Feliz Navidad … Feliz Natal !

Feliz Navidad … Feliz Natal !

 

 

Et voila près de 3 semaines que nous sommes à Gran Canaria, en attente d’un créneau météo pour pouvoir descendre vers le Cap Vert. Trois semaines, et pourtant comme toujours, au dernier moment il reste plein de choses à faire pour préparer le bateau à la traversée, se préparer aussi, envoyer les derniers mails, etc. Et donc, nous sommes mardi 21 décembre, jour de l’hiver (il fait dans les 25-30°C ici …), et nous sommes en partance, amarrés au ponton d’accueil de la marina de Las Palmas pour rendre les clefs.

 

Philippe (l’équipier) est reparti en France en avion la semaine dernière, nous sommes donc tous les deux pour notre deuxième traversée atlantique, un peu plus longue, 800 miles jusqu’au Cap Vert, nous comptons une bonne semaine. Ce sera notre premier Noël en mer, Noël tropical, ou presque. On vous racontera !

 

En attendant, Joyeux Noël à tous ! On vous embrasse !

A bientôt.

Nathalie & Philippe

 

Il est temps de quitter l'Espagne ...

 

 

Ils sévissent même sur les bateaux !

 


21/12/2010
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Noël, houle et alizés

Noël, houle et alizés

 

 

Mardi 21 décembre, un peu plus de 17h, cette fois-ci c’est parti, nous quittons Las Palmas de Gran Canaria, pas loin derrière le jaune Mougika d’Anne et Sébastien, avec qui nous avons sympathisé pendant notre séjour. Ils visent Mindelo, sur l’île de Sao Vicente, et nous l’île de Sal, la plus proche de Gran Canaria à l’extrémité nord-est de l’archipel du Cap Vert. Au début, peu de vent à l’abri sous le vent de l’île, puis ça monte doucement, 20 nœuds d’ouest,. Nous restons en contact avec Mougika sur le canal 72 de la VHF. Ça nous permet d’entendre l’avertissement d’un bateau français qui fait demi-tour car il a cassé une prise de ris en prenant plus de 30 nœuds de vent une fois passée la pointe de Gran Canaria. Prudence donc … Nous dînons tôt pendant que c’est encore tranquille ! Effectivement, dès que nous ne sommes plus sous la protection de l’île, le vent forcit rapidement, accompagné par la houle. 30 nœuds nous annonce l’anémomètre avant de se mettre en carafe (en fait juste un faux contact vite réparé), mais Philippe pense plutôt que ça frise les 40. Réduisons la voilure ! Un ris puis deux dans la grand-voile, un ris dans l’artimon, et quelques tours de vis au génois, voilà qui est mieux. Les conditions empirent dans la nuit, les plus rudes que nous ayons connues avec ce bateau. La mer est forte, le bateau fait des bonds à 8 nœuds sur les vagues, sensations d’envol et moments d’apesanteur, de grands claques d’eau de mer balayent le pont et viennent aussi rincer le cockpit, nous nous calfeutrons à l’intérieur. Merci Eliot ! (Eliot c’est le pilote). Tout ce qui devait tomber est par terre : les bouquins, la bouilloire volent, le bar s’ouvre, un tiroir à couverts sort prendre l’air. La barre antiroulis de la cabine tribord (qui nous sert de « fourre-tout ») tombe, et le flot se déverse : fringues, guitares, banjo, sacs à dos atterrissent dans le couloir. Quel chantier en peu de temps ! Le chantier, ça l’est aussi très vite dans mon estomac de terrienne. Ah misère ! Pourquoi faut-il que les navigations démarrent toujours plein pot ???

 

Mercredi 22 décembre, le vent faiblit un peu dans la matinée, on est encore pas mal secoués, mais un peu moins que la veille. Il ne fait pas bien chaud, les pantalons restent de rigueur. Pendant la nuit, le vent tombe, mais la houle est toujours là. Pour ne pas jouer trop les pruniers, Philippe veut démarrer le moteur, mais le coco nous refait les mêmes symptômes que pendant la traversée d’Ibiza vers l’Espagne : poussif à l’allumage, puis l’alarme de pression d’huile qui sonne : trop faible. Rebelote, de l’eau de mer est entrée dans l’huile, il faut vidanger, et faire, avec la houle, de délicates manœuvres de transvasement de près de 8 litres de mayonnaise grise dans des bouteilles que nous jetterons à la mer ensuite. Mais naaaan ! Alors, si y’a plus moyen de plaisanter … On n’a jeté que l’huile …

Un filtre à huile neuf, et le moteur repart, ouf … Mais il faudra quand même comprendre d’où vient le problème. On a déjà déplacé le waterlock, alors ? Peut-être la pompe à eau de mer qui se retrouve très basse à la gîte sur bâbord? Dans le doute, nous fermons maintenant la vanne dès l’arrêt du moteur.

 

 

Jeudi 23, matinée avec du vent de nord-est, on avance bien, à 6 nœuds de moyenne, sur une houle croisée. L’après-midi, il vire au sud-est, la houle se calme, et la voix chaude de Marcio Faraco investit le cockpit. Philippe l’accompagne à la guitare histoire de se préparer à la bossa. Plus on descend, plus il fait froid ! La nuit est tranquille, au moteur, sous la lune qui décroit doucement. Philippe voit des dauphins pendant son quart, moi deux cargos, chacun son truc !

 

 

Vendredi 24, temps nuageux et toujours pas très chaud. Le vent souffle de l’est, faible. Du nord-est est annoncé, alors on l’attend … Journée au moteur, nous avons parcouru un tiers du trajet. Quelques globicéphales passent nonchalamment. Philippe installe la ligne de traîne avec le poulpe vert et jaune acheté à Las Palmas, LE leurre auquel les daurades ne peuvent pas résister ! Ça ne fait jamais que trois jours que nous sommes en mer, et j’ai déjà presque perdu la notion du temps. Je prends maintenant quelques notes chaque jour, sinon la mémoire se laisse embrumer par ces journées si particulières et si ressemblantes à la fois. J’ai du mal à m’imaginer que c’est la veillée de Noël ce soir, que les neveu et nièces vont tout excités mettre leurs chaussons devant le sapin. Déjà, nous n’étions pas trop dans le coup à Las Palmas, tout surpris devant les décors et les dorures, les sempiternels Pères-Noël « made in China » escaladeurs de balcons, l’effervescence des achats dans les magasins, alors que nous nous promenions en t-shirt et qu’en France la neige bloque les routes ! Bon ce soir quand même, douche chaude, on se fait beau pour le Réveillon ! Les daurades doivent aussi réveillonner quelque part, aucune ne mord au joli piège qu’on a tendu. Pâtes au saumon fumé alors pour ce petit repas à deux sous les étoiles, sous les bons hospices d’Orion. Philippe a commandé du bon vent au Papa Noël, moi un peu de paix intérieure pour faire des choix, ou l’inverse, nous verrons bien si nous sommes exaucés ! Joyeux Noël !

 

Joyeux Noël !

