Et Madère ... pour le dessert !

Et Madère … pour le dessert !

 

 

Jeudi 4 novembre. La silhouette de Porto Santo diminue comme grandit celle de Madère. Nouvelle île, nouvelles découvertes en perspective. La navigation est courte et rapide avec un bon petit vent, et une belle houle aussi. A la Ponta de Sao Lourenço, comme un doigt crochu qui pointe depuis l’extrémité est de l’île, la mer est comme une marmite, animée de drôles de bouillonnements, sans doute des courants bagarreurs. Nous passons un peu au large, avant de pointer vers la marina de Quinta do Lorde, à l’abri derrière sa digue imposante. Un marinero vient nous accueillir en zodiac avant notre arrivée, il parle français. Ok, il nous attend dans le port pour nous indiquer une place. Nous voilà donc à Quinta do Lorde, la marina est bordée d’un village moderne créé de toutes pièces avec son église, sa place, ses maisons, sur les parties les moins raides des pentes. Et il est désert ! Les travaux sont apparemment en plan, et tant que tout n’est pas fini, même les maisons et appartements habitables ne peuvent être occupés. Résultat de cette politique, seule la marina fait vivre quelques maisons en façade : capitainerie, toilettes, buanderie, et le bar, au bout du quai. Mais qu’à cela ne tienne, nous venons surtout chercher ici un « pied à mer » sûr pour le bateau (surtout qu’une forte houle de nord est annoncée la semaine prochaine) et qui nous permette de partir en exploration de cette île célèbre pour ses randonnées. Et à la marina, ils compensent l’isolement du lieu par leur gentillesse et la qualité du service.

 

La marina de Quinta do Lorde dans son décor de théâtre

 

Nous faisons connaissance avec nos voisins de tribord, Jean-Guilhem et Sophie, Sarah et Margot, et Xavier, sur le voilier « Yakapar ». Ils font les pleins, gasoil et eau, pour partir le lendemain sur le Cap Vert. « Vous dînez avec nous ? ». Ben ok, on amène quoi ?? Invitation improvisée et bien sympa à bord de Yakapar.

 

Le lendemain, un beau ciel bleu nous accueille et incite à la balade. Un petit coup d’œil au guide de randonnées Rother que nous ont offert ma sœur Blandine et Arnaud, avec l’intention d’en profiter avec nous, mais hélas avec tout le retard accumulé au cours de notre périple, ils ne pourront finalement pas venir nous rejoindre. Dominique et Yves nous avait aussi donné un autre guide de randonnées qui passe de bateau en bateau : « La forêt d’eau », puis « Bidule », puis « Rusée de Jersey », puis « Sahaya », et puis ? Nous jetons notre dévolu sur la Ponta de Sao Lourenço, randonnée la plus proche. Un au revoir en passant à l’équipage de Yakapar qui est sur le départ, quoique … ils viennent de se rendre compte qu’ils ont versé hier soir les 50 litres de gasoil dans le réservoir d’eau ! C’est donc parti pour une séance Shadock chez les voisins, peut-être à tout à l’heure ? La balade à la Ponta de Sao Lourenço est courue … très courue … c’est même carrément le boulevard ! Des cars entiers de touristes qui débarquent au col. Pour la photo, pour quelques mètres ou plus. En poursuivant la balade, la sélection naturelle éclaircit les rangs !... Mais ça vaut le coup quand même. De retour à la marina, nous constatons le branle-bas de combat chez Yakapar : le réservoir d’eau est démonté et sèche sur le ponton, pour évaporer son odeur de gasoil. Le temps de remonter, ils ne partiront donc que demain. Nous réservons une voiture de loc’ pour le soir. Demain, on attaque les sommets !

 

 

Vers la Ponta do Sao Lourenço

 

Samedi 6 novembre, Yakapar prend son élan vers le large, et nous vers les petites routes sinueuses de Madère. La route monte jusqu’au Pico do Areeiro à 1818 m, et de là nous voilà partis plein d’entrain sur le chemin de crête qui doit nous conduire au Pico Ruivo, le sommet de l’île à 1862 m. Hélas au bout de même pas 500 m, notre bel élan est coupé net par une barrière rédhibitoire : chemin fermé pour cause de l’incendie de cet été … Ah ! Quelle déception !! En bons franchouilles, on essaye de voir si on ne peut pas contourner l’obstacle, mais non quand même c’est du sérieux !... Qu’à cela ne tienne, si la face sud résiste, nous l’attaquerons par la face nord ! Hop, nous revoilà en voiture, pour gagner la côte nord, et monter à l’Achada do Teixeira à 1592 m, un autre accès pour le Pico Ruivo. Philippe part à l’assaut du sentier comme à son habitude : à fond de train. Il aurait vraiment dû faire pompier, avec lui on dirait toujours qu’il y a le feu quelque part ! A propos de feu … nous arrivons trop tard car il est aussi passé par là … Ou trop tôt car notre espoir de pouvoir récupérer le chemin de crête de ce côté-là part en fumée aussi : le verdict est le même, chemin fermé. Seule la montée au Pico Ruivo est ouverte. Nous voyons le chemin que nous n’avons pas pu prendre depuis le Pico do Arieiro, et le regrettons amèrement car il a l’air superbe : escarpé, à flanc de falaise, caracolant de col en sommet. C’est un spectacle de désolation, du noir partout, des squelettes d’arbres, encore une odeur de fumée dans l’air. Cet hiver, les coulées de boue risquent d’être ravageuses sans la végétation pour retenir la terre. Le sommet du Pico Ruivo donne une vision panoramique de Madère, le ciel est clair, les nuages orographiques couronnent la base des reliefs. Dommage, c’était le temps idéal pour profiter de la montagne. Un petit pinson s’invite à notre pique-nique, puis nous redescendons.

