Archipel de Madère


Iles Selvagens : un petit rab'

Escale aux îles Selvagens, un petit rab’ de Portugal

 

 

Jeudi 11 novembre, dans la matinée, nous laissons Madère dans le sillage, avec une pointe de nostalgie. On s’y était presque attachés, en tous cas on s’y sentait bien ! Notre route presque plein sud passe près des Ilhas Desertas, de fines écailles de basalte que l’on déroule dans la longueur. Peu de vent pour ce début de traversée, la mer est calme, un peu de voile, un peu de moteur, un peu des deux. Répétitions de guitare pour les deux Philippe dans le carré.

La pêche n’est toujours pas miraculeuse, un deuxième leurre à bavette se fait la malle, et rien au bout du fil ! Le soir, les quarts s’organisent, à trois ça permet de ne faire qu’un quart par nuit, c’est plus reposant !

 

Traversée tranquille

 

The Philippes' jazz band

 

Notre objectif est de couper la route de Ténérife en deux ou plutôt aux ¾ en faisant escale aux îles Selvagens, qui font aussi partie de l’archipel de Madère, à 155 miles de « l’île mère ». Elles sont classées réserves naturelles, et il a fallu demander un permis pour pouvoir y faire escale. Nous visons l’Ilha Selvagem Grande, qui abrite un petit mouillage tenable seulement par très beau temps, sans houle. Les îles ne sont pas sauvages pour rien : défendues par des cailloux qui ne sont que très partiellement cartographiés, elles ne peuvent s’aborder que de jour. La deuxième journée de traversée, nous ralentissons donc un peu l’allure pour arriver à l’Ilha Grande dans la lumière du petit matin. Le catamaran « Chamalou » qui a quitté Quinta do Lorde le même jour que nous est à l’ancre un peu au large, il a dû aussi attendre l’aube pour s’aventurer plus près. Le mouillage de l’Enseada des Carragas est une petite crique peu profonde entourée de rochers, au sud de la Punta da Atalaia. Des rochers, il y en a au fond aussi, et Philippe part pour son expédition « Comex » rituelle à l’arrivée au mouillage pour aller vérifier la tenue de l’ancre, mais cette fois par 15 m de fond, pas évident en apnée. Effectivement, il n’y a presque que des cailloux, heureusement que la météo n’annonce que de la pétole pour la nuit ...

 

On arrive ...


Premier petit tour à terre, le débarquement en annexe s’effectue sur un débarcadère en béton, la maison des gardiens est juste au-dessus. Nous sommes accueillis par Carlos, un des deux gardiens de l’île, qui nous donne rendez-vous en début d’après-midi pour une visite guidée. Il y a deux gardiens en permanence sur l’île Selvagem Grande, avec des relèves tous les 22 jours qui arrivent par bateau en même temps que les vivres. Pendant un an, ils alternent donc 22 jours sur l’île, puis 22 jours à Funchal. Des vivres, il en faut, car un stage survie sur les îles Selvagens ne serait pas une sinécure ! Nous sommes accueillis aussi par la chienne baptisée « Selvagens » qui est née sur l’île et ne la quitte pas ! Les gardiens tournent, elle reste !

En attendant la balade à terre, nous partons en exploration des fonds de l’Enseada des Carragas avec palmes masque et tuba (PMT pour les intimes). Quelques poissons colorés et pas farouches : saupes, poissons clown, girelles, castagnoles. Carlos nous a parlé de mérous mais ils ne se montrent pas.

 

Au mouillage dans l'Enseada das Cagarras

 

Débarquement

 

L’après-midi, nous emboîtons le pas de Carlos sur le chemin qui monte depuis la maison. Il se penche et ramasse une boule de plumes grises à long bec : un jeune pétrel « cagarra », dans son « nid » (si on peut appeler nid un tas de cailloux) à même le sol. Le pétrel dit « Cagarra » est endémique aux Selvagens, et a un sacré destin. Les parents nourriciers partent parfois plusieurs jours pour pêcher vers les côtes marocaines. Quand les petits sont assez « grands », les parents partent en les abandonnant au nid. Pendant un à deux mois, ils vont être seuls, perdre leur duvet et leur graisse de bébé, pour s’envoler. C’est donc un petit abandonné à son sort qui devra faire seul son apprentissage et trouver dans ses gênes, dans ses instincts, dans pleins de choses qu’on est sans doute loin de comprendre et de connaître, ce qui le poussera à s’envoler et à traverser l’océan jusqu’au Brésil, d’où il reviendra au bout de 7 ans pour nidifier sur ce même bout d’île perdu !

 

Un pétrel Cagarra au "nid"

 

Viens par là mon garçon ....

 

Bourreau d'enfant !

