moins encaissés qui s’égrènent en rives droite et gauche d’un petit cours d’eau. Nous n’avons pas de topo, mais coup de chance, en demandant des renseignements à deux grimpeurs qui montent, nous tombons sur un Français. Il nous donne quelques conseils sur les secteurs où nous pourrons trouver des voies de notre niveau. Nous en ferons quelques unes dans la journée, ça fait du bien de retrouver le contact avec le rocher, mais quand même, les 5c et 6a sont bien tapés …

 

Dans un 6a bien tapé à Monachil

 

Après la grimpe, nous visitons un peu. Nous sommes dimanche, et il y a pas mal de randonneurs. Il faut dire que le coin est plutôt sympa : un pont suspendu à la Indiana Jones, un sentier étroit qui longe le ruisseau avec des mains courantes et des échelons pour passer les renflements de rochers sans tomber à l’eau, ou qui oblige à passer à quatre pattes par endroits (surtout quand on se balade avec de gros sacs pleins de matos d’escalade …). Un seul regret : de ne n’avoir pas eu le temps de visiter Granada, juste un petit arrêt panoramique sur la ville depuis la route qui monte à l’Alhambra. Une autre fois peut-être ?…

 

 

Philippe sur les sentiers de Los Cahorros, à Monachil

 

Lundi 27 septembre, nous nous levons de bonne heure : notre mission puisque nous l’avons acceptée, est de grimper tout en haut du Mulhacen, sommet de la Sierra Nevada et aussi de l’Espagne Ibérique, avec ses 3482 m. La petite Fiat Panda est bien remplie car nous avons embarqué les VTT, pour faire le sommet en vélo. A priori, une piste grimpe jusqu’en haut, il suffirait donc de faire de même … Au départ, nos ambitions étaient d’attaquer la piste depuis Capileira, ce qui aurait fait 53 km et quelques 2000 m de dénivelée. Finalement, nous continuerons en voiture jusqu’à Hoya de Portillo, gagnant ainsi 11 km et 500 m de dénivelée … ce qui ne sera pas plus mal. On se prépare, et on attaque, dans le matin frisquet à 2000 m.

 

Préparation dans le matin frisquet

 

 

Dans la montée vers le Mulhacen

 

La piste est bien carrossable, et zigzague entre les pins, puis la vue se dégage des deux côtés, et le sommet du Mulhacen apparaît, comme le dos rond de gros animal, accrochant quelques nuages. Nous loupons la bifurcation qui mène à la piste qu’il aurait fallu suivre pour aller jusqu’au sommet en vélo, ce qui fait qu’au col, il nous faut laisser nos montures et finir les 400 derniers mètres de dénivelé à pied. Mais c’est chouette quand même ! Le sommet est cosmopolite : des Anglais, des Allemands, des Français. Et hétéroclite aussi : sous la croix sommitale, un bric-à-brac de souvenirs divers : foulards, vieilles chaussures, porte-clés, drapeaux tibétains, et même une cravate !

 

Dernière montée à pied depuis le col

 

Nous y voilà !

 

On trouve de tout ...

 

Nous sommes à près de 3500 m, mais contrairement à l’Aneto qui porte un petit glacier à cette hauteur, le Mulhacen est sec. Un petit air de Ladakh …

Que ça fait du bien d’être là, en montagne ! Ça me remet la tête à l’endroit, me redonne confiance dans le voyage et optimisme pour la vie en général. A la descente, nous apprécions d’autant plus le vélo, allez hop d’une traite quasiment jusqu’à la voiture ! On a quand même mis veste, bonnet, et gants qui ne sont pas de trop en traversant le brouillard.

 

 

Descente vers le brouillard

 

En descendant de la montagne, nous ferons une petite halte « bière fraiche tapas » à Pampaneira, un village andalou typique, tout de blanc vêtu. Les couleurs vives des tapis, artisanat de la région, exposés dans les rues, ressortent d’autant plus.

 

 

Dans les rues de Pampaneira

 

Une balade à Almeria le lendemain, une soirée d’au-revoir autour de tapas avec Maria, Juan et Josianne, et nous partons au mouillage au pied du Castillo de Guardia Vieja à l’extrémité ouest de la baie d’Almerimar pour décoller le lendemain matin avec le vent d’est annoncé, direction Gibraltar.

Nous sommes déjà le 29 septembre 2010, et les journées d’automne raccourcissent à vue d’œil …


22/10/2010
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Avancer

On avance …

 

 

On avance … L’idée est de rejoindre au moins Madère et les Canaries, tâter un peu d’Atlantique, et de prendre une décision pour la suite.

