Mindelo, São Vicente : dépaysement, rencontres et découvertes

Mindelo, São Vicente : dépaysement, rencontres et découvertes

 

 

 

Même si le bateau laisse plus de temps que l’avion pour se mettre dans le bain, et redonne de la dimension (au moins temporelle !) à la notion de voyage, l’arrivée dans un nouveau pays reste quand même un événement qui … dépayse ! Après tout, c’est bien ça qu’on est venu chercher, non ? La première impression de Mindelo quand on pointe un œil encore ensommeillé dans le cockpit ce mercredi 29 décembre à la matinée bien avancée, est une ville aux façades colorées sous le soleil, adossée à des reliefs, encadrée à gauche par le port de commerce, et à droite par de grandes citernes. Des pêcheurs rentrent, remorquant une barque. Le mouillage est bien garni, avec des voiliers de voyage de tous types, tailles, et standing : bois, acier, alu, sloop, ketch, goélette, pour la plupart équipés d’éolienne et de panneaux solaires. Mais pas de trace de Mougika, qui devait pourtant aller à Mindelo ? On espère qu’ils n’ont finalement pas opté pour Sal en pensant nous y retrouver …

 

Sahaya au mouillage à Mindelo

 

Nous profitons que notre voisin de devant quitte sa « place » pour nous rapprocher un peu du lieu de débarquement. Où est-il d’ailleurs ? Quels sont donc les us et coutumes du mouillage ? Où laisse-t-on l’annexe ? Nous allons rendre visite notre voisin de bateau le plus proche, Claude, un français qui s’apprête à traverser en solitaire jusqu’aux Antilles. Il nous donne quelques tuyaux, et nous allons ensemble à terre. Echange de bons procédés : on lui prête une place dans notre annexe, et il y met son moteur pour remplacer le nôtre qui a fait son caprice. Les formalités d’entrée sont vite faites, bateau et immigration. Puis c’est la recherche d’un Cyber Café pour remettre le pied dans notre civilisation de communication, et rassurer la famille sur notre sort : on est bien arrivés ! Aïe … à ¾ d’heure près, Laure, l’équipière du catamaran « Chamalou » qui est descendue au Cap Vert et nous attend pour faire le tour des îles, nous a laissé un mail disant qu’elle prend son billet d’avion pour nous rejoindre demain à Sal !! On lance un mail rapide : STOP ! Espérons qu’elle le verra à temps … Décidément, si Mougika et Laure se retrouvent à Sal et nous ici, on a tout loupé !

 

 

Jeudi 30 décembre, le téléphone sonne : c’est Laure ! Qui a bien reçu notre mail, et nous attend à la marina. Elle a pris son billet d’avion pour Sal, dommage, elle reste finalement pour embarquer avec nous quand nous irons visiter les autres îles. Ça fait maintenant un mois qu’elle est à Mindelo, logée chez son amie capverdienne Néousa, et elle nous indique quelques bons tuyaux. Là l’Alliance Française avec la Wifi, ici un bar qui sert du bon café, à droite le marché au poisson, dans la rue transversale les marchandes de fruits et légumes sur les trottoirs, et sous un grand arbre (un des rares de Mindelo), les quelques tables d’une cantine qui sert une bonne « cachupa », le plat typique du Cap Vert : préparée à base de maïs, lentilles, oignons, et servie surmontée d’un œuf le midi, et plus diluée pour ressembler à une soupe le soir. Nous nous installons sous l’ombre bienvenue et commandons donc bières et « cachupa ». C’est marrant de voir comment les lieux nouveaux deviennent vite habituels en bateau. Non que l’on soit blasés, ou que l’on ne regarde plus. Non, c’est plutôt que des repères se prennent vite. Il est vrai que Mindelo n’est pas bien grand non plus, mais on a déjà eu ces ressentis dans d’autres lieux dès lors qu’on y séjourne quelques jours. A Mindelo, un de nos « repères » favoris devient vite le restaurant « La Bodeguita de Mindelo », tenu par Bruno, un Guadeloupéen qui s’est installé au Cap Vert après y être venu en vacances. Sympa, et très bon cuisinier. Il nous fait goûter plusieurs rhums (ici on dit « grog ») de Santo Antao, et on lui commande une, enfin deux, et plutôt trois (faut c’qui faut pour la traversée de l’Atlantique !..) bouteilles de rhum vieux !