 

Carlos nous montre aussi des pièges qui ont été posés, apparemment avec succès, pour éradiquer les rats. Nous montons sur le plateau, petite montée puisque l’île ne prétend pas à plus de 153 m d’altitude avec le Pico da Atalaia. La flore n’a pas non plus des appétits de grandeur, quelques fleurs sèches, pas d’arbustes. Mais les couleurs sont vives, crues, la vue est bien dégagée sur l’océan à la surface tranquille, juste rayée vers le sud-ouest par la silhouette de l’Ilha Selvagem Pequena. Carlos nous déniche un petit lézard aux beaux yeux couleur pierre, endémique lui aussi. Nous redescendons du plateau avec le soleil couchant.

 

 

 

 

Contents d'être arrivés jusque là en bateau !

 

Le mouillage vu de haut

 

Philippe et Selvagens

 

 

 

Dimanche 14 novembre, l’ambiance change. D’abord imperceptible, la houle commence à monter doucement mais sûrement, ambassadrice du changement de temps annoncé et qui nous rattrape dans notre havre de paix néanmoins précaire. Sahaya dérape et est en passe de faire la bise à Chamalou, nous remouillons à une distance plus respectueuse des convenances. Hubert de Chamalou, nous emmène plonger un peu plus au sud du mouillage, mais de gros trains de houle arrivent parfois et je me sens bien petite dans l’annexe … Il ne faut pas trop traîner, le mouillage devient très vite hostile, un au-revoir à Carlos et Jacky, quelques lettres postées qui s’orneront d’un beau tampon « pétrel », et les deux bateaux lèvent l’ancre. Direction l’île de Ténérife aux Canaries : c’est facile, droit devant, en visant le grand cône du Teide, triangle en contre-jour sur l’horizon.

 

L'ambiance a changé, filons !...

 

Début de traversée tranquille, le Teide en ligne de mire

 

Salut Selvagem Grande, la sauvageonne, on gardera de beaux souvenirs d’une soirée de partage autour de la guitare et de chants, avec les gardiens Carlos et Jacky, Hubert et Laure, équipière sur Chamalou, sur la terrasse de la cabane, avec les deux bateaux au mouillage dans ce décor minéral.

 

Le soufflé de coquillage, pas si simple ...

 

Une soirée guitare improvisée et inoubliable

 

Une troupe de dauphins vient nous accompagner, pas trop dérangés par le ronronnement du moteur, car bien sûr la houle est arrivée seule, sans le vent.

Mais ça ne va pas durer ...

 


17/12/2010
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Et Madère ... pour le dessert !

Et Madère … pour le dessert !

 

 

Jeudi 4 novembre. La silhouette de Porto Santo diminue comme grandit celle de Madère. Nouvelle île, nouvelles découvertes en perspective. La navigation est courte et rapide avec un bon petit vent, et une belle houle aussi. A la Ponta de Sao Lourenço, comme un doigt crochu qui pointe depuis l’extrémité est de l’île, la mer est comme une marmite, animée de drôles de bouillonnements, sans doute des courants bagarreurs. Nous passons un peu au large, avant de pointer vers la marina de Quinta do Lorde, à l’abri derrière sa digue imposante. Un marinero vient nous accueillir en zodiac avant notre arrivée, il parle français. Ok, il nous attend dans le port pour nous indiquer une place. Nous voilà donc à Quinta do Lorde, la marina est bordée d’un village moderne créé de toutes pièces avec son église, sa place, ses maisons, sur les parties les moins raides des pentes. Et il est désert ! Les travaux sont apparemment en plan, et tant que tout n’est pas fini, même les maisons et appartements habitables ne peuvent être occupés. Résultat de cette politique, seule la marina fait vivre quelques maisons en façade : capitainerie, toilettes, buanderie, et le bar, au bout du quai. Mais qu’à cela ne tienne, nous venons surtout chercher ici un « pied à mer » sûr pour le bateau (surtout qu’une forte houle de nord est annoncée la semaine prochaine) et qui nous permette de partir en exploration de cette île célèbre pour ses randonnées. Et à la marina, ils compensent l’isolement du lieu par leur gentillesse et la qualité du service.

 

La marina de Quinta do Lorde dans son décor de théâtre

 

Nous faisons connaissance avec nos voisins de tribord, Jean-Guilhem et Sophie, Sarah et Margot, et Xavier, sur le voilier « Yakapar ». Ils font les pleins, gasoil et eau, pour partir le lendemain sur le Cap Vert. « Vous dînez avec nous ? ». Ben ok, on amène quoi ?? Invitation improvisée et bien sympa à bord de Yakapar.