 

Après deux mouillages à Majorque, et une jolie balade jusqu’à la Trappa, un ancien monastère trappiste en cours de restauration avec une vue imprenable sur l’île de Dragonera, nous traversons vers Ibiza où Raymond, du chantier France Play Boat de Balaruc-les-Bains, en vacances là-bas sur son bateau, nous attend depuis quelques jours à San Antonio Abad. Cette visite nous fait chaud au cœur : enfin quelqu’un content de nous voir !!

 

 

Balade à La Trappa, depuis le mouillage de San Telmo, près de Dragonera

 

Le lendemain, le 2 septembre, nous faisons route ensemble et mouillons de conserve à Espalmador, près de Formentera. Raymond repart vers Sète le dimanche, et nous faisons quelques miles pour rejoindre le mouillage de Calo de s’Oli, près de La Savina. Nous allons y passer trois jours, sur corps-mort gratuit. Footing sur les chemins de bord de côte, balade à vélo (à défaut du scooter que nous devions louer, mais j’avais oublié les permis au bateau !...) jusqu’au Cabo Berberia, pointe sud-ouest de Formentera, sauvage et sèche, plantée d’un phare aux allures de bout du monde, menus bricolages : cette escale nous requinque !

 

Petits garages à bateaux près du mouillage de Calo de s'Oli

 

Ciel de feu au mouillage

 

Un coup de vent de sud-ouest viendra perturber une nuit au mouillage. Philippe double les amarres sur le corps-mort qui a l’air solide. Un bateau à l’ancre dérape. Par chance les gens se réveillent et réagissent avant d’arriver sur les rochers. Un autre zigzaguera au moteur un bon moment entre les bateaux, promenant les échos des engueulades entre barreur et homme de proue dans tout le mouillage. Bref, une nuit bien peu reposante …

 

Footing sur la côte ouest de Formentera

 

 

 En revenant du Cabo Berberia

 

Après cette escale à Formentera, on profite d’un créneau de vent pour rejoindre le continent espagnol, en visant le sud du Cabo de la Nao. C’est une belle navigation, le vent attendu est au rendez-vous, et nous filons au travers puis grand largue avec une houle qui nous pousse.

 

 

 

Une inquiétude viendra ternir cette fin de journée, quand nous voudrons démarrer le moteur avec la chute du vent : il est bien poussif ? Le soir, au mouillage de Punta de Moraya, petite vérification du niveau d’huile : et catastrophe une sorte de mayonnaise grise apparait sur la jauge ! Ah non, y’en a marre des histoires de mayonnaise !! On imagine tout de suite le pire : joint de culasse, moteur à sortir, un mois coincés en marina !! Philippe se plonge dans les docs techniques, les forums de voyageurs, appelle Johnson de Marine Diesel, et, en cogitant un peu, revoit les prévisions pessimistes à la baisse : ce serait finalement le waterlock mal placé qui a laissé, à la gite sur bâbord, rentrer de l’eau de mer par l’échappement jusque dans le moteur. Et le moteur n’aime pas ça, mais alors pas du tout ! Heureusement, il a l’air d’avoir supporté l’expérience, et nous lui offrons une bonne bolée d’huile toute neuve, mais il nous faut remédier au problème sans tarder et faire une escale technique en marina.

 

Le lendemain, petite route jusqu’au mouillage de Calpe, au pied du Monte Ifach, que l’on gravit et redescend en express, en faisant la course avec la nuit !

 

 

Du haut du Penon de Ifach

 

Le lendemain, cap au sud toujours. En chemin, nous faisons une petite pause à l’île de Tabarca, mais il y a trop de houle pour rester au mouillage la nuit, et nous poussons jusqu’à la Marina de las Dunas que nous choisissons pour son tarif bien moins cher que celui des autres ports que nous avions appelés et qui se révélera très tranquille et bien sympathique.

Nous y ferons escale trois nuits, pour changer le fameux waterlock de place, ce qui nécessitera deux bonnes journées de boulot : vider tout l’arrière du bateau pour déplacer le tuyau d’échappement, menuiserie pour faire une nouvelle place au waterlock dans un coffre, plomberie, etc. Espérons que cette fois ce soit bon … Une fois le travail terminé nous nous offrons une jolie balade dans la forêt de palmiers d’eucalyptus et d’agaves qui jouxte la marina.

