Santa Marta, la vuelta

Santa Marta, la vuelta

 

Mardi 4 octobre 2011, nous quittons Villa de Leyva pour Tunja, où le busetto nous dépose vers 14h30. Un peu juste, mais normalement nous devons avoir un bus à 15h, un direct jusqu’à Santa Marta. Bon, ça commence mal, car le bus de 15h s’avère en fait être un mini bus (18 heures en mini bus ça risque de paraître long ?...), et finalement, il s’avère être complet (ce qui constitue peut-être une bonne nouvelle ?...). Flûte … Un rabatteur de la compagnie Copatran nous rabat avec succès, car nous prenons deux places pour un (grand) bus sensé partir à 15h30, et avec correspondance à Bucaramanga. C’est là qu’on aurait dû se méfier … parce qu’à 16h30, le grand bus n’est toujours pas là … Je vais voir notre rabatteur, un peu inquiète sur la correspondance, à 22h ou 23 h, c’est pas très clair, mais non, pas de souci, no problemo, tranquilo. On finit quand même par embarquer dans un frigo sur roues qui s’appelle ici un bus. Le temps défile plus vite que les kilomètres, mais l’aide du chauffeur me rassure : on aura la correspondance de 22h. Avec notre allure d’escargot, il devient vite évident que c’est râpé pour 22h, mais le gars de nouveau soumis à la question m’assure de celle de 23h. Je le soupçonne de me dire ce que j’ai envie d’entendre ! A minuit passé, le bus nous débarque dans la gare routière de Bucaramanga ... La minette du guichet de Copetran nous annonce en riant que le prochain bus pour Santa Marta part à 4 heures du matin. Bon, allez, ce n’est pas bien grave, et ça fait partie du voyage, l’attente dans les terminaux de transport. Et il y a du spectacle dans la salle d’attente, où l’on est loin d’être seuls. Beaucoup de personnes attendent comme nous sur des rangées de sièges en plastique. Des bus partent toutes les heures. Le vallenato fait rage dans les hauts-parleurs, c’est saoulant pour nous à la longue, mais c’est vraiment une musique populaire de Colombie car beaucoup de gens, jeunes et vieux confondus, fredonnent les paroles. Cinq boutiques ceinturent la salle d’attente, où des vendeurs s’activent toute la nuit : rangement de boîtes de gâteaux, de paquets de chips, époussetage de petits canards en plastique pleins de cochonneries sucrées pour les gamins. Deux policiers font une « descente », et vérifient les pièces d’identité de la moitié de la salle, puis se mettent à tchatcher avec deux jolies étudiantes qui attendent le bus. Un gros chat roux dort en rond sur les sièges. Qu’est-ce qu’il fait là ce chat ?, m’interroge-je. Ben il attend le bus, me répond Philippe. Evidemment, quelle question idiote !

 

"Prière du conducteur" : "protège ceux qui sont avec moi ..." C'est sympa de penser à nous !

 

De nuit dans la salle d'attente du terminal de bus de Bucaramanga

 

4 heures du matin, le frigo suivant est à l’heure, et nous embarquons vêtus de nos polaires. C’est vraiment n’importe quoi ces clim’, mais à quoi ça sert ?? Pour nous faire passer le temps, le chauffeur alterne la radio, et deux films vidéo. Hasard, ce sont deux films français, mais doublés en espagnol : « Mic Mac à Tire Larigot » avec Dany Boon, et « Océans » de Jacques Perrin. Ce dernier est bienvenu pour nous remettre dans le bain de la mer avant de retrouver le bateau. Voir les grands espaces océaniques nous redonne envie de naviguer … La route qui remonte sur Santa Marta suit la large vallée du fleuve Magdalena, qui traverse une grande partie du pays du sud au nord pour venir se jeter en mer des Caraïbes à Barranquilla. Les paysages sont assez plats, nous longeons de grandes bananeraies pendant que des reliefs défilent sur notre droite. La route est un gruyère quasiment de bout en bout, plusieurs ponts sont effondrés et leurs remplaçants de fortune semblent constituer du provisoire fait pour durer … Juste avant Santa Marta, nous traversons la ville de Rodadero, où les grands immeubles et les complexes hôteliers poussent comme des champignons. C’est la zone balnéaire de Santa Marta, un paradis pour qui aime le béton … A l’arrivée après 12 heures de bus, nous avions presque oublié que nous étions sous les tropiques, mais les 30°C de Santa Marta mettent vite à bas les polaires !

 

Sur la route, des villages qui semblent "thématiques", ici spécialisé dans la vidange de camions

 

Salut Sahaya, on ne t'a pas trop manqué ??

 

Santa Marta de noche

 

Jeudi 6 octobre, réveil sur Sahaya, à Santa Marta. Nous avons la bonne surprise de retrouver nos amis Jacques et Marie, sur Hic Nunc, que nous avions connus au Cap Vert en début d’année. Il y a aussi Anne, une amie de Montpellier, de passage sur Santa Marta dans son voyage jusqu’à Panama, qui vient s’installer quelques jours sur le bateau.