 

Samedi 25 décembre, le vœu de Philippe a été exaucé pendant la nuit : l’alizé de nord-est, le fameux, le presque mythique depuis le temps qu’on nous en parle et qu’on l’a lu dans les livres et qu’on n’a encore jamais vu, se lève, oscillant entre 15 et 20 nœuds. Il ne nous lâchera plus jusqu’à la fin de la traversée. Par contre, y’a eu un cadeau annexe : la houle de Noël ! Les boules !! Qui ne nous lâchera pas non plus, une grosse houle de nord-ouest, certes assez longue, mais qui conjuguée à la courte mer du vent de nord-est, crée une mer fort désorganisée et très pénible. Le bateau passe sans cesse d’un bord sur l’autre, c’est aussi confortable qu’un séjour en lessiveuse. Hélas, ça risque de durer, et on n’a peut-être pas encore tout vu, car les météos marines de Monaco Radio et de RFI annoncent en chœur une mer forte par houle croisée de nord-ouest dans le secteur du Cap Blanc. Ça promet … Pour l’instant, ce n’est pas encore mer forte, mais plutôt du n’importe quoi, encore pire qu’en Méditerranée, c’est dire !

Nous en sommes presque au dessert quand l’élastique qui retient la ligne de traîne se tend. Notre premier poisson ! Notre première daurade coryphène !! Branle-bas de combat ! Une petitoune, parfaite pour le repas de ce soir. Parfaite et de taille pédagogique pour les deux néophytes que nous sommes qui ont tout à apprendre : la sortir de l’eau, la tuer vite et bien, la découper proprement. Quel joli poisson, jaune-vert fluo, elle perd ses vives couleurs et vire presque instantanément au gris quand on la sort de l’eau. Elle semble étonnée de ce qui lui arrive, le poulpe dépassant de la gueule, elle s’est attaquée à gros par rapport à sa taille. Merci daurade de t’être sacrifiée pour nous, cadeau de Noël de la mer dans son habit doré …

Philippe tangonne le génois que la houle chaotique dégonfle régulièrement. Eliot a un peu de mal, se laisse embarquer au lof, et le bateau fait des embardées de 30 degrés. Emilienne (l’éolienne) bosse bien, les frères Norbert (les panneaux solaires) un peu moins avec les nuages. Fin du quatrième jour de mer, et la moitié du chemin est parcourue. Le temps distendu du début a pris une nouvelle dimension adaptée à celle du bateau, où les heures cessent de défiler follement. Ça me rassure de voir que je finis par m’amariner, au bout de quelques jours de mer, la vie est presque « normale », enfin, dans la limite des lois de l’équilibre ! Quand j’essayais de m’imaginer ce que pourraient être les sensations en longue traversée, je me demandais si je n’allais pas me sentir « perdue » voire angoissée d’être sur une coque de noix cernée d’eau de toutes parts, sans ligne d’horizon salvatrice. Et puis finalement non, je ne me sens pas perdue en mer. Le GPS et la cartographie doivent sans doute y être pour quelque chose (et aussi les conditions de mer qui n’ont jamais été dantesques non plus !), mais il y a aussi le mouvement du soleil, le ciel renouvelé chaque nuit avec les étoiles qui servent de repère. Et puis aussi la confiance dans le bateau qui trace sa route sans faiblir.

 

Notre daurade pédagogique

 

Filets mignons

 

La nuit se passe sans problème, comme les suivantes, un cargo au loin, 6 à 7 nœuds de moyenne, il est juste de plus en plus difficile de se lever pour prendre son quart avec la fatigue qui s’accumule. C’est marrant de faire le quart derrière Philippe et de repérer tous les petits « nids » qu’il s’est confectionnés sans trouver apparemment le lieu de repos, pardon, de veille, idéal : la toile derrière la table à carte, le transat dans le cockpit, le coussin sur les bancs.

 

Comme un papillon prenant le vent dans ses ailes

 

Dimanche 26 décembre, la houle de nord-ouest est là et bien là … Houle croisée, creux de 3-4 m, mer forte, ça bouge pas mal. Journée à l’humeur morose, coups de blues, ennui, angoisses. Fatigue ? Pourtant le bateau marche bien, l’alizé nous porte et c’est heureux qu’il ne nous abandonne pas dans cette mer hachée ! Moments où le voyage me paraît une évidence, une aventure à vivre à pleines dents en acceptant la liberté et son pendant, une certaine précarité. Et cinq minutes après, patatra, ce voyage me semble une folie où je ne suis pas sûre de trouver le compte de plaisir et de sérénité, et tous ces « sacrifices » et et et … Allez, rideau pour aujourd’hui.

 

Lundi 27, sixième jour de mer, avec un peu moins de vent, mais toujours cette foutue houle croisée qui fait rouler le bateau sans arrêt. Il commence seulement à faire plus chaud, et nous nous payons un après-midi de bronzette sur le pont, le premier ! Un paille en queue vient survoler le bateau, bel oiseau à ventre blanc, et dos gris clair, au bec orangé. On voit aussi des oiseaux blancs et noirs que je pense être des pétrels glisser élégamment au-dessus des vagues. Et des poissons volants sauter hors de l’eau en escadrilles argentées. Pendant la nuit, on empanne le génois et la grand-voile. Avec la houle, le tangon se décroche et on se dépêche d’aller le récupérer avant qu’il ne casse tout sur le pont. Un petit calamar sauteur est en train d’y sécher, on le remet à l’eau sans présumer de ses chances de survie …

 

Horizon houleux

 

Cuisine sommaire ...

 

Mardi 28 décembre, le vent faiblit toujours, 15 nœuds, mais la mer reste forte avec la houle croisée, les voiles font peine à claquer dans le roulis, dommage sinon ça glisserait tout seul ! On a finalement décidé de viser Mindelo sur l’île de Sao Vicente, car on a un peu peur que les mouillages de Sal soient exposés à la houle de nord-ouest. Ça rallonge la route d’une soixantaine de miles. Dans l’après-midi, je prépare le drapeau de courtoisie capverdien, ça devient presque un rituel ! Les silhouettes des îles du Cap Vert sortent de la ligne d’horizon à la fin de la journée, le GPS ne s’est pas trompé ! On aperçoit Sao Nicolau, Sao Vicente, et Santo Antao, mais nous n’y sommes pas encore. On ne coupera pas à une arrivée de nuit, mais normalement l’entrée dans Mindelo ne doit pas trop poser de problème, surtout avec nos moyens de navigation modernes. Il ne faut d’ailleurs pas trop compter sur les feux, présents sur la carte et qui ne brillent … que par leur absence !