 

P'tit dèj' dans le cockpit encombré

 

 

 Bon alors, qu'est-ce qu'il a ce waterlock ??

 

Le sud nous appelle toujours, et avant le Cabo de Palos, nous faisons escale dans la Mar Menor, sorte de grand étang salé d’un peu plus de 20 km de long, dont l’entrée est barrée par un pont ouvrant à heures fixes. Un petit goût de Sète et d’étang de Thau …

Nous faisons un mouillage tranquille près de l’Isla de Perdiguera, île volcanique avec quelques vestiges du temps où elle était très (trop) prisée : des restes de murs de restaurants, des tunnels, … et une végétation courte et hérissée de piquants.

 

La guitare démange même en mer

 

 

Entrée dans la Mar Menor

 

Mouillage près de l’Isla de Perdiguera

 

Après le Cabo de Palos, la route s’oriente vers l’ouest, en longeant le golfe de Cartagena. Sur bâbord, d’immenses fermes marines, sur tribord, des hectares de serres, marée blanche partie à l’assaut des terres et que seules les montagnes semblent arrêter. Substrat marin, substrat terrestre, et subterfuges technologiques qui donnent une illusion d’abondance. Faut que ça produise !

 

Escale de deux jours à Mazarron, dans la marina bien sympa et pas trop chère également, pour attendre le vent d’est. Balades en ville, le long de la plage, avec la visite de la reconstitution d’une barque phénicienne qui a été trouvée tout près de la plage. L’office de tourisme propose aussi une balade jusqu’au Morro Blanco, sommet de la Sierra de las Moreras. Nous partons avec les VTT le matin, … et revenons très vite au bateau bien rincés sous une belle averse d’orage avant même d’être sortis de la ville ! Deuxième tentative l’après-midi, à zigzaguer entre deux orages, nous finissons par le risquer quand même. Le chemin qu’on suit se perd un moment, enseveli sous un remblai de serre. Vélos sous le bras, on escalade cette décharge particulière : plastiques, vieilles caisses, plants de tomates épuisés, boîtes vides de « bourdons pollinisateurs » (la part de nature nécessaire qui n’a hélas pas encore pu être remplacée par la technologie !), avant de récupérer le chemin plus loin. On ira à pied jusqu’au col, dans les ronces, doit pas être fait souvent ce chemin, pourtant il est balisé de cairns. Du col, les serres étendent leur tapis blanc, des « névés » dans la plaine …

 

 

Balade depuis Mazarron

 

Nous quittons Mazarron, cap au sud-ouest, pour faire un mouillage à Aguilas. Vue de haut, la ville a des airs de ville « du sud du sud » : maisons blanches, toits en terrasses, des bougainvillées tendus au-dessus des petites rues en pente montant vers le château. Quelques coulisseaux remplacés pour la grand’voile, nous nous préparons pour la grande étape du lendemain : 80 miles le long des côtes andalouses jusqu’à Almerimar, au-delà du Cabo de Gata et du golfe d’Almeria. Nous levons l’ancre de nuit, vers une heure du matin. Et nous sommes déjà le 19 septembre 2010…

 

Congrès de mouettes ...

 

Aguilas : ville et mouillage vus de la montée au château


15/10/2010
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"Un jour ..."

Un jour

 

Un jour prendre la mer

Comme on prendrait la fuite

Infidèle à la terre

Pour filer l’insolite

 

Un jour être au départ

D’une belle aventure

Maritime, Haut l’espoir !

En proue, jolie figure

 

Avoir pour tout bagage

Son cœur ouvert en grand

Bohême, curieux, volage

A tout cœur, à tout vent

 

Un jour prendre du champ

Mener sa solitude

Remonter les courants

Sous d’autres latitudes

 

Aller quérir ailleurs

Tout c’qu’on avait déjà

Qu’au fil des banales heures

On ne voit plus ou pas

 

Partir ô oui partir

A l’appel de la mer

Pour mieux revenir ?

Oui, mais c’est nécessaire

 

De se mener en bateau

Mêler colère, répits

Sur ses monts et ses vaux

Ses vagues à l’âme unies

 

Pour revenir un jour

Comme la vague, apaisée

Faire patte de velours

Sur sa vie retrouvée

 

Car voilà qu’au retour

L’aura du voyageur

Du fil repris des jours

A changé les couleurs

 

 

Nathalie (quelques années avant le départ ...)