 

Le lendemain, un beau ciel bleu nous accueille et incite à la balade. Un petit coup d’œil au guide de randonnées Rother que nous ont offert ma sœur Blandine et Arnaud, avec l’intention d’en profiter avec nous, mais hélas avec tout le retard accumulé au cours de notre périple, ils ne pourront finalement pas venir nous rejoindre. Dominique et Yves nous avait aussi donné un autre guide de randonnées qui passe de bateau en bateau : « La forêt d’eau », puis « Bidule », puis « Rusée de Jersey », puis « Sahaya », et puis ? Nous jetons notre dévolu sur la Ponta de Sao Lourenço, randonnée la plus proche. Un au revoir en passant à l’équipage de Yakapar qui est sur le départ, quoique … ils viennent de se rendre compte qu’ils ont versé hier soir les 50 litres de gasoil dans le réservoir d’eau ! C’est donc parti pour une séance Shadock chez les voisins, peut-être à tout à l’heure ? La balade à la Ponta de Sao Lourenço est courue … très courue … c’est même carrément le boulevard ! Des cars entiers de touristes qui débarquent au col. Pour la photo, pour quelques mètres ou plus. En poursuivant la balade, la sélection naturelle éclaircit les rangs !... Mais ça vaut le coup quand même. De retour à la marina, nous constatons le branle-bas de combat chez Yakapar : le réservoir d’eau est démonté et sèche sur le ponton, pour évaporer son odeur de gasoil. Le temps de remonter, ils ne partiront donc que demain. Nous réservons une voiture de loc’ pour le soir. Demain, on attaque les sommets !

 

 

Vers la Ponta do Sao Lourenço

 

Samedi 6 novembre, Yakapar prend son élan vers le large, et nous vers les petites routes sinueuses de Madère. La route monte jusqu’au Pico do Areeiro à 1818 m, et de là nous voilà partis plein d’entrain sur le chemin de crête qui doit nous conduire au Pico Ruivo, le sommet de l’île à 1862 m. Hélas au bout de même pas 500 m, notre bel élan est coupé net par une barrière rédhibitoire : chemin fermé pour cause de l’incendie de cet été … Ah ! Quelle déception !! En bons franchouilles, on essaye de voir si on ne peut pas contourner l’obstacle, mais non quand même c’est du sérieux !... Qu’à cela ne tienne, si la face sud résiste, nous l’attaquerons par la face nord ! Hop, nous revoilà en voiture, pour gagner la côte nord, et monter à l’Achada do Teixeira à 1592 m, un autre accès pour le Pico Ruivo. Philippe part à l’assaut du sentier comme à son habitude : à fond de train. Il aurait vraiment dû faire pompier, avec lui on dirait toujours qu’il y a le feu quelque part ! A propos de feu … nous arrivons trop tard car il est aussi passé par là … Ou trop tôt car notre espoir de pouvoir récupérer le chemin de crête de ce côté-là part en fumée aussi : le verdict est le même, chemin fermé. Seule la montée au Pico Ruivo est ouverte. Nous voyons le chemin que nous n’avons pas pu prendre depuis le Pico do Arieiro, et le regrettons amèrement car il a l’air superbe : escarpé, à flanc de falaise, caracolant de col en sommet. C’est un spectacle de désolation, du noir partout, des squelettes d’arbres, encore une odeur de fumée dans l’air. Cet hiver, les coulées de boue risquent d’être ravageuses sans la végétation pour retenir la terre. Le sommet du Pico Ruivo donne une vision panoramique de Madère, le ciel est clair, les nuages orographiques couronnent la base des reliefs. Dommage, c’était le temps idéal pour profiter de la montagne. Un petit pinson s’invite à notre pique-nique, puis nous redescendons.

 

 

Depuis le Pico Ruivo. Quel dommage de ne pouvoir continuer !

 

Un joli ramasse-miettes !

 

Sur le chemin du retour, nous accrochons notre première randonnée de « levada » à notre palmarès. Les levadas sont les canaux d’irrigation qui épousent la topographie de Madère en un réseau serré, de l’ordre de 1400 km pour une île d’un peu plus de 700 km2. Et qui font sa renommée pour les randonnées, car les canaux sont bordés de chemins d’entretien, plus ou moins larges, plus ou moins exposés, et plus ou moins vertigineux en fonction de la levada : levada de forêt, de campagne, ou de montagne. Notre première levada donc, c’est celle qui conduit au Caldeirao Verde. Après une première partie un peu longuette à croiser des troupeaux de randonneurs allemands nous donnant d’emblée du « Hallo », la fin est plus rigolote avec le chemin qui se rétrécit et passe par des tunnels pour arriver à la cascade finale du Caldeirao Verde. De là on peut enquiller une deuxième levada, plus exposée, plus vertigineuse, qui mène au Caldeirao do Inferno. Vous nous connaissez … évidemment on y va ! Effectivement, cette levada est moins aménagée que la première, et par endroits il ne faut pas tomber car il n’y a pas de garde-fous. Plusieurs tunnels encore, et puis on arrive au bout de l’enfer : quel cirque !! Avec tout ça, il n’est pas de bonne heure, et nous rebroussons la levada, d’abord au pas de charge sur les parties aventureuses, puis au petit trot quand le chemin s’élargit, pour arriver à la voiture tout juste avant la nuit. Une bonne journée quoi !