 

Santa Marta est la première ville de Colombie qui ait été fondée par les conquistadors Espagnols, en 1525. Elle est organisée en « cuadras », et, à l’origine, avait une forme de U ouvert vers la mer en porte de sortie en cas d’attaque. A l’arrivée des Espagnols, la baie de Santa Marta était occupée par les Indiens Tayronas, qui se sont farouchement battus contre les envahisseurs, et se sont réfugiés dans les montagnes de la Sierra Nevada, avant de perdre la partie. La civilisation Tayrona était très avancée. Des orfèvres hors pair, qui maîtrisaient différentes techniques, or martelé, filigranes, cire perdue, etc. Avec des motifs très esthétiques et complexes, et des bijoux qu’on pourrait juger assez prétentieusement de « modernes » (moi, y’en a qui me plairaient bien !). Santa Marta consacre un petit musée aux Tayronas, « El museo del Oro Tayrona ». Les bijoux et statuettes en or et pierres précieuses avaient des fonctions ornementales, mais aussi symboliques, notamment pour les chefs religieux et spirituels des communautés, les « caciques ». La chauve-souris par exemple, était un symbole de force. Les barbares venus de l’est n’y ont vu que le poids d’or … C’est incroyable de se dire que ces civilisations précolombiennes si évoluées, qui vivaient en équilibre depuis plusieurs milliers d’années, ont été décimées en moins d’un siècle. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que ces civilisations n’étaient pas fondamentalement expansionnistes, ni conquérantes.

Les Tayronas n’étaient pas seulement de grands orfèvres, mais aussi de grands architectes et bâtisseurs. Un des vestiges les plus importants qui en témoigne est la « Ciudad perdida », la cité perdue, (re)découverte récemment, en 1975, par deux Colombiens, à environ 1300 m d’altitude, au cœur de la forêt de la Sierra Nevada de Santa Marta. Grandes terrasses, plateformes en pierres pour les maisons, systèmes hydrauliques sophistiqués, se sont bien conservés au cours des siècles d’habitation (de 500 après JC jusqu’au XIVème siècle, où les Tayronas auraient pu en être chassés par les Incas), et « d’oubli » dans la forêt tropicale. Les Indiens Koguis, qui vivent dans la Sierra Nevada et sont les héritiers des Tayronas, disent que cette cité n’était perdue que pour les blancs, car eux savaient depuis toujours qu’elle était là. Maintenant, elle n’est pas perdue pour tout le monde, car on ne peut y accéder qu’en s’inscrivant dans des agences de tourisme qui organisent des treks sur 5 jours. Et la note est salée … C’est pour ça qu’on a finalement décidé de ne pas le faire, même si ce doit être à faire …

 

 

Sur le marché de Santa Marta

 

Du côté du poisson frais ... surtout en début de matinée

 

Quelques spécimens d'orfèvrerie Tayrona

 

Heureusement, en lot de consolation de la cité onéreuse pour nous perdue, il est un petit village où l’on dépense surtout de la sueur pour l’atteindre par une montée dans la forêt tropicale : le « Pueblito ». C’est aussi un vestige de la civilisation Tayrona, situé dans le Parc naturel éponyme, à une trentaine de kilomètres à l’est de Santa Marta. Nous y allons en compagnie de nos amis Jacques et Marie. Le busetto nous lâche à l’entrée du parc, et la première journée de marche nous amène jusqu’à Arrecifes, juste en bord de plage, où l’on passe la nuit dans des hamacs. On avait visé d’être là en semaine pour qu’il y ait moins de monde … On ne savait pas que c’était une semaine de vacances pour les Colombiens ! Des tentes sont dispersées sur le terrain de camping, avec des familles, et une bande de jeunes que l’alcool rend bruyants jusqu’à pas d’heure. Mais c’est une ambiance assez bon enfant.

 

"Ne pas s'approcher de la rive, présence de caïmans" ... Sauf qu'il faut s'approcher pour lire le panneau !

 

Sur la côte Caraïbes

 

Bien planté ...

 

Marie et Jacques déjà installés dans le dortoir à hamacs à Arrecifes

 

 

Une pique assiette !

 

A partir d’Arrecifes, le chemin suit la plage jusqu’au Cabo San Juan, avant d’attaquer la montée jusqu’au Pueblito, perché à environ 600 m. Le chemin monte, en partie dallé et empierré, dans la forêt tropicale. Sous la voûte d’arbres immenses, aux longues racines épousant les rochers, et d’où ruissellent des lianes ondulant jusqu’au sol. Je découvre cette ambiance de forêt dense à la vie foisonnante, les couleurs vives des fleurs et des papillons, les chants des oiseaux, les multiples petits bruits des insectes, grillons, sauterelles. Voûte de feuilles, voûte sonore, on a l’impression d’être baigné dans cette forêt, d’être inclus dedans, presque d’en faire partie intégrante. On s’y sent purifié. D’ailleurs, on n’a jamais autant transpiré !