09/10/2010
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Flottement

Flottement …

 

 

Comment dire les doutes qui nous assaillent depuis Mahon ? Cet épisode nous a flanqué un sacré coup au moral. Pire, il casse l’élan du voyage, qu’on espérait trouver une fois partis sur l’eau après ces longs mois de préparation.

Vite au bord du découragement, nous avons du mal à relativiser, tout nous paraît hostile, chaque événement, même de peu d’importance, crée une résonnance démesurée : un mouillage rouleur, une nuit de mauvais sommeil, un vent contraire, une houle teigneuse, une gardienne de bouées bouledogue qui nous éjecte en aboyant (sur une menace de 6000 € d’amende, de mieux en mieux !), et voilà l’essence même du voyage remise en question ! A quoi bon continuer « si le monde est si méchant » ? On cherche des interprétations : est-ce une succession de signes qui nous inciteraient à arrêter ce voyage ? Ou bien une série de tests, un « parcours initiatique » pour mesurer la solidité de notre motivation ? Rémi nous livre une pensée de Bouddha « ce n’est pas parce que le chemin est semé d’embûches que ce n’est pas le bon chemin ». Oui mais … comment savoir si l’on est sur le bon chemin ?

 

Bref, nous vivons une longue période de flottement …

 

Il faut dire aussi que les moments de répit paraissent de courte durée : après la tête dans le guidon dans les préparatifs du bateau, l’épisode de Mahon qui nous a mis la tête sous l’eau, le bateau semble ne rien nous épargner et nous avons souvent la tête soit dans les moteurs (moteur hors-bord de l’annexe, suivi de près par celui du bateau qui a nécessité une grosse journée de boulot, menuiserie, plomberie, etc.), soit dans les réservoirs (réservoir d’eau qui fuit et qu'on a du mal à réparer), soit dans les fonds pour des épongeages chroniques : une fois de l'eau douce (le réservoir bâbord trop rempli et l'eau a débordé par la mise à l'air), une fois de l'eau salée (une vanne que j’avais mal fermée à la gite et l'eau de mer a débordé par les toilettes), et dernièrement de l'huile moteur (le groupe électrogène rangé sous un plancher qui a décidé de faire sa vidange tout seul comme un grand par le bouchon de remplissage ...).

 

On a compris qu’en bateau, rien ne doit être laissé au hasard.

Et que même comme ça, y’a pas mal de problèmes.

Mais que ça vaut peut-être le coup quand même.

Alors … qu’est-ce qu’on fait ?


02/10/2010
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A la sauce Mahonaise

À la sauce Mahonaise (entubés) …

 

 

… « C’est tout de suite l’aventure … » Il ne croyait pas si bien dire l’ami Georges … Ce vendredi 13 août 2010 (on aurait dû se méfier …) nous entrons dans la rade de Mahon, pas encore très bien fixés sur nos intentions. Guillaume, Valérie et Noé repartent avec le ferry dimanche matin, et avec ce coup de vent de nord-est, on hésite à descendre sur la côte sud de Minorque de peur d’avoir du mal à remonter. Mais peut-être y a-t-il des bus ? Bref, on décide de pousser jusqu’au port, voir les horaires de bus, les tarifs des places, etc. On traverse d’abord la zone de mouillage de Cala Taulera, beaucoup de bateaux, serrés, chaîne tendue, pas évident de laisser le bateau sans surveillance, sans personne à bord. On poursuit la route à travers le Canal de Alfonso XII, puis longeons l’Isla del Rey par le nord. C’est là que nous apercevons un gros ferry en train de sortir du port, impression de voir passer un immeuble entre les rives du chenal. Nous bifurquons sur tribord, il klaxonne, nous serrons encore plus sur tribord et accélérons pour lui laisser la place. A ce moment là, nous ne savons pas encore s’il compte passer au sud ou au nord de l’Isla del Rey. L’option sud nous semble la plus logique car le passage est plus large et plus profond. Nous redressons ensuite la barre pour éviter de heurter les pontons d’aquaculture situés entre la Cala de San Antonio et la Cala Rata, que nous serrons au plus près, et croisons alors le ferry, sur une trajectoire parallèle à une distance estimée de 30 à 40 m sur notre bâbord. Après le croisement, nous voyons la pilotine, qui suivait le ferry, faire demi-tour et sembler venir relever le nom du bateau. Mais sans plus, et on oublie ce petit (non)incident.

