L'alphabet dans le désordre

Îles ABC : l’alphabet dans le désordre

 

Mardi 16 août 2011, nous quittons les Aves, laissant Harpo au mouillage. Nous suivons le même chemin que Khaya, parti la veille : direction Curaçao, l’île centrale du trio des ABC, avec une escale d’une nuit à Bonaire, pour couper la route. A mi-chemin, nous sommes survolés par deux fois par un avion de la Coast Guard, qui doit sans doute relever le nom du bateau. Les îles ABC sont les Antilles Hollandaises, anciennes colonies jouissant maintenant d’une certaine indépendance. Elles sont très proches du Venezuela, à une quarantaine de miles au nord du continent, ceci explique sans doute en partie la surveillance exercée sur les bateaux qui croisent dans leurs eaux.

Nous avons environ 45 miles à parcourir pour arriver au mouillage de Bonaire. Sur cette île, les mouillages sur ancre sont interdits, il faut prendre une bouée, payante, mais il y a une tolérance d’une nuit si l’on arrive le soir et que l’on repart le lendemain. C’est ce que nous avons prévu de faire, sauf que le vent s’est finalement levé, et que nous ne voulons pas arriver trop tôt !! Nous longeons la côte est pour rallonger la route, contournons la pointe sud, remontons la côte ouest vers le nord pour arriver en fin d’après-midi devant la ville principale de Kralendijk, et nous amarrer à une bouée libre. Le mouillage fait face à la ville, dont nous ne verrons que quelques façades au soleil couchant. On capte une Wifi gratuite, et mal nous en prend, car le retour à la civilisation commence avec une salve de mauvaises nouvelles. Un peu comme qui trouve une lettre de son percepteur qui le défrise au retour de ses vacances, la réception des mails gentiment stockés depuis plus de quinze jours nous cueille à froid. Des nouvelles de notre affaire de Mahon : un an après les faits, un simulacre de procès, bâclé, confirme le montant de l’amende : 3000 €. Mais comme c’est (comme le hasard fait bien les choses !) exactement ce qu’on avait déjà versé comme garantie à la Caisse de dépôts et consignations (comme au Monopoly, ce sale jeu capitaliste !) pour pouvoir repartir de Mahon, ils n’ont qu’à se payer non ? Hé bien non ! Il faut encore reverser 3000 € sur un autre compte, et ensuite seulement, on sera (on l’espère !) remboursé des autres 3000 €. Là vraiment c’est le pompon, triste Espagne ! Et l’on éteint l’ordinateur de méchante humeur. C’est le progrès …

 

Sur la côte ouest de Bonaire

 

Au mouillage devant Kralendijk

 

Le lendemain, nous décollons avant le réveil des gardes et des douaniers pour l’île voisine de Curaçao, 35 miles plus à l’ouest. A proximité de la pointe sud-est de l’île, Punt’i Kayon, un fort courant nous déporte vers le sud-ouest qui nous oblige à corriger la trajectoire. Puis, dans la remontée le long de la côté ouest, c’est cette fois un courant de face qui retrousse la mer en courtes vagues qui nous ralentissent. L’entrée de Spanish Water ne se voit quasiment qu’au dernier moment, c’est une passe étroite et tortueuse que l’on enquille sur presqu’un mile, et qui débouche sur un large fjord naturel, bordé de mangrove. C’est bien abrité de tous côtés, pas de risque que la houle se fraye un passage jusqu’ici. Quatre zones réglementées de mouillage sur ancre sont définies, et nous optons pour la zone « D », qui nous semble la plus tranquille, et où nous retrouvons Khaya qui y a élu domicile depuis la veille.

 

Une fois le bateau mouillé, nous partons en annexe découvrir les lieux, et reprendre contact avec les incontournables de la société de consommation : où retirer de l’argent, et où le dépenser ?? Au bar des pêcheurs, près du ponton qui est l’officiel garage à annexes, un grand barbu nous accoste avec un « Welcome in Curaçao ». C’est Rob, un Australien, qui est au mouillage depuis plusieurs mois, et nous donne des renseignements sur Spanish Water. Mais pas de chance de trouver un distributeur de billets ici, et vue l’heure, pas plus de chance que la station service soit ouverte pour pouvoir prendre de l’essence pour l’annexe. Ni une ni deux, il attrape son portefeuille, et nous tend un billet de 20 US$ ! Puis il nous dit de le suivre jusqu’à son bateau, et il nous passe une nourrice avec de l’essence dedans ! On n’en revient pas de cet accueil, c’est très sympa de sa part.

 

A contre-courant le long de la côte ouest de Curaçao

 

L'entrée de Spanish Water, faut savoir !

 

Ca change des Aves ...