 

 

Depuis le Pico Ruivo. Quel dommage de ne pouvoir continuer !

 

Un joli ramasse-miettes !

 

Sur le chemin du retour, nous accrochons notre première randonnée de « levada » à notre palmarès. Les levadas sont les canaux d’irrigation qui épousent la topographie de Madère en un réseau serré, de l’ordre de 1400 km pour une île d’un peu plus de 700 km2. Et qui font sa renommée pour les randonnées, car les canaux sont bordés de chemins d’entretien, plus ou moins larges, plus ou moins exposés, et plus ou moins vertigineux en fonction de la levada : levada de forêt, de campagne, ou de montagne. Notre première levada donc, c’est celle qui conduit au Caldeirao Verde. Après une première partie un peu longuette à croiser des troupeaux de randonneurs allemands nous donnant d’emblée du « Hallo », la fin est plus rigolote avec le chemin qui se rétrécit et passe par des tunnels pour arriver à la cascade finale du Caldeirao Verde. De là on peut enquiller une deuxième levada, plus exposée, plus vertigineuse, qui mène au Caldeirao do Inferno. Vous nous connaissez … évidemment on y va ! Effectivement, cette levada est moins aménagée que la première, et par endroits il ne faut pas tomber car il n’y a pas de garde-fous. Plusieurs tunnels encore, et puis on arrive au bout de l’enfer : quel cirque !! Avec tout ça, il n’est pas de bonne heure, et nous rebroussons la levada, d’abord au pas de charge sur les parties aventureuses, puis au petit trot quand le chemin s’élargit, pour arriver à la voiture tout juste avant la nuit. Une bonne journée quoi !

 

 

Mimétisme ...

 

Le début du chemin vers l'enfer, dans un vert de paradis !

 

 

Dans l'entrée du tunnel

 

Lendemain dimanche, le brouillard s’est invité sur les sommets, et depuis le Pico Ruivo do Paul « la vision panoramique depuis le mont le plus haut du plateau de Paul da Serra » fait fortement appel à l’imagination … Nous tentons notre chance plus vers l’ouest, du côté de Rabaçal avec des promesses de levada « enchanteresse » conduisant à 25 sources. Mais nous ne sommes pas du tout enchantés par le nombre de voitures arrêtées au parking du départ ! Trop de monde, et trop de brouillard : une autre fois. Après un petit tour par Porto Moniz campé à la pointe nord-ouest de Madère, nous finissons la journée par deux lévadas formant une boucle au départ de Lombada da Ponta do Sol, sur la côte sud : montée par la levada Nova et descente par la levada do Mainho, qui surplombent la vallée de Ribeira da Ponta do Sol. Le départ n’est pas facile à trouver, et nous faisons des allers-retours sur la route, mais un monsieur avec sa bêche sur l’épaule s’arrête près de nous et nous montre : « levada ». Obrigado ! Puis quelques maisons plus loin, autre hésitation, et là c’est un bras de dame qui se tend spontanément depuis une fenêtre : « levada » ! Jolies levadas le long desquelles on glanera quelques chouchous (ou cristophines ou chaillottes, qui finiront en gratin, encore des souvenirs de la Réunion pour Philippe !), avec de chaudes lumières du soir au retour, éclairant les jardins et les cultures en terrasses.

 

Pico Ruivo do Paul : "randonnée à faire par temps clair" stipule le guide ...

 

Cascade au bout de la levada Nova

 

 

Retour dans les couleurs de l'automne

 

Il restait encore une levada classée « noire » dans notre guide, c’est le programme de lundi. La levada do Norte au départ de Boa Morte commence tranquillement à travers une forêt d’eucalyptus, puis se rétrécit pour surplomber alors la grande falaise de plus de 200 m de haut plongeant vers la Ribeira da Serra de Agua. Plus de barrière de protection, et y’a du gaz ! La randonnée s’achève comme la paroi se redresse. Pourtant, la levada continue bien après, étroit canal épousant les contours de la roche. C’est incroyable de penser aux travaux de topographie et de maçonnerie qu’il a fallu pour construire ces levadas à flanc de falaise, ces tunnels, avec des moyens sans doute modestes ! La levada do Norte est en cours de réfection, mais de façon moins poétique et esthétique quoique peut-être plus efficace contre les éboulements: un tuyau gainé de plastique occupe maintenant le petit canal bétonné.

