A la porte !

A la porte ! (de l’Atlantique)

 

 

30 septembre 2010, Sahaya pointe vers l’ouest, vers Gibraltar, vers la sortie ! En fait de vent d’est … nous aurons trois jours de pétole, trois jours de navigation au moteur, égayés de petits incidents quotidiens : une fois le guindeau qui fait grève (les charbons), une fois le moteur qui chauffe (tiens, il manque du liquide de refroidissement, où est-il passé ??), et une fois le vérin de barre qui se désolidarise du safran (revissé). Trois sauts de puce pour faire la route jusqu’à Gibraltar, avec deux mouillages intermédiaires bien tranquilles : le premier sur la petite plage juste à côté de la Marina del Este, et le deuxième à Fuengirola, après Malaga. Nous ferons les deux derniers jours dans le brouillard, un beau brouillard, bien dense, bien épais, merci le radar ! Est-ce qu’on va arriver au bout du monde, cauchemar des marins, au bord d’un précipice sans fond où s’engouffrent les eaux dans une terrible cataracte ? Hé non, le brouillard se lève, le soleil perce, et on aperçoit … la ville de Malaga qui émerge du fond de son golfe. C’est presque décevant …

 

 

Avant Gibraltar, le brouillard se lève et le fameux rocher se dessine. . Il y a de nombreux cargos au mouillage. Nous faisons l’arrivée à la Punta de Europa dans une mer toute désorganisée, avec le vent d’ouest qui s’est levé, et qui retrousse les vagues portées par le courant heureusement pour nous favorable de la marée descendante. Même avec le vent dans le nez, on avance comme sur un tapis roulant. Ça y est, on l’a contourné ce caillou historique, pour entrer dans la baie d’Algesiras qui laisse une impression étrange, avec des cargos au mouillage, accrochés aux mamelles avec leur petite « nourrice » de carburant, et des torchères de raffinerie en fond de baie. Pour le premier soir, nous allons au mouillage de La Linea de la Concepcion, juste à côté de Gibraltar.

 

 

 

Bagarre du vent et du courant

 

Nous prévoyons de rester deux jours à Gibraltar, le temps de visiter. Pour être plus tranquilles avec le coup de vent d’ouest annoncé, nous allons dans la marina toute proche et toute neuve et presque vide de La Alcaidesa.

 

La première balade à Gibraltar amène plein de nouveautés : d’abord le passage de la douane, la première cabine téléphonique rouge « So British », la traversée de la piste de l’aéroport pour arriver à Gibraltar même. Et bien sûr il y a les singes de Barbarie : des petits qui chahutent comme des gosses sous le regard placide des adultes, des bébés accrochés au sein de leur mère, des séances d’épouillage en famille. En ville, c’est un curieux mélange d’éléments disparates : des immeubles typés HLM en entrant, d’autres de plus grand standing, des vestiges de constructions militaires d’époques diverses. Nous montons à pied jusqu’à la crête, puis redescendons par un chemin sur le versant sud pour rejoindre la Punta de Europa. Puis retour au bateau, une belle trotte … Le lendemain, nous tentons de faire le sommet, mais il n’est en fait pas accessible. Terrain barricadé. La vue est belle quand même, avec les côtes marocaines toutes proches, et là, vers l’ouest, cette ouverture que l’on devine sur l’océan. Et qui nous donne envie de continuer !

 

 

 

 

 

 

 

Après ces deux jours de balade sur le rocher, il est temps d’aller voir plus loin, et nous nous préparons à appareiller. Philippe retend un peu la courroie de la pompe à eau qu’il trouvait un peu molle … et elle se met alors à fuir comme un panier. En quelques minutes, tout le liquide de refroidissement se retrouve dans le fond du bateau ! La pompe est cuite ! Pas moyen de repartir. C’est la guigne encore … Notre voisin de bateau, un Américain, nous console : « Gibraltar, c’est le meilleur endroit pour tomber en panne, on trouve de tout ». Cool … C’est vrai que la nouvelle pompe ne mettra que deux jours à arriver (merci Car Care Center, gentils, serviables, et efficaces !). Mais le temps de la recevoir et de la remonter, et nous loupons de peu le créneau de vent d’est. Là c’est le vent d’ouest fort qui repart. Une fenêtre météo qui se ferme, et c’est la porte de l’Atlantique qui nous claque au nez !

 

Nous restons donc à la porte pour plusieurs jours encore. Bricoles au bateau, balade en VTT jusqu’au Pinar del Rey en passant par la raffinerie, balade à pied en bord de mer depuis La Linea, animée de bécasseaux sanderlings (identifiés officiellement sur photo depuis l’Ecosse par Pierrette) qui cavalent sur la plage pour picorer dans le sable après le passage des vagues.