 

Mercredi 29, tout petit matin, Sahaya pointe son nez dans le canal entre les îles, Sao Vicente sur bâbord, et Santo Antao sur tribord. Il est réputé pour son effet « vent tu ris », et comme on ne rigole pas avec ça, on ne garde que le génois et le moteur pour l’approche. On a un peu de mal à repérer le caillou « Ilhéu dos Passaros » qui garde l’entrée de Mindelo, ce cerbère pointu se cachant dans les ombres des reliefs plus lointains. Ça y est, repéré, on le contourne bien large par l’ouest, une petite barque de pêche éclairée est ancrée à l’abri sous son vent. Après, il faut essayer de déchiffrer les ombres et lumières de la ville, éviter les cargos non éclairés au mouillage ou dans un état d’échouage plus ou moins avancé, et finalement repérer les autres voiliers au mouillage une fois qu’on a quasiment l’étrave dessus ! 40 m de chaîne plus tard sur 4 m de fond, nous voilà bien ancrés à Mindelo, au calme, tous les deux en même temps dans un même lit … à plat ! Quel bonheur ! Il est 5 heures du matin ici, extinction des feux (de nav’) ! Avant de tomber rapidement dans les bras accueillants de Morphée, nous réalisons quand même que cette fois, ça y est, nous avons quitté l’Occident. Un cap est franchi …


11/01/2011
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Mindelo, São Vicente : dépaysement, rencontres et découvertes

Mindelo, São Vicente : dépaysement, rencontres et découvertes

 

 

 

Même si le bateau laisse plus de temps que l’avion pour se mettre dans le bain, et redonne de la dimension (au moins temporelle !) à la notion de voyage, l’arrivée dans un nouveau pays reste quand même un événement qui … dépayse ! Après tout, c’est bien ça qu’on est venu chercher, non ? La première impression de Mindelo quand on pointe un œil encore ensommeillé dans le cockpit ce mercredi 29 décembre à la matinée bien avancée, est une ville aux façades colorées sous le soleil, adossée à des reliefs, encadrée à gauche par le port de commerce, et à droite par de grandes citernes. Des pêcheurs rentrent, remorquant une barque. Le mouillage est bien garni, avec des voiliers de voyage de tous types, tailles, et standing : bois, acier, alu, sloop, ketch, goélette, pour la plupart équipés d’éolienne et de panneaux solaires. Mais pas de trace de Mougika, qui devait pourtant aller à Mindelo ? On espère qu’ils n’ont finalement pas opté pour Sal en pensant nous y retrouver …

 

Sahaya au mouillage à Mindelo

 

Nous profitons que notre voisin de devant quitte sa « place » pour nous rapprocher un peu du lieu de débarquement. Où est-il d’ailleurs ? Quels sont donc les us et coutumes du mouillage ? Où laisse-t-on l’annexe ? Nous allons rendre visite notre voisin de bateau le plus proche, Claude, un français qui s’apprête à traverser en solitaire jusqu’aux Antilles. Il nous donne quelques tuyaux, et nous allons ensemble à terre. Echange de bons procédés : on lui prête une place dans notre annexe, et il y met son moteur pour remplacer le nôtre qui a fait son caprice. Les formalités d’entrée sont vite faites, bateau et immigration. Puis c’est la recherche d’un Cyber Café pour remettre le pied dans notre civilisation de communication, et rassurer la famille sur notre sort : on est bien arrivés ! Aïe … à ¾ d’heure près, Laure, l’équipière du catamaran « Chamalou » qui est descendue au Cap Vert et nous attend pour faire le tour des îles, nous a laissé un mail disant qu’elle prend son billet d’avion pour nous rejoindre demain à Sal !! On lance un mail rapide : STOP ! Espérons qu’elle le verra à temps … Décidément, si Mougika et Laure se retrouvent à Sal et nous ici, on a tout loupé !

 

 

Jeudi 30 décembre, le téléphone sonne : c’est Laure ! Qui a bien reçu notre mail, et nous attend à la marina. Elle a pris son billet d’avion pour Sal, dommage, elle reste finalement pour embarquer avec nous quand nous irons visiter les autres îles. Ça fait maintenant un mois qu’elle est à Mindelo, logée chez son amie capverdienne Néousa, et elle nous indique quelques bons tuyaux. Là l’Alliance Française avec la Wifi, ici un bar qui sert du bon café, à droite le marché au poisson, dans la rue transversale les marchandes de fruits et légumes sur les trottoirs, et sous un grand arbre (un des rares de Mindelo), les quelques tables d’une cantine qui sert une bonne « cachupa », le plat typique du Cap Vert : préparée à base de maïs, lentilles, oignons, et servie surmontée d’un œuf le midi, et plus diluée pour ressembler à une soupe le soir. Nous nous installons sous l’ombre bienvenue et commandons donc bières et « cachupa ». C’est marrant de voir comment les lieux nouveaux deviennent vite habituels en bateau. Non que l’on soit blasés, ou que l’on ne regarde plus. Non, c’est plutôt que des repères se prennent vite. Il est vrai que Mindelo n’est pas bien grand non plus, mais on a déjà eu ces ressentis dans d’autres lieux dès lors qu’on y séjourne quelques jours. A Mindelo, un de nos « repères » favoris devient vite le restaurant « La Bodeguita de Mindelo », tenu par Bruno, un Guadeloupéen qui s’est installé au Cap Vert après y être venu en vacances. Sympa, et très bon cuisinier. Il nous fait goûter plusieurs rhums (ici on dit « grog ») de Santo Antao, et on lui commande une, enfin deux, et plutôt trois (faut c’qui faut pour la traversée de l’Atlantique !..) bouteilles de rhum vieux !

 

Où en étais-je déjà de notre première découverte de Mindelo ? Ah oui, la cachupa à l’ombre. A peine assis, nous nous faisons « brancher » par Sébastien, un « bateau-stopper » Belge qui cherche un embarquement pour le Brésil. Nous avons découvert ce monde des bateau-stopper à Las Palmas de Gran Canaria, là-bas c’était presque un défilé quotidien de gens plus ou moins allumés cherchant à embarquer à tout prix pour aller vers l’ouest. Ici à Mindelo, l’ambiance est plus sympathique, et une petite équipe de bateau-stopper fait la tournée des pontons : il y a Sébastien donc, et aussi Aurélie et Martin qui sont descendus d’un bateau skippé par un fou qui leur balançait des boîtes de conserve pendant ses crises de beuverie, Jeanne, une petite Belge qui veut aller au Brésil pour un projet sur l’agriculture biologique, Jean-François, un Suisse de 62 ans, hydrogéologue comme moi, qui a fermé son bureau d’études pour partir en voyage et vise le Brésil pour travailler la bossa à la guitare. Il est arrivé sur le bateau d’Eric, qui s’est dérouté sur le Cap Vert alors qu’il entamait la traversée de l’Atlantique parce qu’il était en train de perdre sa quille, un bateau tout neuf ! Autant de personnes, autant de personnalités et d’histoires et d’objectifs de voyage différents. Tous finiront par trouver un embarquement. D’ailleurs, nous prenons Jean-François comme équipier. Avec Laure, nous serons donc quatre.

 

L'annexe c'est facile ...

 

Il y a les équipiers, et aussi les solitaires, qui s’apprêtent à traverser l’Atlantique, Gérard, Michel, parfois sur de petits bateaux : Jade sur un 6,70 m, Bruno sur un 7,60 m. Chapeau …

Ces rencontres révèlent des « boucles relationnelles » qui feraient croire que le monde est petit, ou tout au moins rond : des amis ariégeois en commun avec Jade, Gérard que l’on avait rencontré à Sète aux puces nautiques, Jeanne qui est venue jusqu’ici sur le bateau qui n’avait pas attendu Philippe, notre premier équipier, aux Canaries, etc.