 

 

Mimétisme ...

 

Le début du chemin vers l'enfer, dans un vert de paradis !

 

 

Dans l'entrée du tunnel

 

Lendemain dimanche, le brouillard s’est invité sur les sommets, et depuis le Pico Ruivo do Paul « la vision panoramique depuis le mont le plus haut du plateau de Paul da Serra » fait fortement appel à l’imagination … Nous tentons notre chance plus vers l’ouest, du côté de Rabaçal avec des promesses de levada « enchanteresse » conduisant à 25 sources. Mais nous ne sommes pas du tout enchantés par le nombre de voitures arrêtées au parking du départ ! Trop de monde, et trop de brouillard : une autre fois. Après un petit tour par Porto Moniz campé à la pointe nord-ouest de Madère, nous finissons la journée par deux lévadas formant une boucle au départ de Lombada da Ponta do Sol, sur la côte sud : montée par la levada Nova et descente par la levada do Mainho, qui surplombent la vallée de Ribeira da Ponta do Sol. Le départ n’est pas facile à trouver, et nous faisons des allers-retours sur la route, mais un monsieur avec sa bêche sur l’épaule s’arrête près de nous et nous montre : « levada ». Obrigado ! Puis quelques maisons plus loin, autre hésitation, et là c’est un bras de dame qui se tend spontanément depuis une fenêtre : « levada » ! Jolies levadas le long desquelles on glanera quelques chouchous (ou cristophines ou chaillottes, qui finiront en gratin, encore des souvenirs de la Réunion pour Philippe !), avec de chaudes lumières du soir au retour, éclairant les jardins et les cultures en terrasses.

 

Pico Ruivo do Paul : "randonnée à faire par temps clair" stipule le guide ...

 

Cascade au bout de la levada Nova

 

 

Retour dans les couleurs de l'automne

 

Il restait encore une levada classée « noire » dans notre guide, c’est le programme de lundi. La levada do Norte au départ de Boa Morte commence tranquillement à travers une forêt d’eucalyptus, puis se rétrécit pour surplomber alors la grande falaise de plus de 200 m de haut plongeant vers la Ribeira da Serra de Agua. Plus de barrière de protection, et y’a du gaz ! La randonnée s’achève comme la paroi se redresse. Pourtant, la levada continue bien après, étroit canal épousant les contours de la roche. C’est incroyable de penser aux travaux de topographie et de maçonnerie qu’il a fallu pour construire ces levadas à flanc de falaise, ces tunnels, avec des moyens sans doute modestes ! La levada do Norte est en cours de réfection, mais de façon moins poétique et esthétique quoique peut-être plus efficace contre les éboulements: un tuyau gainé de plastique occupe maintenant le petit canal bétonné.

 

 

Au-delà, ça devient plus scabreux ...

 

Ouvrir l'oeil sur le décor ...

 

... et sur ses pieds !

 

Le temps se dégage sur les hauts, et nous en profitons pour retourner sur le plateau de Paul da Serra. Depuis le belvédère de Bica da Cana, à 1620 m, le fameux Pico Ruivo do Paul se révèle derrière une rangée d’éoliennes, et vers l’est les sommets émergent, le Pico Ruivo, le Pico do Arieiro, le Pico Grande, dressant un rempart hérissé de pointes devant l’armée silencieuse et cotonneuse des nuages venue du nord et enjambant le col pour couler sur les versants sud.

 

Vers l'ouest ...

 

Et vers l'est ...

 

Déjà mardi, que le temps passe vite sur cette île, et il reste encore tellement à découvrir ! La houle de nord-ouest consécutive à une grosse dépression située plus au nord (et qui génère un avis de fortes vagues sur le golfe de Gascogne) commence à arriver sur Madère. La Boca do Risco (« ouverture dangereuse ») nous permet de basculer sur la côte nord, et de voir les premiers trains de houle blanchir les pieds des falaises. Nous pousserons jusqu’à la pointe Espigao Amarelo avant de rebrousser chemin. Fait trop beau … et la montagne nous appelle encore. Allez, une petite balade au départ du Poço da Neve à 1650 m. Un igloo de basalte abrite une ancienne glacière, et le chemin continue à travers le Parque Ecologico do Funchal. Le pauvre a pris un sérieux coup dans l’aile avec l’incendie de l’été … Même les tuyaux des levadas ont eu un gros coup de chaud et se contorsionnent dans les squelettes de buissons. Seules les fougères sont reparties en pionnières du vert, crosses d’évêque qui pointent pour prêcher la bonne parole en ces terres désolées : croissez et multipliez-vous !