 

Où en étais-je déjà de notre première découverte de Mindelo ? Ah oui, la cachupa à l’ombre. A peine assis, nous nous faisons « brancher » par Sébastien, un « bateau-stopper » Belge qui cherche un embarquement pour le Brésil. Nous avons découvert ce monde des bateau-stopper à Las Palmas de Gran Canaria, là-bas c’était presque un défilé quotidien de gens plus ou moins allumés cherchant à embarquer à tout prix pour aller vers l’ouest. Ici à Mindelo, l’ambiance est plus sympathique, et une petite équipe de bateau-stopper fait la tournée des pontons : il y a Sébastien donc, et aussi Aurélie et Martin qui sont descendus d’un bateau skippé par un fou qui leur balançait des boîtes de conserve pendant ses crises de beuverie, Jeanne, une petite Belge qui veut aller au Brésil pour un projet sur l’agriculture biologique, Jean-François, un Suisse de 62 ans, hydrogéologue comme moi, qui a fermé son bureau d’études pour partir en voyage et vise le Brésil pour travailler la bossa à la guitare. Il est arrivé sur le bateau d’Eric, qui s’est dérouté sur le Cap Vert alors qu’il entamait la traversée de l’Atlantique parce qu’il était en train de perdre sa quille, un bateau tout neuf ! Autant de personnes, autant de personnalités et d’histoires et d’objectifs de voyage différents. Tous finiront par trouver un embarquement. D’ailleurs, nous prenons Jean-François comme équipier. Avec Laure, nous serons donc quatre.

 

L'annexe c'est facile ...

 

Il y a les équipiers, et aussi les solitaires, qui s’apprêtent à traverser l’Atlantique, Gérard, Michel, parfois sur de petits bateaux : Jade sur un 6,70 m, Bruno sur un 7,60 m. Chapeau …

Ces rencontres révèlent des « boucles relationnelles » qui feraient croire que le monde est petit, ou tout au moins rond : des amis ariégeois en commun avec Jade, Gérard que l’on avait rencontré à Sète aux puces nautiques, Jeanne qui est venue jusqu’ici sur le bateau qui n’avait pas attendu Philippe, notre premier équipier, aux Canaries, etc.

 

Jade, un des solitaires, sur son petit bateau

 

De grogue en cachupa, de balade en discussion, nous restons plus de 15 jours à Mindelo. Le mouillage est sûr, et Philippe a mouillé deux ancres et un bon peu de chaîne pour pouvoir affronter les rafales sans angoisser. C’est toujours l’alizé de nord-est qui souffle, mais toujours au moins à 20 nœuds, avec des risées qui peuvent atteindre 40 nœuds. D’ailleurs j’aimerais bien qu’il fasse une petite pause de temps en temps … Il lève un clapot qui nous rince dans l’annexe quand on va en ville !

 

15 jours, ça permet de prendre le rythme du pays, et ici, c’est plutôt tranquille. Les Capverdiens sont accueillants, et beaucoup parlent français. La moindre vendeuse de bazar chinois t’interroge d’un impeccable« voulez-vous un sac ? » sans accent, de quoi flanquer des complexes en langues étrangères … Le climat de l’hiver tropical est sympa : journée chaude sans trop, nuit fraiche, pas de moustique. Nous fêtons la nouvelle année à la mode capverdienne : un feu d’artifice est tiré près de la mer (et près de bâtiments aussi …) avec un système de sécurité qui donnerait des sueurs froides aux maires et préfets de chez nous (des policiers et des militaires, mais pas de camion de pompiers !). A minuit, les bateaux font retentir leurs sirènes, les gens se jettent à l’eau tout habillés, crient et chantent, et la chanson traditionnelle du Nouvel An passe en boucle dans les bars et dans les rues, en différentes versions, différentes interprétations, différents arrangements, où il est question de chevreaux passant à la casserole, de maïs tendre, et que c’est très chouette. Il paraît qu’elle tourne depuis un mois !! Que nous réserve cette année 2011 qui débute si loin de nos bases et de nos habitudes ?

 

Les 1er et 2 janvier tombant un week-end, la fête continue et l’alcool coule abondamment. Le dimanche matin, nous traversons une Mindelo endormie pour prendre un « aluguer », taxi collectif et moyen de transport le plus usité au Cap Vert, qui nous dépose à l’embranchement de la route qui monte au Monte Verde, le sommet de Sao Vicente à 774 m. Effectivement, il doit son nom au fait qu’il est plus verdoyant que le reste de l’île, très aride. Des cultures de maïs montent sur les pentes, et du sommet on voit toute l’île.

 

Mindelo vu de haut

 

En redescendant, nous faisons du stop pour aller jusqu’à la plage de Salamança, avec son village de pêcheurs. Pour redescendre sur Mindelo, nous embarquons dans un aluguer de type bétaillère, en compagnie d’une troupe de Capverdiennes éméchées et rigolardes faisant tourner une bouteille de grogue, et piloté par un chauffeur qui n’en est sûrement pas non plus à son premier pontch. A vrai dire, on serre un peu les fesses dans la grande descente qui se termine par un virage, mais bon ça va, ça passe !

 

 

 

 

A la descente de la bétaillère !