 

Jade, un des solitaires, sur son petit bateau

 

De grogue en cachupa, de balade en discussion, nous restons plus de 15 jours à Mindelo. Le mouillage est sûr, et Philippe a mouillé deux ancres et un bon peu de chaîne pour pouvoir affronter les rafales sans angoisser. C’est toujours l’alizé de nord-est qui souffle, mais toujours au moins à 20 nœuds, avec des risées qui peuvent atteindre 40 nœuds. D’ailleurs j’aimerais bien qu’il fasse une petite pause de temps en temps … Il lève un clapot qui nous rince dans l’annexe quand on va en ville !

 

15 jours, ça permet de prendre le rythme du pays, et ici, c’est plutôt tranquille. Les Capverdiens sont accueillants, et beaucoup parlent français. La moindre vendeuse de bazar chinois t’interroge d’un impeccable« voulez-vous un sac ? » sans accent, de quoi flanquer des complexes en langues étrangères … Le climat de l’hiver tropical est sympa : journée chaude sans trop, nuit fraiche, pas de moustique. Nous fêtons la nouvelle année à la mode capverdienne : un feu d’artifice est tiré près de la mer (et près de bâtiments aussi …) avec un système de sécurité qui donnerait des sueurs froides aux maires et préfets de chez nous (des policiers et des militaires, mais pas de camion de pompiers !). A minuit, les bateaux font retentir leurs sirènes, les gens se jettent à l’eau tout habillés, crient et chantent, et la chanson traditionnelle du Nouvel An passe en boucle dans les bars et dans les rues, en différentes versions, différentes interprétations, différents arrangements, où il est question de chevreaux passant à la casserole, de maïs tendre, et que c’est très chouette. Il paraît qu’elle tourne depuis un mois !! Que nous réserve cette année 2011 qui débute si loin de nos bases et de nos habitudes ?

 

Les 1er et 2 janvier tombant un week-end, la fête continue et l’alcool coule abondamment. Le dimanche matin, nous traversons une Mindelo endormie pour prendre un « aluguer », taxi collectif et moyen de transport le plus usité au Cap Vert, qui nous dépose à l’embranchement de la route qui monte au Monte Verde, le sommet de Sao Vicente à 774 m. Effectivement, il doit son nom au fait qu’il est plus verdoyant que le reste de l’île, très aride. Des cultures de maïs montent sur les pentes, et du sommet on voit toute l’île.

 

Mindelo vu de haut

 

En redescendant, nous faisons du stop pour aller jusqu’à la plage de Salamança, avec son village de pêcheurs. Pour redescendre sur Mindelo, nous embarquons dans un aluguer de type bétaillère, en compagnie d’une troupe de Capverdiennes éméchées et rigolardes faisant tourner une bouteille de grogue, et piloté par un chauffeur qui n’en est sûrement pas non plus à son premier pontch. A vrai dire, on serre un peu les fesses dans la grande descente qui se termine par un virage, mais bon ça va, ça passe !

 

 

 

 

A la descente de la bétaillère !

 

Nous irons aussi à la plage de San Pedro, et de là à pied jusqu’au phare que Philippe visite de fond en comble. Phare qui n’éclaire plus depuis des lustres sans doute, mais les lampes, les batteries et les supports de panneaux solaires sont encore en place. Le chemin passe sous le phare pour longer la mer, et des Capverdiens y sont installés, faisant griller poissons et pommes de terre. Nous les dépassons pour continuer le chemin qui finit quelques mètres plus loin devant l’entrée d’une petite grotte. Philippe plonge car c’est un des rares endroits sans remous. Je l’attends sur le bord, pas très à l’aise d’être dans un cul de sac, donc vulnérable ?… Depuis qu’on s’est fait agresser par un voyou lors d’une balade sur les crêtes au-dessus de Mindelo (on lui a lâché un sac à dos sous la menace de pavés et d’un couteau), une sourde appréhension s’est installée qui est longue à passer, comme un mauvais goût tenace. On a beau se dire que l’on n’a sans doute pas eu de chance et que ça reste un cas isolé, une petite méfiance demeure, qui revient comme une mouche que l’on chasse. Alors là, s’ils viennent en bande, hein, on est coincés ?? Hé non évidemment, ces Capverdiens étaient très tranquilles, comme la très grande majorité. Venus de Mindelo pour passer le week-end en famille, pour pêcher et manger du poisson grillé près des falaises, face à la mer, ils viennent nous faire signe quand ils partent, et on se retrouvera dans le même aluguer de retour après avoir tenté le stop sans succès.

 

 

 

 

 

Retour vers San Pedro

 

Les journées passent vite, même si (ou parce que ?) le rythme est tranquille. Des événements les ponctuent, en voici quelques uns :

A la suite d’un contact établi par Jean-François avec un ancien maire de Mindelo, la visite de son projet de poulailler industriel qui nous laisse songeurs … Une usine à poules (30 000 œufs par jour !), réplique de ce que l’on fait de pire dans nos pays dits civilisés. Certes le Cap Vert importe des œufs (de batterie déjà sans aucun doute), et là il importerait de la farine pour les poules. Ce qui coûterait moins cher apparemment. Mais voilà, où et comment est fabriquée la farine, peut-être avec du soja poussé au Brésil sur les cendres de la forêt amazonienne sacrifiée ? Pas simple cette mondialisation, n’y aurait-il pas des moyens pour considérer le problème de façon plus holistique, nourrir les poules sur place ? Peut-être que l’on arrive avec nos belles notions d’Occidentaux alors que le Cap Vert est pauvre et produit peu, mais quand même, voir reproduire ici ce que le capitalisme a engendré de pire chez nous fait un peu mal au cœur …

 

Et des arrivées aussi ! Un matin nous avons la surprise de voir Moemoea, le bateau de nos amis Sophie et Veit, au mouillage de Mindelo. Ils ont traversé en 9 jours depuis Gran Canaria, avec leur amie espagnole Mar. Nous partirons ensemble le surlendemain pour 3 jours de trek à Santo Antao. Un autre soir, c’est le jaune Mougika d’Anne et Sébastien qui est là aussi. Ils étaient bien arrivés à Sal, pensant nous y trouver. Et une arrivée d’un autre genre : le 60 pieds « Président » (du mauvais camembert), de Jean Le Cam, qui a démâté pendant la Barcelona Race, et est arrivé tout nu (le bateau) à la marina de Mindelo. Il devrait rentrer en France sur un cargo, dérouté pour l’occasion.

 

Un camembert ... coulant (ou presque !)

 

Et enfin, nous nous lançons dans un gros avitaillement, complément d’épicerie, bouteilles d’eau, fruits et légumes frais, en prévision de la visite des autres îles du Cap Vert qui seront a priori moins achalandées, et de la traversée vers le Brésil. Pour les fruits et légumes, le choix n’est pas immense, et les prix sont assez élevés, de l’ordre de ce que l’on pourrait trouver en France. Les bananes viennent du Cap Vert, oranges, pommes, et poires sont importées. Côté légumes, on trouve pommes de terre, tomates, concombres, de grosses courges, de petits poivrons, des choux aussi, bien pratiques pour les salades sur le long terme. Pas si facile d’estimer les proportions pour 4 personnes, et on ne peut pas non plus emporter trop de choses qui risquent de périmer. Quelques précautions pour ne pas embarquer de bestioles indésirables sur le bateau (du genre cafards, argh ! je n’aime vraiment pas ces bêtes là !) : on rince les fruits et légumes et on les fait sécher avant de les ranger à l’intérieur.