 

Arrivée à Espigao Amarelo

 

 

 

Ca a dû chauffer ...

 

La vie reprend ...

 

Mercredi 10 novembre, la houle de nord bat son plein et a apporté la pluie avec elle comme autre témoin de la tempête qui fait rage sur les côtes portugaises. Nous voilà en cirés sur le sentier côtier de Sao Jorge pour regarder la mer en colère. Nous allons jusqu’au vieil embarcadère de Cais, mais ce sont les vagues qui embarquent, hautes de 4 mètres, elles recouvrent l’escalier et la pointe d’une écume bouillonnante. Nous restons à distance respectable, c’est impressionnant.

 

 

 

Ca bouge à la Ponta de Sao Jorge ...

 

Au retour, nous faisons une halte à Funchal, la capitale. La visite au jardin botanique ne restera pas dans nos annales personnelles. Joli jardin certes, mais pas d’un très grand intérêt botanique car peu de plantes présentent leur petit nom. Et le musée d’histoire naturelle fait plutôt figure de musée des horreurs avec de pauvres animaux empaillés tout gris et poussiéreux, et des cailloux sans nom ni provenance. Petit tour du côté du port pour voir à quoi ressemble la marina, et qui n’a-t-on pas la surprise de rencontrer : le petit père Lilian, qui traverse la place à enjambées pressées ! Lilian, un « collègue » de bateau du marigot de Balaruc-les-Bains, parti depuis trois semaines. C’était pour lui le baptême de mer de « Rama », le sloop en acier qu’il a construit entièrement 6 années durant. Et il en est content, ce qui est à noter car c’est rare chez lui, d’être content, du moins de le dire ! Ca fait bien plaisir de le croiser, malheureusement furtivement car nous devons rendre la voiture de location le soir même à Quinta do Lorde pour appareiller demain. Et nous avons aussi rendez-vous avec Philippe (encore un !) devant le Mercado dos Lavradores, car il embarque avec nous. Nous le prenons en bateau-stop entre Madère et Santa Cruz de Ténérife, où un autre bateau l’attend comme équipier pour traverser sur les Antilles.

 

Petit gabarit adapté aux routes de Madère

 

Drôles d'oiseaux ...

 

Et voilà, nous serons restés une semaine à Madère, semaine bien remplie dans cette île attachante, aux parfums de Réunion, aux villages fleuris, aux habitants d’un abord sympathique. On s’y attarderait bien plus longtemps, mais il nous faut avancer et profiter d’un créneau météo pour prendre du sud. Direction Ténérife aux Canaries, devinez pourquoi ?? Pour son volcan bien sûr, le Teide, qui culmine à plus de 3700 m, c’est le sommet le plus haut de l’Espagne qui « flotte » comme ça en plein Atlantique. Mais près de 200 miles nous séparent encore. Tchau Madère, à une autre fois peut-être !


09/12/2010
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Porto Santo ... pour l'apéro !

Porto Santo … pour l’apéro !

 

 

Vendredi 29 octobre au port de Porto Santo. Après une petite pause déjeuner bien méritée à l’abri dans le carré sous le grain qui se calme, nous sortons poser nos premiers pas sur la terre portugaise. Avec les cirés quand même, on n’est jamais trop prudents … Tout au long des murs de la digue, les navigateurs de passage ont laissé leur trace : parfois juste le nom du bateau et l’année, d’autres le prénom des équipiers, d’autres encore des dessins plus ou moins sophistiqués. C’est sympa, on en découvre de nouveaux à chaque fois qu’on longe le mur. « Why is the wind always on the nose ?? ». C’est mon préféré ! Il sent tellement le vécu ! Derrière la digue s’étend une grande plage de sable de plus de 7 kilomètres de long qui occupe quasiment toute la côte sud, et qui vaut à Porto Santo son surnom « Ilha Dourada ». Les Madériens viennent y chercher en ferry ce qui manque sur leur grande île : de quoi farnienter sur du sable fin !

 

De la lecture en chemin ...

 

"Why is the wind always on the nose ???" : rien de nouveau sous le soleil ...

 

Un petit café au bar du coin, où l’on attend que l’averse se calme. Il va falloir s’y faire, c’est l’Atlantique ! Et le climat qui va avec, alternance d’éclaircies et d’averses, d’air chaud et d’air frais, et de belles lumières contrastées. Profitant d’une accalmie, on file remplir rapidement les formalités : la douane d’abord, puis la capitainerie de la marina, où l’on est accueilli en français avec un joli accent chantant. Le soleil revient, et nous allons faire une reconnaissance à pied vers la ville « Vila Baleira » distante de trois kilomètres. Emportés par notre élan d’explorateurs (et ma lecture vaporeuse de la carte …), nous la dépassons allègrement ! Ah oui, c’était donc bien ça le centre ville ! Un petit tour à l’office de tourisme où l’on est accueilli en français encore, pour récupérer une carte de l’île et quelques idées de balades. Pas de nouvelles de nos amis Sophie et Veit sur Moemoea … Où sont-ils ? Avec les vents d’ouest qui sévissent, il ne doit pas faire bon sur la route de Madère, peut-être ont-ils obliqué pour les Canaries ?