 

Dans la montée

 

Un grand papillon au dessus des ailes d’un bleu azur brillant passe souvent, un « morpho » selon Jacques, mais il est insaisissable en photo. Juste pour le plaisir des yeux.

Il est aussi fascinant d’observer l’activité de fourmis coupeuses de feuilles, les fourmis Atta. Leurs colonnes traversent le chemin à intervalles réguliers, ou bien le longent, puis plongent en forêt selon un petit sentier dégagé dans la végétation à force de passage de milliers d’individus. Les colonnes de porteuses de feuilles, qui reviennent de leur atelier de découpage en portant leur petit morceau de feuille au bout des mandibules, croisent celles qui ont déjà fait leur livraison à la fourmilière et repartent au turbin. Des armées rouges ! Equipées de fortes mandibules pour découper de petits morceaux de feuilles en arc de cercle. Elles récoltent les feuilles de certaines plantes au sol, mais elles peuvent aussi aller les chercher en haut d’arbres immenses, et c’est marrant de voir, en contre-jour, les petites colonnes vertes frémissant le long du tronc. Avant de clore cet intermède animalier, il vous faut quand même savoir que ces fourmis ne mangent pas les feuilles qu’elles coupent. Celles-ci leur servent à faire pousser, au fond de jardins qu’elles entretiennent soigneusement au cœur de la fourmilière, un type de champignon particulier dont elles se nourrissent. Le champignon ne peut pas vivre sans les fourmis, et réciproquement.

 

 

 

Les fourmis Atta, coupeuses de feuilles et champignonistes

 

A force de transpirer et d’éviter de faire des hécatombes d’ouvrières dans les colonnes de fourmis avec nos gros godillots de marche, on finit par arriver au Pueblito, situé sur une sorte de petit plateau dans la forêt. C’est donc un ancien village Tayrona, où plus de 500 vestiges de maisons ont été recensés, et dont seuls quelques uns ont été dégagés de la végétation. Les maisons rondes, en bois, étaient installées sur des terrasses. On voit encore des murs de pierres sèches, de petits canaux d’adduction d’eau, des chemins dallés de grandes pierres plates. Plusieurs milliers de personnes auraient vécu là, au cœur de la forêt.

 

 

 

Une hutte reconstituée

 

Sur le chemin du retour, des cris retentissent dans la forêt … Entre le sanglier furieux et le puma de mauvais poil. A vous glacer le sang … ou presque … s’il ne faisait pas si chaud … Et il s’agit en fait de singes hurleurs ! On les avait bien rencontrés un peu avant, perchés dans les arbres, mais ils étaient restés silencieux.

 

Dans la forêt lointaine, on entend le ??

 


 

Nous rencontrons aussi une famille d’Indiens Koguis, tout de blanc vétus. Ils veulent préserver leur culture et évitent généralement le contact avec les touristes. Pour les rencontrer vraiment, il faut être un peu « introduits », comme nous le disait Pierre, à El Arca Verde. Toujours d’après Pierre, ils sont très « branchés », à de hauts niveaux de conscience et de communication avec des énergies subtiles. La coca a toujours fait partie de leur culture, ils la considèrent comme une herbe de la connaissance, qui « ouvre les portes » de la conscience. Dans le musée de l’or de Santa Marta, une photo d’Indiens Koguis les montre tous avec une joue de hamster, gonflée par une boule de coca mastiquée. Ils « nous » (les non Indiens) appellent les « hermanos menores », les petits frères. Qui n’ont encore pas tout compris ! En France, l’association « Tchendukua – Ici et ailleurs » crée par Eric Julien, que les Koguis ont sauvé en le soignant d’un œdème pulmonaire alors qu’il découvrait leur territoire dans la Sierra Nevada de Santa Marta, les aide entre autres à (r)acheter leurs terres ancestrales (www.tchendukua.com).

 

Les Koguis

 

"La Mère" était la mer, Gaulchovang, dans la mythologie Kogui

 

La coca, "herbe de la connaissance" pour les Indiens qui savent l'utiliser

 

De retour sur Santa Marta, nous bricolons un peu sur le bateau. Je m’attelle à la réparation du spi, un gros morceau … pour recoller les morceaux. Il aura sûrement perdu un peu de son hydrodynamisme dans la bataille … Mais espérons que les réparations tiennent, et que notre Obélix n’éclate pas à la première brise passant dans ses braies …

Et nous préparons, avec Jacques et Marie, notre prochaine visite : Carthagène des Indes.

 

Obélix le couturé ...



04/11/2011
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