 

Le marché

 

Faut que tout rentre !

 

Il faut aussi faire le plein d’eau et de gasoil à la marina. Tout ça nous occupe les deux derniers jours, et nous quittons Mindelo le samedi 15 janvier 2011 dans la matinée, en direction de Santa Luzia, île déserte à 25 miles au sud-est de Sao Vicente.

 

Eric, et Sophie qui arrive en kayak

 


31/01/2011
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Santo Antao : des bas et des hauts

Santo Antao : des bas et des hauts (et inversement)

 

 

Un soir chez Bruno à la Bodeguita de Mindelo. Nous sommes une petite équipe, avec Laure, Sophie, Veit et Mar. Nous avons rendez-vous avec Néousa, l’amie capverdienne de Laure, qui est accompagnatrice de randonnée pour le compte de Nomade. Carte à l’appui sur la table dans la semi pénombre du fond du bar, elle nous propose des idées pour 3 jours de trek sur Santo Antao, la grande ’île voisine de Sao Vicente. En plus, il faut coordonner les deux équipes « des marcheurs qui en veulent beaucoup », et « des marcheurs qui en veulent moins », concocter un programme adapté et trouver des lieux de ralliement pour le soir ! Bon, sur le papier en tous cas, ça semble plutôt bien se goupiller !

 

6h30, le jour se lève tout juste sur Mindelo, quand Philippe et moi embarquons dans l’annexe avec nos deux sacs à dos. Premier « ramassage » sur Moemoea avec Sophie, Veit et Mar qui embarquent avec leurs sacs. Puis un tour vers les petits bateaux des grands solitaires, Bruno, puis Jade. A sept, gaillards plus sacs, ça commence à faire un peu « annexe-people » cette histoire, heureusement qu’il n’y a pas trop de clapot car le niveau de l’eau est bizarrement monté sur les bords ! Au quai de la marina, on laisse l’annexe à Jean-François, qui viendra s’installer à bord de Sahaya pendant notre absence.

 

Annexe-people !

 

7h30, le petit ferry « Ribeira de Paul » s’écarte du quai pour rallier Porto Novo, le port de Santo Antao, qui fait face à Mindelo de l’autre côté du détroit, à un peu plus de 8 miles. Il est bien plein ce ferry, bancs et chaises sont occupés, des Cap Verdiens, des sacs divers. Nous restons debout nez au balcon. La houle n’est pas si forte dans le détroit, mais le petit ferry roule quand même un peu, et une dame finit par céder au mal de mer, dommage elle était presque arrivée. Peu de solidarité s’exprime de la part de ses proches voisins, et elle reste assise un peu prostrée près de la porte de sortie. Près de l’entrée de Porto Novo, deux voiliers sont au mouillage, mais il paraît un peu précaire pour pouvoir quitter sereinement le bord pendant quelques jours. L’option mouillage à Mindelo et traversée en ferry, recommandée dans les guides nautiques, nous semble en effet plus sûre. De nombreux aluguers attendent le client à leur sortie du port pour les éparpiller dans l’île. Eparpiller est un grand mot car il n’y a que deux ou trois routes principales sur Santo Antao ! Notre équipe se scinde : Bruno, Sophie, Veit, Philippe et moi (« les marcheurs qui veulent marcher ») visons Punta da Janela, sur la côte est, d’où part notre grande randonnée. Laure et Mar (« les marcheuses qui font le marché ») s’occupent des courses pour le repas du soir et monteront en aluguer jusqu’à Cova do Paul. Rendez-vous là-haut ce soir, à la maison du frère de Néousa qui nous héberge tous pour la nuit.

 

Départ ...

 

 

A l'arrivée à Porto Novo

 

En attendant que notre aluguer se remplisse pour partir, nous achetons du fromage de chèvre local, frais et goûteux, à des marchands ambulants, qui proposent aussi bananes, oranges, pois, et petites pommes vertes acidulées. Une Capverdienne qui monte dans le même aluguer nous offre quelques « bolachas », genre de biscottes rondes et épaisses, et des figues sèches pour accompagner le fromage. Ça y est, nous sommes au complet, et le minibus s’élance sur la route littorale, au début pavée, à l’ancienne, puis asphaltée. Santo Antao présente une face aride à Sao Vicente, des pentes de volcan striées de talwegs et à la végétation rase. La route qui longe la côte est nous fait découvrir une géologie torturée, des coulées de lave, des couches de cendres, que l’érosion a modelées et hérissées de pointes. Arrivés à Punta da Janela, nous descendons de l’aluguer pour commencer la randonnée, qui nous emmène dans les terres en suivant d’abord le cours d’une « ribeira » asséchée, puis attaque le relief sur les zigzags d’un chemin en grande partie pavé. La pente est raide, et le dénivelé défile vite ! Juste un peu de hauteur, et voilà déjà de superbes paysages qui se dévoilent : vallées encaissées, terrasses cultivées, jolis villages aux maisons groupées sur les reliefs. Quel plaisir de voir du vert ! On rencontre des enfants rentrant de l’école, des jeunes faisant paître âne et chèvres, un homme qui descend une grande tige de fleur d’agave en équilibre sur l’épaule en négociant finement les virages en lacets. 1200 m de montée jusqu’à un col, et nous voilà suivant un parcours de crête jusqu’au Pico da Cruz, qui pointe à un peu plus de 1600 m. On poursuit vers Cova do Paul, un cratère bien rond dont le fond est occupé par des cultures, puis on rejoint Laure et Mar qui nous attendent à notre bercail d’occasion. 1800 m de dénivelé, ça vaut bien une petite bière non ?

 

 

De retour de l'école ...

 

 

 

Arrivée au col

 

Attention aux virages !

 

 

Sur les crêtes ...