 

Le lendemain, nous voilà d’attaque ! Nous partons à pied depuis la marina, suivant le petit chemin qui part vers l’est pour aller à la Punta da Galé. Un panneau met en garde contre les risques de chutes de pierres, c’est vrai que le chemin passe au pied de la falaise qui est un vaste éboulis avec des blocs ne demandant qu’à tomber … Mais sans pluie ni vent et en passant vite ça devrait le faire !! Un petit tunnel permet de passer de l’autre côté de la pointe, et de mieux voir les reliefs. Nous visons le premier, le Pico de Concelho à 324 m de haut, qui donne une belle vue sur la partie est de l’île … et permet de voir qu’elle est petite et que tous les sommets se tiennent dans un mouchoir de poche ! On redescend un peu pour viser cette fois le Pico de Gandaia à 484 m où il faut un peu mettre les mains à la fin, et son voisin et grand frère le Pico do Facho, plus haut sommet de l’île avec 516 m. Philippe est tout heureux de retrouver des ambiances de l’île de la Réunion où il a passé plusieurs années. Le brouillard et la pluie nous accueillent au sommet. Nous redescendons au col, et allez un dernier petit pour la route : le Pico do Castelo à 437 m, avec un joli jardin aménagé et une statue en hommage à António Schiappa de Azevedo, l’instigateur de la reforestation de Porto Santo au début du siècle dernier. « L’homme qui plantait des arbres » … Mieux que des bombes à retenir par l’Histoire non ?… Retour à la marina sous des averses par des chemins de traverse à la terre « amoureuse », bien collante !

 

Du haut du Pico do Concelho

 

En arrière plan, le Pico Branco

 

 

Vue vers le sud-ouest depuis le Pico do Castelo : le temps se gâte ...

 

Samedi 30 octobre, nous sortons les VTT du garage pour aller explorer la côte nord, avec une visite à ce qu’on suppose être les vestiges d’une ancienne petite station thermale. Une passerelle en béton court encore à flanc de falaise, et mène à un petit bâtiment où coule une source. Je goûte, un peu salée … Je me demande si elle est en relation avec la Fonte de Areia, source thermale « officielle » un peu plus à l’ouest, aux vertus vantées par toute une installation touristique. Nous ne nous attardons pas, et continuons notre boucle, pour bifurquer vers le sud en longeant le golf qui barre le sud-ouest de l’île dans quasiment toute la largeur. Toujours difficile de comprendre cet engouement pour les terrains de golf au vert arrogant dans des îles qui manquent d’eau …

 

 

En roue libre ...

 

 

Lundi 1er novembre, jour des morts en avance : tous les chasseurs de l’île semblent de sortie ! Et vus le nombre et la surface de l’île, ça doit faire une belle densité ! Venus en voiture attelée d’une remorque grillagée, avec des chiens qui ressemblent à des lévriers maigrichons à oreilles de lapin. Camouflage ?? C’est vrai qu’on a vu détaler pas mal de pompons blancs en balade ! Nous suivons la petite route qui monte en serpentant pour nous amener au départ du chemin qui grimpe au Pico Branco (450 m) en suivant la crête, puis se prolonge pour atteindre le refuge de Terra Cha. Jolie vue sur la pointe nord-est de Porto Santo.

 

Pause sur la route vers Portela

 

En redescendant du Pico Branco

 

Nos montures nous ont attendus !

 

Dans la campagne dans le nord de l'île

 

 

 

 

 

 

 

Nous passons donc un séjour bien sympathique à Porto Santo. Le bar du coin (de la marina) est le lieu de rendez-vous des gens qui attendent le ferry de retour vers Madère. Le temps de notre séjour, nous verrons des amateurs de rallyes sur les routes : rallyes de 4L, de vieilles Coccinelles, de motos plus ou moins grosses. Le séjour est aussi bien agrémenté par une rencontre chaleureuse avec nos voisins de bateau, Dominique et Yves, un couple de Québécois en vadrouille sur « Rusée de Jersey » (http://web.me.com/rusee_de_jersey). Nous sympathisons vite, longues discussions sur les pontons, dans notre bateau, dans le leur, sur tout, les goûts, la musique, les voyages, le bateau, la vie quoi !

 

Sahaya dans la marina de Porto Santo

 

Enfin des nouvelles de Moemoea !! Un texto de Veit arrive le mercredi 3 novembre : « Riders on the storm », ils sont arrivés aux Canaries, sur l’île de Gran Canaria. C’est bien ce que l’on pensait, la route de Madère n’a pas coulé de source pour Moemoea. On se donne rendez-vous plus bas, aux Canaries ?