 

Nous continuons dans le port et nous apercevons Misaotra, le bateau des amis avec Marco et Guilhaine à bord, amarré à un quai, et nous décidons de les rejoindre. C’est le quai des pêcheurs, seul « quai d’accueil » de Mahon où l’arrêt n’est toléré qu’une heure ou deux … et tant que les pêcheurs ne sont pas revenus. Aussitôt amarrés, une voiture de la police portuaire s'arrête et des flics en uniforme descendent et relèvent le nom du bateau en griffonnant sur un carnet. Je vais leur demander ce qui se passe. Ils nous demandent les papiers du bateau, et nous arrivons à comprendre dans leur espagnol rapide que le pilote du ferry a porté plainte contre nous pour avoir coupé sa route. Nous sommes convoqués l'après-midi à la capitainerie. Ça y est, on est bons pour une prune … J’y vais avec Valérie alors que les bateaux sont expulsés du quai des pêcheurs pour laisser accoster les chalutiers qui rentrent. A la capitainerie, « el instructor » (qui heureusement parle anglais) nous apprend la mauvaise nouvelle : le pilote du ferry a porté plainte contre nous, le procès aura lieu d’ici un an. Comme nous sommes étrangers, les papiers du bateau sont confisqués, le bateau assigné au port de Mahon, et on ne pourra repartir qu’après avoir versé une sorte de caution, ou plutôt de garantie, dont le montant pourra être revu à la hausse ou à la baisse suivant le résultat du procès. « Combien la caution ? » demandai-je. « On se sait pas encore, 1000, 2000, 3000 … ou 12000 € » qu’il me répond. Gloups !!! Il attend un fax de Palma qui doit fixer le montant de cette foutue caution. Et Sahaya qui fait des ronds dans l’eau devant les fenêtres de la capitainerie … Le fax crache sa sentence : 3000 € ! Alors qu’il ne s’est rien passé ! Le motif : « infraction grave à la sécurité maritime et mise en danger des deux bateaux ». Franchement, y’aurait presque de quoi rigoler, le Martin i Soler, 162 m de long, fleuron de la flotte de Balearia, mis à mal par un voilier de 13 m à 3 nœuds. Petit mais costaud ! Bon, en attendant, ça ne nous fait pas rire du tout. C’est la grosse tuile. Je tique tout de suite sur le rapport du pilote, sur la distance à laquelle on serait passé devant la proue du ferry (30/40 m pour le capitaine, 40/50 m pour le pilote, pas possible ! On n’est jamais passé si près devant cet immeuble !), et sur le fait qu’on n’aurait pas répondu à ses avertissements. Si, on a accéléré la manœuvre de dégagement.

Ça se complique, car il faut que Philippe vienne en personne signer la déposition en tant que propriétaire du bateau. Valérie l’appelle. Il cherche alors une place pour mouiller, pas évident, beaucoup de fond et beaucoup de vent. Le temps de gonfler l'annexe, d'y installer le moteur, de parcourir les 3 miles, et de trouver un petit coin pas interdit pour amarrer l’annexe, il nous rejoint à la capitainerie. Il est complètement effondré … Nous avons 15 jours pour déposer un document (en espagnol) pour notre défense si nous voulons.

Les flics portuaires nous emmènent en voiture voir notre « place » : au fin fond du port de Mahon, derrière les ferrys, au « muelle del urgencia » des flics. Nous retournons tous les trois en annexe chercher Sahaya, et l’emmener dans sa « prison » …

 

Sahaya en prison au fond du port de Mahon

 

Prison dans laquelle il restera finalement 15 jours … Allez, on vous passe les détails de ces deux semaines dans la chaleur moite de Mahon, terribles pour notre moral, à osciller entre colère, rage, espoir et découragement. On envisagera même de partir en loucedé, de nuit, mais sans les papiers du bateau c’était risqué, et on ne connaît pas les moyens de la police (apparemment, ce sont de gros moyens !). Les journées s’écoulent, au début au téléphone pour chercher de l’aide auprès des consulats (« si c’est une affaire de justice, on ne peut rien pour vous, et si vous êtes en infraction, c’est que vous avez tort »), et de nos assurances (« Protection juridique » qu’ils disaient. Parlons-en ! Comme il n’y a pas eu d’accident, ils ne sont pas concernés, et ne consentiront même pas à un simple conseil juridique par téléphone). Dans les Cyber Cafés, ou assis sur un muret d’où on a repéré un accès Wifi gratuit, à chercher des conseils tous azimuts sur les forums et les sites de voyageurs, envoyer et répondre à des mails. A passer et repasser à la capitainerie, dans les administrations, à la banque. A tenter de rencontrer le pilote au moins pour voir à qui l'on a affaire et essayer de s'expliquer avec lui, mais il se débinera et ne répondra pas au message que je lui laisse. Nous passerons aussi du temps avec l’ex-consule de Minorque, qui nous aidera beaucoup dans les démarches.