 

 

Sophie et Veit, près du but

 

Le lendemain, la troupe se rassemble pour descendre de concert vers Ribeira Grande, ville côtière au nord-est. La montée était raide, la descente l’est tout autant, sur un chemin qui prend des airs d’escalier. Les paysages ressemblent à ceux de la Réunion, mais en plus aménagés car les terrasses semblent être parties à l’assaut de tout espace pouvant être potentiellement rendu plan, même si ce n’est que sur quelques mètres carrés. Parfois, c’est même incroyable car elles montent par petits triangles tutoyer les cimes. Santo Antao est une île très agricole : bananes, mangues, papayes, goyaves, café, ignames, maïs, pois, manioc, arbres à pain. Sans oublier la canne à sucre pour le grogue ! Le chemin longe de petites « levadas » qui acheminent l’eau dans des parcelles découpées en carrés, traverse des villages, croise des enfants qui demandent à se faire prendre en photo, certains juste pour le plaisir de se voir ensuite sur l’écran de l’appareil, d’autres pour un bonbon, un stylo, ou même de l’argent (dans ces cas-là on dit non, avec le sourire …), un monsieur qui nous montre les terrasses qu’il a aménagées dans le lit du cours d’eau pour cultiver. Arrivés au fond de la vallée qui s’élargit et où démarre une route, nous embarquons avec plaisir dans un aluguer jusqu’à Ribeira Grande. C’est une petite ville tranquille et colorée. Après la catchupa du soir, Sophie, Veit, Mar et Laure partent dormir à la belle étoile dans une plantation de bananiers à la sortie de la ville, et Philippe et moi « en bourgeois » dans une petite pension non officielle tenue par une vieille dame qui ne semble parler que créole et surtout ne comprendre que ce qu’elle veut avec un petit air canaille : elle empoche mon billet de 2000 escudos et ne semble pas disposée à m’en rendre 1000, le prix d’une nuit à deux. Je récupère mon billet après quelques tentatives d’explications infructueuses en « portugnol » (« una noite para dois », « dois noites ? », « no ! solamente una noite !, « dois mile ? », « no ! »), et nous allons le « craquer » en prenant un petit pontche dans un bar du coin. C’est plus simple !

 

 

"Tout droit" jusqu'à l'océan !

 

 

 

 

 

 

Après de bonnes nuits respectives, nous retrouvons Sophie et Veit sur le pont, pour prendre un aluguer jusqu’à Boca da Cruija, d’où part un sentier qui grimpe à un col pour dégringoler ensuite vers la mer sur l’autre versant. Ça c’est la théorie sur la carte, car les locaux nous avertissent que le sentier n’est plus pratiqué après le col, et qu’il est impossible de passer. Veit redemande encore : vraiment impossible ? Impossible !! Allons voir quand même … Effectivement, c’est un sentier qui n’est plus très pratiqué, un « sentier marron » comme à la Réunion. Mais il passe encore, des herbes folles l’envahissent, folles mais pas trop méchantes pour les jambes nues, il faut parfois chercher son chemin, le rebrousser, suivre la ravine, mais on finit par y arriver. Des maisons en ruine, quelques terrasses abandonnées, puis notre chemin buissonnier rejoint le sentier littoral qui longe la côte nord jusqu’à Ponta do Sol. Cette fois c’est le sentier officiel, large, pavé, bordé de murés, qui passe sous des falaises, descend presque les pieds dans l’eau, puis remonte vers de jolis villages comme Fontainhas, avant d’atteindre Ponta do Sol, qui doit son nom au fait que la ville reste toute la journée au soleil, sans être atteinte par les ombres des reliefs. Il ferait bon s’y arrêter, mais dommage on n’en a pas le temps, et nous sautons dans le premier aluguer qui nous dépose à Ribeira Grande où l’on retrouve Laure et Mar qui ont fait une orgie de langouste à Ponta do Sol.

 

 

 

 

Et voilà, après trois jours de trek superbes, c’est le chemin du retour à l’envers, aluguer jusqu’à Porto Novo et ferry du soir jusqu’à Mindelo. Nous avons tous été séduits par cette île, Sophie et Veit projettent même d’y retourner découvrir encore d’autres chemins.


01/02/2011
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Robinsons à Santa Luzia

Robinsons à Santa Luzia

 

 

Samedi 15 janvier 2011, Sahaya s’engage dans le détroit entre São Vicente et Santo Antao, en direction du sud-ouest. Avec le rétrécissement, la houle est assez forte, heureusement ample, et après la sortie de la baie de Mindelo, nous la prenons par l’arrière. La côte sud et montagneuse de São Vicente bloque l’alizé sur sa route, et il s’engouffre alors en bourrasques rageuses dans les échancrures du relief. Par précaution Philippe a pris un ris dans la grand voile, et l’on saute ainsi de molles en venturi tant que l’on reste sous le vent de l’île. Passée la pointe sud-est, l’alizé s’en donne à cœur joie, et c’est dans des conditions musclées, au près sous 2 ris et dans la houle, que nous traversons vers Santa Luzia.

 

Le phare de San Pedro vu de la mer

 

Nous arrivons dans la zone de mouillage de Praia de Palmo a Tostão en fin d’après-midi. Prudence … La cartographie est plus que sommaire, et on s’avance vers la plage au ralenti en scrutant d’éventuels et traitres cailloux. Nous mouillons par une dizaine de mètres de fond près de l’Ilhéu Zinno, un gros caillou apparemment poissonneux car on verra plusieurs barques de pêcheurs et même un petit chalutier travailler autour. Philippe plonge voir l’ancre, elle s’est coincée sous une roche et la chaîne fait le tour d’un caillou, ça devrait tenir et résister aux grosses rafales de vent qui peuvent venir de toutes les directions.

Voilà donc Santa Luzia, île déserte, moins de 12 km de long, l’une des plus petites du Cap Vert. Devant nous, une longue plage de sable blond, et en arrière plan, des reliefs qu’il va falloir aller arpenter. Nous sommes le seul bateau : Robinsons ! Ahhhh ! Mais que voit-on ? Un ennemi s’approche, un catamaran en plus, et allemand en plus !! Ça y est, le charme est rompu … Bon, n’exagérons pas, il mouille à distance respectable …

 

Le lendemain matin, c’est parti pour la découverte de notre nouveau domaine. Nous débarquons en annexe avec Laure et Jean-François. Débarquement plus rapide que prévu car un rouleau mal intentionné remplit l’annexe par l’arrière et l’emmène en surf rapide s’échouer sur la plage en l’ayant délestée de ses occupants. Chacun sa découverte à son rythme, notre équipe s’égaye, Philippe et moi partons pour un footing de luxe le long de la grande plage, puis en remontant une large ravine qui nous fait entrevoir les dunes de sable de la côte est. Santa Luzia n’a pas toujours été déserte, des vestiges de deux villages sont encore visibles, murs de maisons, réservoirs d’eau. Ce ne devait pas être facile pour l’eau, on repère deux petits trous maçonnés creusés dans les alluvions des ravines proches des villages, mais l’eau est saumâtre. L’après-midi, nous montons au sommet de l’île avec Laure. A un peu plus de 300 m de haut, la vue fait le tour de l’île. On voit bien les dunes de sable éolien venu de l’Afrique qui occupent la côte est.

 

Embarquement : gare à la vague scélérate !

 

Souquez ferme matelots !

 

Bien arrivés au bateau !

 

São Vicente vu depuis Santa Luzia

 

Footing inoubliable ...