Pour notre dernier jour à Porto Santo, et avant de remiser les vélos au garage, nous filons à l’extrémité sud-ouest de l’île, à la Ponta da Calheta, voir les deux houles qui s’affrontent. Quelle riche idée ! A peine arrivés à la pointe, une grosse vague vient éclater derrière Philippe et le rince de la tête aux pieds. Je ne suis guère mieux lotie, réussissant à être tout juste la plus présentable des deux (y’en a un que ça arrange bien …) pour faire des courses après séchage sur la route du retour … L’après-midi, nous visitons le petit musée consacré à Christophe Colomb. Pas grand grand-chose à voir, mais ce n’est pas ruineux non plus … Les maquettes de bateaux sont finalement ce qu’il y a de plus intéressant : des reconstitutions des navires de la flotte de Colomb, et aussi un bateau plus petit et beaucoup plus récent, qui servait de « ferry local » entre Porto Santo et Madère … avant les NGV !

 

Ferry local transportant veaux, vaches, couchons, couvées entre Porto Santo et Madère

 

Départ le jeudi 4 novembre pour Madère, dans le sillage de Rusée de Jersey, enfin pas tout à fait car ils font route vers l’île de Lanzarotte aux Canaries. Rendez-vous là-bas les rusés ! Et en attendant, à nous Madère !

 

Tchau Porto Santo !


02/12/2010
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Vous avez dit alizés ?

Vous avez dit alizés ?

 

Dimanche 24 octobre en fin d’après-midi, Sahaya quitte le mouillage de Sancti Pétri dans le sillage de Moemoea. Une semaine ici pour nous, un an pour Sophie et Veit. Ils partent avec Kike, leur ami espagnol, comme équipier. Passer entre les paires de bouées marquant le chenal, puis la chicane, et puis c’est la mer libre. Ça y est, c’est parti pour la première traversée atlantique ! 550 miles jusqu’à Porto Santo. On croise les doigts ! On se suit. Veit bataille un peu avec sa grand’voile, voilà ça y est. Puis le génois, et puis l’artimon. Bien toilée, Moemoea a un petit air de jonque sur l’eau.

 

 

 

En route Moemoea !

 

Notre petite flottille s’éparpille rapidement. Nous sommes au près, et Moemoea remonte moins serré que nous. Philippe m’avait fait l’article sur la houle de l’Atlantique : ample, longue, souple, du velours quoi … Ouais ouais ouais … En fait, elle ressemble à deux gouttes d’eau à celle de la Méditerranée : courte, croisée, pénible !! Il me mène en bateau !!

Pendant que le premier soleil de la traversée se couche, Philippe et Veit conversent à la VHF, canal 72 :

-          Moemoea, Moemoea de Sahaya

-          ici Moemoea

-          alors, comment ça va chez vous ?

-          ça va, Kike est un peu malade, et chez vous ? …

-          Nathalie est un peu malade aussi …

 

Hé oui, avec cette houle désorganisée, je suis vite dans le coma … Moi qui pensais être encore amarinée, c’est vexant ! Je tente le Mercalm à coups de demi-comprimés, ce qui permet de n’être qu’à moitié nauséeuse, et à qu’à moitié assommée … Savoir si c’est un bon calcul ?...

 

Plaisance, stade 1 ...

 

Plaisance, stade 2 : en progrès ...

 

Première nuit de traversée, Philippe prend le premier quart, et puis on alterne, toutes les trois ou quatre heures, selon la forme. Nous sommes juste après la pleine lune, et la nuit est très claire. Nous croisons quelques bateaux. Le vent adonne, et nous pouvons rapidement lofer pour prendre le bon cap pour Porto Santo.

Les deux journées et nuits suivantes se ressemblent : beau temps, ciel clair, lune généreuse, houle croisée pénible, Philippe assurant les manœuvres de voile, les veilles radio pour la météo, bulletins et réception des cartes, moi la plupart du temps allongée soit dans la cabine, soit dans le cockpit, manquant quelque peu de présence et de répondant ... J’ai l’impression de me diluer dans cet espace liquide et mouvant, dans ce temps qui s’écoule presque sans repères, mis à part les quarts qui rythment les nuits. Heureusement, nous avançons bien, 6 ou 7 nœuds, des pointes à 8,5 même. Je regarde avec plaisir diminuer les miles restants sur l’écran du GPS !