Nous en apprendrons de belles sur les us et coutumes du port de Mahon, dont la réputation ne serait plus à faire : pilote imbécile, ivrogne notoire, caractériel et francophobe, mais néanmoins patron du port, main mise du privé pour faire le plus de fric possible (même pas de ponton d'accueil, tout est payant, pour un 13 m c’est de l’ordre de 130 € la nuit !), administration incompétente, etc.

Au ponton en fond de port, on fait la connaissance d’un skipper espagnol qui skippe un grand catamaran pour un couple de Français. Et bizarrement, il lui est arrivé très récemment presque la même histoire que nous : en entrant avec le cata dans le port de Mahon, il a croisé un ferry qui en sortait, et le pilote lui aurait fait un « cirque » pas possible, de grands gestes, sur-jouant un risque de collision qui n’existait pas. Et le skipper a lui aussi été mis à l’amende, il attendait le verdict (bien décidé à ne pas payer), mais en tant qu’Espagnol, il n’avait pas de caution à verser. Alors quoi ? Pilote problématique mais néanmoins couvert par sa hiérarchie ? Et/ou racket organisé ?

 

Heureusement, les amis et la famille nous soutiennent moralement, par téléphone, par mail, par la pensée. Rémi lance un forum pour nous aider sur Sail The World. Les parents de Philippe et sa sœur, Claudine, sont sur le pied de guerre à Balaruc. Le papa est mis à contribution pour la traduction de notre rapport de mer en espagnol. Claudine contacte des amis avocats londoniens, et par leur intermédiaire, nous sommes mis en relation avec un avocat maritime de Madrid qui, par amitié, s’occupe de notre cas pendant ses vacances ! Nous échangerons des mails, donnerons des infos « in » et « off », des cartes de notre trajectoire enregistrée par GPS. Le carré est transformé en bureau de la défense, on a tout sorti ! Ordi, scanner, imprimante, dictionnaires.

 

 

Pour notre défense, l’avocat ajoutera à notre propre rapport de mer une plaidoirie de près de 30 pages qui en reprend les éléments en les développant avec métier : que les ferrys pourraient passer au sud où ils ont plus de place, ou bien faire passer un bateau devant pour dégager la piste, qu’on n’était pas en risque de collision puisque le pilote n’a pas jugé nécessaire de manœuvrer, qu’on avait réagi aux avertissements, qu’on était de bonne foi et de bonne volonté, etc. Il ne nous reste plus qu’à attendre le résultat du procès.

 

Allez, la touche finale : nous payons la caution de 3000 € le vendredi 27 août au matin, auprès d’un autre gars de la capitainerie qui parle un peu français, et nous dit que ce principe de faire payer des cautions aussi faramineuses aux étrangers, quelle que soit l’infraction supposée, et quel que soit le bateau, le scandalise. « L’Espagne est folle. Ce sont les touristes français et italiens qui payent ses problèmes financiers ». Il nous souhaite bon voyage. En fin de matinée, nous avons la visite de deux flics portuaires venus nous faire signer la levée de la rétention du bateau, et nous disent que nous pouvons partir « quand nous voulons ». On demande s’il est possible de ne partir que dimanche matin, pour finir de se préparer et laisser passer un nouveau coup de vent de nord-est. Ils vont demander à leur chef et reviennent dans l’après-midi. L’après-midi passe, mais pas eux, on se dit que ce doit être ok. Erreur … Samedi matin, un petit flic teigneux déboule et nous demande de dégager. On a 5 minutes. On essaye d’argumenter, le ton monte, mélange d’espagnol, de français et d’anglais. Heureusement que notre panoplie de gros-mots espagnols n’est pas très étoffée sinon on aggravait notre cas … Il repart … et revient flanqué de deux collègues, dont l’un parle un peu français. Ah non, il faut vraiment qu’on s’en aille très vite, on en peut pas rester là, c’est le quai de l’urgencia des flics. Maintenant qu’on a payé la caution, il devient surtout urgent qu’on dégage.

Alors on part, en vrac, les vélos encore sur le pont, écœurés, et la rage au ventre.


02/10/2010
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De la campagne de Valras à Fornells

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17/09/2010
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