Iles Selvagens : un petit rab'

Escale aux îles Selvagens, un petit rab’ de Portugal

 

 

Jeudi 11 novembre, dans la matinée, nous laissons Madère dans le sillage, avec une pointe de nostalgie. On s’y était presque attachés, en tous cas on s’y sentait bien ! Notre route presque plein sud passe près des Ilhas Desertas, de fines écailles de basalte que l’on déroule dans la longueur. Peu de vent pour ce début de traversée, la mer est calme, un peu de voile, un peu de moteur, un peu des deux. Répétitions de guitare pour les deux Philippe dans le carré.

La pêche n’est toujours pas miraculeuse, un deuxième leurre à bavette se fait la malle, et rien au bout du fil ! Le soir, les quarts s’organisent, à trois ça permet de ne faire qu’un quart par nuit, c’est plus reposant !

 

Traversée tranquille

 

The Philippes' jazz band

 

Notre objectif est de couper la route de Ténérife en deux ou plutôt aux ¾ en faisant escale aux îles Selvagens, qui font aussi partie de l’archipel de Madère, à 155 miles de « l’île mère ». Elles sont classées réserves naturelles, et il a fallu demander un permis pour pouvoir y faire escale. Nous visons l’Ilha Selvagem Grande, qui abrite un petit mouillage tenable seulement par très beau temps, sans houle. Les îles ne sont pas sauvages pour rien : défendues par des cailloux qui ne sont que très partiellement cartographiés, elles ne peuvent s’aborder que de jour. La deuxième journée de traversée, nous ralentissons donc un peu l’allure pour arriver à l’Ilha Grande dans la lumière du petit matin. Le catamaran « Chamalou » qui a quitté Quinta do Lorde le même jour que nous est à l’ancre un peu au large, il a dû aussi attendre l’aube pour s’aventurer plus près. Le mouillage de l’Enseada des Carragas est une petite crique peu profonde entourée de rochers, au sud de la Punta da Atalaia. Des rochers, il y en a au fond aussi, et Philippe part pour son expédition « Comex » rituelle à l’arrivée au mouillage pour aller vérifier la tenue de l’ancre, mais cette fois par 15 m de fond, pas évident en apnée. Effectivement, il n’y a presque que des cailloux, heureusement que la météo n’annonce que de la pétole pour la nuit ...

 

On arrive ...


Premier petit tour à terre, le débarquement en annexe s’effectue sur un débarcadère en béton, la maison des gardiens est juste au-dessus. Nous sommes accueillis par Carlos, un des deux gardiens de l’île, qui nous donne rendez-vous en début d’après-midi pour une visite guidée. Il y a deux gardiens en permanence sur l’île Selvagem Grande, avec des relèves tous les 22 jours qui arrivent par bateau en même temps que les vivres. Pendant un an, ils alternent donc 22 jours sur l’île, puis 22 jours à Funchal. Des vivres, il en faut, car un stage survie sur les îles Selvagens ne serait pas une sinécure ! Nous sommes accueillis aussi par la chienne baptisée « Selvagens » qui est née sur l’île et ne la quitte pas ! Les gardiens tournent, elle reste !

En attendant la balade à terre, nous partons en exploration des fonds de l’Enseada des Carragas avec palmes masque et tuba (PMT pour les intimes). Quelques poissons colorés et pas farouches : saupes, poissons clown, girelles, castagnoles. Carlos nous a parlé de mérous mais ils ne se montrent pas.

 

Au mouillage dans l'Enseada das Cagarras

 

Débarquement

 

L’après-midi, nous emboîtons le pas de Carlos sur le chemin qui monte depuis la maison. Il se penche et ramasse une boule de plumes grises à long bec : un jeune pétrel « cagarra », dans son « nid » (si on peut appeler nid un tas de cailloux) à même le sol. Le pétrel dit « Cagarra » est endémique aux Selvagens, et a un sacré destin. Les parents nourriciers partent parfois plusieurs jours pour pêcher vers les côtes marocaines. Quand les petits sont assez « grands », les parents partent en les abandonnant au nid. Pendant un à deux mois, ils vont être seuls, perdre leur duvet et leur graisse de bébé, pour s’envoler. C’est donc un petit abandonné à son sort qui devra faire seul son apprentissage et trouver dans ses gênes, dans ses instincts, dans pleins de choses qu’on est sans doute loin de comprendre et de connaître, ce qui le poussera à s’envoler et à traverser l’océan jusqu’au Brésil, d’où il reviendra au bout de 7 ans pour nidifier sur ce même bout d’île perdu !

 

Un pétrel Cagarra au "nid"

 

Viens par là mon garçon ....

 

Bourreau d'enfant !

 

Carlos nous montre aussi des pièges qui ont été posés, apparemment avec succès, pour éradiquer les rats. Nous montons sur le plateau, petite montée puisque l’île ne prétend pas à plus de 153 m d’altitude avec le Pico da Atalaia. La flore n’a pas non plus des appétits de grandeur, quelques fleurs sèches, pas d’arbustes. Mais les couleurs sont vives, crues, la vue est bien dégagée sur l’océan à la surface tranquille, juste rayée vers le sud-ouest par la silhouette de l’Ilha Selvagem Pequena. Carlos nous déniche un petit lézard aux beaux yeux couleur pierre, endémique lui aussi. Nous redescendons du plateau avec le soleil couchant.

 

 

 

 

Contents d'être arrivés jusque là en bateau !

 

Le mouillage vu de haut

 

Philippe et Selvagens

 

 

 

Dimanche 14 novembre, l’ambiance change. D’abord imperceptible, la houle commence à monter doucement mais sûrement, ambassadrice du changement de temps annoncé et qui nous rattrape dans notre havre de paix néanmoins précaire. Sahaya dérape et est en passe de faire la bise à Chamalou, nous remouillons à une distance plus respectueuse des convenances. Hubert de Chamalou, nous emmène plonger un peu plus au sud du mouillage, mais de gros trains de houle arrivent parfois et je me sens bien petite dans l’annexe … Il ne faut pas trop traîner, le mouillage devient très vite hostile, un au-revoir à Carlos et Jacky, quelques lettres postées qui s’orneront d’un beau tampon « pétrel », et les deux bateaux lèvent l’ancre. Direction l’île de Ténérife aux Canaries : c’est facile, droit devant, en visant le grand cône du Teide, triangle en contre-jour sur l’horizon.

 

L'ambiance a changé, filons !...

 

Début de traversée tranquille, le Teide en ligne de mire

 

Salut Selvagem Grande, la sauvageonne, on gardera de beaux souvenirs d’une soirée de partage autour de la guitare et de chants, avec les gardiens Carlos et Jacky, Hubert et Laure, équipière sur Chamalou, sur la terrasse de la cabane, avec les deux bateaux au mouillage dans ce décor minéral.

 

Le soufflé de coquillage, pas si simple ...

 

Une soirée guitare improvisée et inoubliable

 

Une troupe de dauphins vient nous accompagner, pas trop dérangés par le ronronnement du moteur, car bien sûr la houle est arrivée seule, sans le vent.

Mais ça ne va pas durer ...

 



17/12/2010
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