 

 

Au-delà, ça devient plus scabreux ...

 

Ouvrir l'oeil sur le décor ...

 

... et sur ses pieds !

 

Le temps se dégage sur les hauts, et nous en profitons pour retourner sur le plateau de Paul da Serra. Depuis le belvédère de Bica da Cana, à 1620 m, le fameux Pico Ruivo do Paul se révèle derrière une rangée d’éoliennes, et vers l’est les sommets émergent, le Pico Ruivo, le Pico do Arieiro, le Pico Grande, dressant un rempart hérissé de pointes devant l’armée silencieuse et cotonneuse des nuages venue du nord et enjambant le col pour couler sur les versants sud.

 

Vers l'ouest ...

 

Et vers l'est ...

 

Déjà mardi, que le temps passe vite sur cette île, et il reste encore tellement à découvrir ! La houle de nord-ouest consécutive à une grosse dépression située plus au nord (et qui génère un avis de fortes vagues sur le golfe de Gascogne) commence à arriver sur Madère. La Boca do Risco (« ouverture dangereuse ») nous permet de basculer sur la côte nord, et de voir les premiers trains de houle blanchir les pieds des falaises. Nous pousserons jusqu’à la pointe Espigao Amarelo avant de rebrousser chemin. Fait trop beau … et la montagne nous appelle encore. Allez, une petite balade au départ du Poço da Neve à 1650 m. Un igloo de basalte abrite une ancienne glacière, et le chemin continue à travers le Parque Ecologico do Funchal. Le pauvre a pris un sérieux coup dans l’aile avec l’incendie de l’été … Même les tuyaux des levadas ont eu un gros coup de chaud et se contorsionnent dans les squelettes de buissons. Seules les fougères sont reparties en pionnières du vert, crosses d’évêque qui pointent pour prêcher la bonne parole en ces terres désolées : croissez et multipliez-vous !

 

Arrivée à Espigao Amarelo

 

 

 

Ca a dû chauffer ...

 

La vie reprend ...

 

Mercredi 10 novembre, la houle de nord bat son plein et a apporté la pluie avec elle comme autre témoin de la tempête qui fait rage sur les côtes portugaises. Nous voilà en cirés sur le sentier côtier de Sao Jorge pour regarder la mer en colère. Nous allons jusqu’au vieil embarcadère de Cais, mais ce sont les vagues qui embarquent, hautes de 4 mètres, elles recouvrent l’escalier et la pointe d’une écume bouillonnante. Nous restons à distance respectable, c’est impressionnant.

 

 

 

Ca bouge à la Ponta de Sao Jorge ...

 

Au retour, nous faisons une halte à Funchal, la capitale. La visite au jardin botanique ne restera pas dans nos annales personnelles. Joli jardin certes, mais pas d’un très grand intérêt botanique car peu de plantes présentent leur petit nom. Et le musée d’histoire naturelle fait plutôt figure de musée des horreurs avec de pauvres animaux empaillés tout gris et poussiéreux, et des cailloux sans nom ni provenance. Petit tour du côté du port pour voir à quoi ressemble la marina, et qui n’a-t-on pas la surprise de rencontrer : le petit père Lilian, qui traverse la place à enjambées pressées ! Lilian, un « collègue » de bateau du marigot de Balaruc-les-Bains, parti depuis trois semaines. C’était pour lui le baptême de mer de « Rama », le sloop en acier qu’il a construit entièrement 6 années durant. Et il en est content, ce qui est à noter car c’est rare chez lui, d’être content, du moins de le dire ! Ca fait bien plaisir de le croiser, malheureusement furtivement car nous devons rendre la voiture de location le soir même à Quinta do Lorde pour appareiller demain. Et nous avons aussi rendez-vous avec Philippe (encore un !) devant le Mercado dos Lavradores, car il embarque avec nous. Nous le prenons en bateau-stop entre Madère et Santa Cruz de Ténérife, où un autre bateau l’attend comme équipier pour traverser sur les Antilles.

 

Petit gabarit adapté aux routes de Madère

 

Drôles d'oiseaux ...

 

Et voilà, nous serons restés une semaine à Madère, semaine bien remplie dans cette île attachante, aux parfums de Réunion, aux villages fleuris, aux habitants d’un abord sympathique. On s’y attarderait bien plus longtemps, mais il nous faut avancer et profiter d’un créneau météo pour prendre du sud. Direction Ténérife aux Canaries, devinez pourquoi ?? Pour son volcan bien sûr, le Teide, qui culmine à plus de 3700 m, c’est le sommet le plus haut de l’Espagne qui « flotte » comme ça en plein Atlantique. Mais près de 200 miles nous séparent encore. Tchau Madère, à une autre fois peut-être !



09/12/2010
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