 

Vers le sommet

 

Sahaya au mouillage vu de haut

 

Vue vers l'est

 

 

Retour vers la plage sous une belle lumière

 

 

 


Au matin, mauvaise surprise : les rafales de vent ont été telles que l’annexe a fait des tonneaux pendant la nuit, et les 3 pagaies que nous avions eu l’imprudence de laisser dedans sont perdues … Balade de l’après-midi vers les dunes et la plage côté nord-est, exposée au vent dominant. L’océan vient y dégueuler une petite partie de ce qu’on lui fait ingurgiter. Toute petite, infime partie. Mais largement de quoi défigurer une plage : filets de pêche, bouteilles, bidons, … Tout ces détritus qui sont là pour des années et qui continueront d’arriver encore très longtemps … Revenons vers les dunes, où chaque caillou, chaque vestige de coquillage, crée sa propre petite dune sous le vent, comme une réplique miniature de la grande. Le sable soudé par le vent a fossilisé des tiges de plantes, des branches, dont il ne reste plus que la gangue externe. On remarque peu d’animaux, à part des oiseaux : des moineaux, des rapaces, des échassiers, dont un « rol-do-mar », l’équivalent de notre « tourne-pierres ».

 

La voiture lestée de cailloux au parking de la plage

 

 

Dans les dunes ...

 

Fossiles végétaux de sable

 

L'étendue des dégâts ...

 

?

 

Retour par les dunes

 

Mardi, l’harmattan vient envelopper Santa Luzia dans son voile de sable rouge, faisant disparaître São Vicente et Santo Antao, pour rendre l’île plus déserte encore. La lumière est étrange, diffuse, avec un halo autour du soleil. Dernier repas du soir au mouillage, sous les étoiles.

 

 

Dans le voile de l'harmattan

 

Mercredi 19 janvier, après une plongée rapide près de l’Ilhéu Zinno, nous quittons Santa Luzia en direction de São Nicolau.


04/02/2011
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Une quarantaine à Mindelo

Une quarantaine à Mindelo …

 

 

J’avais laissé le récit le 19 janvier 2011, quand nous quittions « notre » île de Santa Luzia pour São Nicolau. Nous en sommes repartis le 27 janvier, pour finalement revenir à Mindelo au lieu de continuer directement vers les îles sous le vent. Sympathique séjour qui sera l’objet d’un autre article, mais pour une fois faisons fi de la chronologie ! Jeudi 27 janvier en fin d’après-midi donc, Sahaya retrouve le décor de la baie de Mindelo et son mouillage, qui est bien plus occupé que lorsque nous en sommes partis deux semaines plus tôt. Il nous faut viser un petit espace entre trois bateaux, ça devrait aller pour la nuit mais il faudra essayer de trouver mieux demain matin. Philippe dépose Laure et Jean-François à terre pour la soirée. Nous sommes revenus à Mindelo pour y refaire les pleins et éviter ainsi d’avoir à passer à Praia, la capitale du Cap Vert sur l’île de Santiago dont nous avons entendu plusieurs échos sur la sécurité qui laisserait à désirer (bateaux visités au mouillage même avec des personnes restées à bord, etc.). Et aussi (et surtout !) nous devons avoir une sérieuse discussion avec Jean-François avant de pouvoir envisager de continuer le voyage avec lui, d’autant qu’il y a une longue traversée ... Depuis plusieurs jours, les rapports sont tendus, ses comportements deviennent plus qu’insupportables. Le lendemain matin, malin, comme pour ne pas perdre la face, il prend les devants en nous annonçant qu’il quitte le bord, pour des raisons qui nous laissent sans voix ! Mais alors quel soulagement ! Le soir, nous savourons notre intimité retrouvée autour d’une bonne bouteille de Grenache de nos amis Christian et Bénédicte (de Las Ribos de Saint-Sernin, dans l’Aude). C’est la première fois que nous rencontrons quelqu’un qui nous laisse une telle impression et provoque une réaction de rejet a posteriori : une sorte de despote, narcissique pathologique, envahissant, exigeant, et pompeur de notre énergie. En fait nous aurions pu présager bien plus tôt de la nature foncièrement insupportable du personnage, mais quelques points communs comme la guitare, le jazz, l’hydrogéologie, et une grande insistance voire presque une supplique de sa part pour embarquer à notre bord, nous ont rendus trop tolérants. Une fois débarqué, nous apprenons qu’il était jugé insupportable par la plupart des gens l’ayant côtoyé …

 

 

Mindelo, le retour ...

 

Nous voilà revenus à Mindelo, depuis près de trois semaines maintenant. Encore un peu, et ce sera une quarantaine ? Sahaya en quarantaine, qui s’encrasse dans les eaux sales de la baie de Mindelo, prend les algues à défaut de racine … Il est notre reflet, planté dans la vase, tournant autour de son ancre au gré des vents, mais sans avancer. C’est la valse hésitation pour moi, pour nous : j’ai une proposition de poste en Inde, à Hyderabad. Et tournent les questions en farandole : poursuivre le voyage, interrompre le voyage, reprendre le voyage, expérience indienne, « engagement » pour l’eau en Inde, opportunité de développer des idées alternatives, fausse piste, quel sens au voyage, quel sens au travail, vie en mégapole, vie dans la nature, la mer, Damien, Moitessier, oser, oser vivre, vivre son rêve, rêve d’aventure, aventure en bateau, aventure indienne, dix ans de préparation pour un an de voyage, voyage inachevé, voyage quand même, voyage plus tard, voyage partout, et Philippe là-bas ? Trois ans c’est pas long, trois ans c’est long, .........

 

Drôles de journées passées en allers-retours d’annexe, à envoyer un mail, attendre une réponse, en renvoyer, cogiter, téléphoner, viser les heures ouvrables de bureau en France depuis les heures ouvrables des Cyber Cafés du Cap Vert, avec les deux heures de décalage horaire. On perd le fil, Philippe bricole un peu sur le bateau mais sans grande motivation. Il attend, on attend … quoi ? Un éclairage, une intuition … En plus, avec toutes ces cogitations, j’ai zappé le fait que mon passeport périme dans moins de six mois, et du coup la porte du Brésil se ferme … Acte manqué ??

 

Bricolage : les eternelles peintures ...

 

Et un aller de plus

 

Le marche aux poissons

 

Le coin des pecheurs

 

Et refaire les pleins ...

 

Heureusement, cette période a aussi été ponctuée de sympathiques soirées avec nos amis Sophie et Veit sur Moemoea, Anne et Sébastien sur Mougika, et aussi de nouvelles rencontres de voyageurs que nous aurons plaisir à retrouver si l’occasion se présente de l’autre côté de l’océan ou ailleurs : Nathalie et Christophe sur l’Eliane, Marie-Thérèse et Jacques sur le Maracuja Hic-Nune, et toute l’équipe haute en couleurs (ils font partie du mouvement « Rainbow ») sur Papillon.

 

Un soir sur Sahaya

 

Le parking de la residence ...

 

Le papillon rainbow

 

Jeudi 17 février 2011. Laure est remontée à bord. Le Mougika d’Anne et Sébastien a pointé son nez vers les Antilles lundi. Le « Président » de Jean Le Cam a été chargé sur un cargo hier matin. Hic-Nune a pris la route pour Santa Luzia ce matin. Il est grand temps de partir ! La coque a eu droit à un décrassage à la brosse pour enlever le plus gros de la culture sur flotteur. Nous appareillons demain, ainsi que nos amis Sophie et Veit sur Moemoea, en direction de Fogo et de Brava, les îles au sud, pour une escale avant la grande traversée …

 

Veit repare son eolienne


17/02/2011
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Brava ... sauvage !