 

Le lendemain matin, nous prenons le bus pour aller à la capitale, Willemstad, faire les formalités d’entrée : douane, puis immigration, puis bureau des pilotes pour le droit de mouillage. Les formalités sont assez rapides, mais néanmoins très strictes : il n’est pas question de quitter simplement le mouillage de Spanish Water pour aller mouiller dans l’une des rares autres zones possibles. Il faut le signaler préalablement aux autorités maritimes… et ça ne peut pas être un week-end car ils sont fermés samedi et dimanche … La ville de Willemstad est coupée en deux par un fleuve qu’enjambent un pont routier avec un fort tirant d’air, et un pont flottant piétonnier, qui s’ouvre pour laisser le passage aux bateaux. Car de gros navires entrent et sortent entre les rangées de maisons : cargos, paquebots, et aussi quelques voiliers, pour accéder au chantier à sec au fond de la baie. Les façades des maisons sont remarquables par leurs couleurs, bleu, jaune, vert, rose, orange, … D’ailleurs, on les retrouve en frise pastel sur les plaques d’immatriculation des voitures. L’histoire raconte que l’habitude de peindre les façades daterait de 1817 avec le vice-amiral Kikkert, gouverneur des Antilles Néerlandaises, qui, souffrant de la réflexion de la lumière tropicale sur les murs blancs, aurait interdit les maisons blanches.

 

 

 

Au marché flottant vénézuélien

 

Sur le pont flottant

 

 

De l'importance d'avoir un bon frein à main ...

 

Des iguanes en trompe l'oeil

 

Pause café avec Harpo à Willemstad

 

A Curaçao, le métissage est plus marqué qu’à Grenade, même si les blancs sont surtout en version « blonds aux yeux bleus », que les mauvais esprits (comme Philippe), appellent les flamands roses, bien qu’il existe dans le nord de l’île, une vraie population de flamands. La langue officielle est le hollandais, mais les gens parlent aussi et surtout le papiamento, mélange de hollandais, d’anglais, d’espagnol, et de portugais. Connaître ces quatre langues, c’est avoir quatre fois plus de chance de tomber à côté du bon mot ! Après une halte au marché flottant vénézuélien pour refaire le plein de fruits et de légumes, nous reprenons le bus non sans avoir repéré un genre de cantine ouvrière dans l’ancienne halle du marché, dans laquelle nous reviendrons manger quelques jours plus tard avec nos amis d’Harpo. C’est à la bonne franquette : d’un côté de la halle, des dames qui s’affairent en cuisine derrière des comptoirs, et de l’autre, des tables en bois démarquées par la couleur des toiles cirées, et des bancs où poser ses fesses pour manger une assiette repas.

 

Le mouillage de Spanish Water est bien protégé, mais vraiment loin de tout. Une vie bien réglée y est organisée, à l’anglo-saxonne : le bar avec la « happy hour » deux fois par semaine pour la rencontre des navigateurs, des navettes gratuites tous les matins pour aller faire ses courses au supermarché, un « water-boat » qui vient livrer de l’eau potable directement aux voiliers, un « forum » le matin de 7h45 à 7h55 sur la VHF canal 72, animé en anglais, pour les news, les petites annonces, etc.

 

A côté de ça, l’atmosphère est assez indéfinissable, un curieux mélange d’arrivisme et de  frime avec des maisons prétentieuses et de grosses voitures (en majorité des 4x4 arrogants à vitres fumées), et de saleté flagrante, même dans des endroits très grand public : plage bondée les week-ends et constellée de galettes de mazout, dépotoirs le long des routes, terrains vagues, anciens sites historiques et anciens sites industriels laissés à l’abandon, avec un entrelacs de routes goudronnées qui ne sont plus entretenues. L’obésité est présente, qui semble encore plus marquée chez les femmes. Voilà une semaine que nous sommes là, et nous avons arpenté quasiment tous les chemins à proximité du mouillage, grimpant au petit sommet qui permet une belle vue d’ensemble sur le fjord, aux nombreuses ramifications s’enfonçant dans les terres. Les reliefs sont calcaires, et nous remarquons que quantités de chemins sont tracées, qui mènent systématiquement au pied des falaises, sans que l’on arrive à s’expliquer pourquoi. A priori, pas d’escalade, même si il y aurait un très fort potentiel sur un beau calcaire dolomitique ? Ou alors des gens qui viennent détrousser les nids de cire des guêpes maçonnes comme à la Réunion ? Mystère …

 

 

Spanish Water : un grand fjord

 

 

Un joli nid avec l'ouverture par en-dessous

 

Il chante un peu comme un merle, mais en papiamento ...

 

Qu'est-ce que c'est ?

 

Les guêpes-maçonnes au travail

 

 

Sahaya au mouillage

 

Water-boat en livraison

 

Discothèque flottante, en sortie tous les week-end

 

Bateau-forage, en escale prolongée derrière le mouillage

 

Jeudi 25 août : nous sommes réunis sur Harpo avec Khaya, pour un dîner d’au-revoir : Harpo nous quitte demain pour la Colombie, puis les Samblas et Panama, où l’ami de leur fille doit arriver en avion pour passer quelques temps avec eux. Nous en sommes à trinquer, et c’est alors que …



16/09/2011
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