 

Réception de fax météo en cours avec la BLU

 

Mercredi 27 octobre, troisième jour de traversée, et la houle s’apaise enfin. Surtout, elle se décide à ne venir que d’un côté, plus de l’arrière, et ça change tout (pour moi !...) ! En contrepartie, le vent commence à faire des siennes, on ne peut décidément pas tout avoir ! Il passe quasi vent arrière, et s’affaiblit. Les voiles nous font mal à claquer à chaque coup de houle, Philippe décide de tangonner le génois en ciseau pour lui donner un peu de tenue. Et la grand’voile a droit à sa retenue de bôme pour rester tranquille. La vie reprend, un rythme s’installe, et nous commençons peut-être à toucher du doigt ce que pourrait être une expérience de longue traversée. C’est le moment d’étrenner notre ligne de traîne « montage pro », achetée aux puces nautiques de Sète ce printemps : trois petits poissons gélatineux, suivis d’un leurre à bavette identifié comme un « semi-plongeant » dans notre littérature de néophytes « Tout savoir sur la pêche à la traîne » et « Bien débuter la pêche aux leurres ». Allez hop, à l’eau ! Il me semble que l’ensemble danse une drôle de gigue à l’arrière du bateau ? Un peu plus de mou ? La nuit tombant, je remonte la ligne : le semi-plongeant a plongé définitivement, dans le grand bleu ou dans la gueule d’un monstre marin, en tout cas y’a plus rien au bout de la ligne ! Quatrième nuit en mer, la lune se lève plus tard, plus petite, et rousse au sortir de l’eau. Aucun autre bateau, rien que nous sur la mer …

 

Quand la houle s'apaise ...

 

Jeudi 28 octobre, quatrième jour de mer. Il fait toujours beau. Au petit matin juste avant d’aller me coucher à la fin de mon quart, je viens aider Philippe à détangonner le génois, l’écoute claque, remonte le long de la joue, m’embarque à moitié l’oreille, et plotch ! Les lunettes à la baille ! Ben voilà, j’ai gagné ma journée … Toujours mettre un cordon …

Ce quatrième jour est le plus chouette, la mer s’est bien calmée, l’air est plus chaud. Et même si le vent de ouest-sud-ouest nous oblige à faire un cap un peu trop nord (mais la météo indique qu’il devrait passer nord cette nuit ce qui devrait nous permettre de reprendre le bon cap et d’aller vite), nous nous sentons bien dans ces instants, sur le bateau, voguant au milieu de nulle part, vers l’espérance d’une île. Philippe installe un système pour mettre des enceintes dans le cockpit, et c’est la musique d’Hadouk Trio qui accompagne le souffle du vent dans les voiles et le glissement de l’eau. Là oui, on la sentirait bien la traversée de l’Atlantique !

Après la ligne de traîne, c’est le moment d’étrenner la canne à pêche ! Montage du bas de ligne avec le nœud de cuillère comme c’est dessiné dans le bouquin, installation d’un support de canne sur le balcon arrière, et hop ! A l’eau, à tribord, et la ligne de traîne à bâbord, pour multiplier les chances de prise. Y’a plus qu’à attendre … Et espérer ? En fait, je crois que secrètement, j’espère ne pas prendre de poisson … Parce que je n’ai pas très envie de tuer un poisson … Cela dit, j’aime bien le poisson. Position complètement hypocrite donc. Heureusement, les poissons me font la gentillesse de ne pas avoir à affronter cette contradiction aujourd’hui encore. La nuit approche, je plie !

 

Drapeau de courtoisie : du cousu main

 

« Bon alors, elle est où cette île ? », demande Philippe. On devrait la voir. Héééeee … mais oui là, juste à gauche du soleil couchant, cette silhouette sombre, ces pics … Mais oui c’est elle, c’est sûr c’est elle, c’est Madère ! On est comme deux gosses ! Emerveillés, heureux, de voir cette île à portée de main !

 

C'est pour bientôt !

 

A portée de main … à condition d’avoir le bras long quand même. Mais si le vent passe au nord dans la nuit comme promis, on sera à Porto Santo au très petit matin … enfin au petit matin … disons le matin une fois que le vent du nord se sera levé … en matinée quoi … fin de matinée … Ah le bateau … un terrain d’expérimentation d’une foule de théories sur la relativité : « Plus t’es près, plus ça dure », « Plus t’avances, moins t’arrives », etc. Le vent du nord, quel vent du nord ? Du bon vent d’ouest oui, fort, en plein dans le nez donc, pour nous faire tirer des bords au moteur. Vous la voulez votre île, celle qui vous paraissait si proche hier soir, et bien il faut la mériter ! Nous entrons vers midi ce vendredi 29 octobre dans le port de Porto Santo, sous un grain soudain, vent et pluie, qui ne facilite pas l’accostage. Nelson, de la marina, vient nous aider à nous amarrer, Arthur, un navigateur anglais aussi. Obrigado ! Thanks !

 

Ça y est, on y est. Traversée en 4 jours et demi. Et contents d’être arrivés. Vous avez dit alizés ?? Pas vu la queue d’un !

 

A nous Porto Santo !


17/11/2010
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