 

Nous irons aussi à la plage de San Pedro, et de là à pied jusqu’au phare que Philippe visite de fond en comble. Phare qui n’éclaire plus depuis des lustres sans doute, mais les lampes, les batteries et les supports de panneaux solaires sont encore en place. Le chemin passe sous le phare pour longer la mer, et des Capverdiens y sont installés, faisant griller poissons et pommes de terre. Nous les dépassons pour continuer le chemin qui finit quelques mètres plus loin devant l’entrée d’une petite grotte. Philippe plonge car c’est un des rares endroits sans remous. Je l’attends sur le bord, pas très à l’aise d’être dans un cul de sac, donc vulnérable ?… Depuis qu’on s’est fait agresser par un voyou lors d’une balade sur les crêtes au-dessus de Mindelo (on lui a lâché un sac à dos sous la menace de pavés et d’un couteau), une sourde appréhension s’est installée qui est longue à passer, comme un mauvais goût tenace. On a beau se dire que l’on n’a sans doute pas eu de chance et que ça reste un cas isolé, une petite méfiance demeure, qui revient comme une mouche que l’on chasse. Alors là, s’ils viennent en bande, hein, on est coincés ?? Hé non évidemment, ces Capverdiens étaient très tranquilles, comme la très grande majorité. Venus de Mindelo pour passer le week-end en famille, pour pêcher et manger du poisson grillé près des falaises, face à la mer, ils viennent nous faire signe quand ils partent, et on se retrouvera dans le même aluguer de retour après avoir tenté le stop sans succès.

 

 

 

 

 

Retour vers San Pedro

 

Les journées passent vite, même si (ou parce que ?) le rythme est tranquille. Des événements les ponctuent, en voici quelques uns :

A la suite d’un contact établi par Jean-François avec un ancien maire de Mindelo, la visite de son projet de poulailler industriel qui nous laisse songeurs … Une usine à poules (30 000 œufs par jour !), réplique de ce que l’on fait de pire dans nos pays dits civilisés. Certes le Cap Vert importe des œufs (de batterie déjà sans aucun doute), et là il importerait de la farine pour les poules. Ce qui coûterait moins cher apparemment. Mais voilà, où et comment est fabriquée la farine, peut-être avec du soja poussé au Brésil sur les cendres de la forêt amazonienne sacrifiée ? Pas simple cette mondialisation, n’y aurait-il pas des moyens pour considérer le problème de façon plus holistique, nourrir les poules sur place ? Peut-être que l’on arrive avec nos belles notions d’Occidentaux alors que le Cap Vert est pauvre et produit peu, mais quand même, voir reproduire ici ce que le capitalisme a engendré de pire chez nous fait un peu mal au cœur …

 

Et des arrivées aussi ! Un matin nous avons la surprise de voir Moemoea, le bateau de nos amis Sophie et Veit, au mouillage de Mindelo. Ils ont traversé en 9 jours depuis Gran Canaria, avec leur amie espagnole Mar. Nous partirons ensemble le surlendemain pour 3 jours de trek à Santo Antao. Un autre soir, c’est le jaune Mougika d’Anne et Sébastien qui est là aussi. Ils étaient bien arrivés à Sal, pensant nous y trouver. Et une arrivée d’un autre genre : le 60 pieds « Président » (du mauvais camembert), de Jean Le Cam, qui a démâté pendant la Barcelona Race, et est arrivé tout nu (le bateau) à la marina de Mindelo. Il devrait rentrer en France sur un cargo, dérouté pour l’occasion.

 

Un camembert ... coulant (ou presque !)

 

Et enfin, nous nous lançons dans un gros avitaillement, complément d’épicerie, bouteilles d’eau, fruits et légumes frais, en prévision de la visite des autres îles du Cap Vert qui seront a priori moins achalandées, et de la traversée vers le Brésil. Pour les fruits et légumes, le choix n’est pas immense, et les prix sont assez élevés, de l’ordre de ce que l’on pourrait trouver en France. Les bananes viennent du Cap Vert, oranges, pommes, et poires sont importées. Côté légumes, on trouve pommes de terre, tomates, concombres, de grosses courges, de petits poivrons, des choux aussi, bien pratiques pour les salades sur le long terme. Pas si facile d’estimer les proportions pour 4 personnes, et on ne peut pas non plus emporter trop de choses qui risquent de périmer. Quelques précautions pour ne pas embarquer de bestioles indésirables sur le bateau (du genre cafards, argh ! je n’aime vraiment pas ces bêtes là !) : on rince les fruits et légumes et on les fait sécher avant de les ranger à l’intérieur.

 

Le marché

 

Faut que tout rentre !

 

Il faut aussi faire le plein d’eau et de gasoil à la marina. Tout ça nous occupe les deux derniers jours, et nous quittons Mindelo le samedi 15 janvier 2011 dans la matinée, en direction de Santa Luzia, île déserte à 25 miles au sud-est de Sao Vicente.

 

Eric, et Sophie qui arrive en kayak

 



31/01/2011
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