 

 

Lundi 11 octobre, on tente la traversée du détroit, en s’étant mis dans les bonnes conditions de courant a priori : départ 3 heures après la haute mer à Gibraltar, a priori le courant devrait nous pousser. A priori … En fait, le vent d’ouest est plus fort que prévu, nous l’avons en plein dans le nez, et le courant est contre nous aussi ! On n’avance pas ! Ah par rapport à la mer si, brave Sahaya qui y va à coup de moteur. Mais par rapport au fond, c’est une autre histoire, on est à 2 nœuds … et encore, dans l’autre sens, on recule !! Ah cette tour, ça fait trois fois qu’on la passe, et la repasse ! Au bout de 6 heures de lutte au moteur, et sous la pluie, on abdique. On a fait 8 miles en comptant en ligne droite. Demi-tour, et là miracle, sans moteur et avec un peu de vent arrière, on avance à 6 nœuds … Un vrai tapis roulant … qui nous ramène devant la porte, au mouillage à La Linea de la Concepcion …

 

C’est reparti pour quelques jours d’attente de plus. Y’en a marre de Gibraltar ! Le rocher a perdu de son charme. En plus, la Guardia Civil fait une « descente » dans le mouillage, alpaguant tous les bateaux pour leur dire que le mouillage est interdit et qu’il faut partir. Un des flics parle français, on lui demande des précisions. Il nous dit que le mouillage a toujours été interdit mais qu’il était toléré, mais que dorénavant, les « autorités portuaires » (publiques ?) ont décidé de ne plus le tolérer. Il faut dire aussi que la jolie marina (privée) toute neuve juste à côté est bien vide. Mais seuls les esprits chagrins y verront un curieux mélange des genres et un rapport de cause à effet ! « Lundi, il n’y a plus personne ici », disent-ils avant de partir. Ils reviennent le lendemain, voient d’autres bateaux. De toute façon, on ne voulait pas s’éterniser là, mais ça veut dire que ce mouillage de La Linea, célèbre auprès des voyageurs en transit, ne sera peut-être plus possible sous peu ?

Vendredi 15 octobre, toujours un peu de vent d’ouest, mais qui devrait rester très faible. On décide de retenter le coup, mais en partant très tôt le matin cette fois, pour profiter de la pétole de la nuit. Mais cette fois-ci, on n’essayera pas de tirer des bords, on restera le plus près possible de la côte, en tirant le plus direct possible au moteur. Pour nous avancer, nous traversons la baie d’Algesiras pour aller au mouillage de l’autre côté dans l’Ensenada de Getares. Nous croisons quelques dauphins indolents, que font-ils dans cette baie industrielle ?

Arrivés au mouillage, on part se dégourdir les jambes à Getares. Quand on revient de notre balade, il n’y a plus qu’un seul bateau au mouillage, le nôtre, une seule annexe sur la plage, la nôtre, autour de laquelle tournent deux flics d’un air très perplexe, comme deux poule(t)s qui auraient trouvé un couteau … On observe la scène de loin, en arrivant par le bout de la plage. Presque blasés … comme le vétérinaire avec la Noiraude : « Qu’est-ce qui ne va pas encore ? » Interdiction de mouiller ? Interdiction de débarquer ? On n’a rien vu d’écrit de tel. On s’approche, « Que pasa ? ». Ils nous demandent si le voilier est à nous ? Oui. C’est interdit de mouiller ici, ici c’est une plage, il faut aller dans les ports, le bateau c’est fait pour aller dans un port, mais qu’est-ce qu’on fait là vraiment ? En plus, je n’avais pas pris nos papiers pour cette courte balade … Bon, c’est bon pour cette fois, mais, nous préviennent-ils, ailleurs on aurait eu une amende, ou bien même nous serions allés au poste. Décidemment … « La mer, dernier espace de liberté », dit-on parfois. Oui … Mais à condition de ne pas s’arrêter. Ou en tous cas pas n’importe où !… Mais peut-être qu’ils ont des consignes strictes avec les clandestins, et le trafic de drogue dans le secteur.

On comprend finalement pourquoi ce mouillage est interdit : qu’est-ce qu’il est rouleur !! A chaque ferry qui passe, c’est parti pour la balancelle, et il en passe quand même un nombre certain, même de nuit. Mais la nuit est courte, nous sommes debout à 3 heures ce samedi 16 octobre, pour affronter le détroit !



24/10/2010
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