Brava … sauvage !

 

 

Vendredi 18 février 2011. Le Moemoea de Sophie et Veit a levé l’ancre quelques heures avant nous en direction de Brava. L’Eliane de Nathalie et Christophe est venu nous faire un salut pendant que nous faisions le plein d’eau, on se retrouve aux Antilles hein ? Bonne traversée ! A 14 heures, on appareille. Tchau Mindelo … Un peu nostalgique de quitter le lieu, mais le plaisir du départ l’emporte, surtout que la navigation commence agréablement dans le détroit entre São Vicente et Santo Antao, avec la houle qui nous pousse et le bateau qui glisse à 6 ou 7 nœuds. Laure a la même sensation : quel plaisir d’être en mer après cette trop longue escale à Mindelo ... Mais une fois passé l’abri de l’île, ce n’est plus la même chose ! Deux houles croisées, très courtes, nous brinquebalent méchamment. Rien de tel pour être malade, d’ailleurs … je n’y coupe pas dans la soirée, et Laure aussi, juste avant de prendre le premier quart ! La nuit est claire, avec la lune tout juste décroissante. Dans la nuit, une voile blanche sur notre bâbord, et la VHF qui crépite sur le canal 72 : « Moemoea pour Sahaya, où êtes-vous ? Juste à côté non? » Hé oui, c’est bien Sophie et Veit qu’on a rattrapés sur la route de Brava.

 

Samedi 19 février, j’émerge vers 9 heures. Philippe a fait un dernier quart « rallongé » et laissé dormir les deux patraques ... Ça bouge toujours beaucoup. Dans la matinée, on voit apparaître la forme triangulaire de Fogo, l’île voisine de Brava. Petit regret de ne pouvoir monter au sommet, le volcan à près de 3000 m, mais il n’y a qu’un seul mouillage sur l’île, et avec cette houle, il nous a été fortement déconseillé car très inconfortable. Brava apparaît aussi, c’est l’île la plus au sud-ouest de l’archipel du Cap Vert. Le dernier pied à terre avant la ruée vers l’ouest. La houle reste teigneuse, et il faut vraiment s’engager derrière le cap qui protège l’entrée de la baie de Faja de Aguas pour qu’elle abandonne la partie. Ouf ! Ça se calme enfin, et il faut viser ensuite un petit espace devant le village, sur le « plateau continental » où les fonds remontent brutalement de plus de 30 m à moins de 7 m, pour poser l’ancre sur du sable. Devant nous, un village aux jolies maisons en arc de cercle le long de la côte, une vallée qui remonte dans des forêts de manguiers (dommage, ce n’est pas encore la saison !), des terrasses avec des bananiers et des cocotiers. C’est bien vert. Moemoea passe devant la baie sans s’arrêter : problème de moteur, ils filent directement au mouillage suivant, à deux miles plus au sud. On s’y retrouvera plus tard. Allez, le petit tour à terre réglementaire ! Le débarquement en annexe entre les gros cailloux puis sur le plan incliné en béton des pêcheurs est humide, et pourtant, les rouleaux sont modestes ! Nous longeons la rue principale (et unique !) jusqu’à arriver devant un petit aéroport désaffecté, avec sa piste qui semble n’avoir jamais servi. Apparemment jugée trop dangereuse avec les vents turbulents qui règnent. N’empêche que ça a dû demander pas mal de travaux : aplanissement du terrain, murs de soutènement, bâtiment, etc. Près de la piste, deux hommes cassent des cailloux à la masse. Du geste, ils nous indiquent un sentier côtier qui part vers le sud, et que l’on suit jusqu’à une petite plage. Au retour, l’un des deux casseurs de pierres nous accoste. Il s’appelle Ricardo, parle un peu français, et est gardien de nuit de l’aéroport désaffecté, pour, nous explique-t-il, qu’il ne soit pas utilisé par les trafiquants de drogue ! Au passage devant sa maison, il nous offre de l’eau et des œufs de ses poules. Quelle belle et bonne omelette ! C’est la fête au village et le bar diffuse plus que largement de la musique années 80 pas très capverdienne … Ça ne nous empêche pas de dormir, avec la journée de navigation à récupérer !

 

Arrivée à Faja d'Aguas

 

 

"Fais comme l'oiseau"

 

Le débarcadère

 

Grondements, bruits de galets roulés … je me lève plusieurs fois dans la nuit. Les vagues déferlent de plus en plus, et Sahaya s’est approché de la côte en pointant le nez au large. La houle de nord-ouest, engendrée par les grosses dépressions qui sévissent dans le nord, est en train d’arriver comme le prévoyaient les prévisions météo. Au matin, le mouillage devient intenable, de gros trains de houle entrent dans la baie, et de toute façon on ne pourrait plus débarquer en annexe.

 

Moins accueillant non ?

 

Direction la baie de Tamtun, mieux protégée, où l’on retrouve Moemoea, seul bateau au mouillage. Effectivement c’est calme, au fond une plage de galets avec une maison pour la réparation des barques de pêche, et le village qui surplombe, que l’on atteint par un sentier pavé qui grimpe raide. Nous sommes entourés de barques de pêche, c’est vraiment l’activité principale ici. Une barque nous aborde : ils demandent une bougie pour le moteur hors-bord. Ok, on fait du troc contre du poisson, et ils nous apportent un beau morceau de thazard (« serra » ici).

 

La baie et Moemoea

 

N'auriez pas une bougie ?

 

La technique pour garder les poissons au frais : vivants dans la barque !

 

Le poisson, c’est le cœur de la vie de ce village. On fait la connaissance d’Antonio, dit « Peixe », qui nous emmène vers des coins réputés à langoustes dans la baie. Philippe, Sophie et Veit partent en apnée, mais le poisson est rare, et Antonio ne remontera qu’une langouste. Nous ne sommes pas très fiers de ce trophée de chasse qui ne dépasse même pas du seau, sans être des spécialistes de la langouste, il nous semble qu’elle aurait mérité de grandir un peu … En fin d’après-midi, nous sommes tous invités sur la plage par Antonio et sa femme Idalina, qui a préparé le repas : riz aux haricots, courge, poissons grillés et … la langouste, petite mais bonne, ce qui est bien dommageable pour elle ! Ils parlent espagnol, on se débrouille donc avec ça pour communiquer. Sympathique soirée, où l’on voit qu’il est difficile de leur donner quelque chose en échange. Ah si, le gâteau de Sophie a du succès, c’est une idée à garder pour les remercier, car ils ne doivent pas souvent en manger.

 

Repas sur la plage avec Antonio et Idalina

 

Antonio décortique la langouste

 

Retour d'une barque de pêche : négocier la vague ...

 

Ho hisse !

 

Mardi 22 février, Antonio vient nous chercher avec sa barque au bateau. Laure débarque aujourd’hui de Sahaya, elle a un avion à Praia vendredi soir, et veut se garder une marge pour arriver à rejoindre Santiago. Nous avons eu plusieurs échos contradictoires sur le ferry : quotidien, puis pas tous les jours mais plusieurs fois par semaine, et enfin irrégulier et assez imprévisible ! Après la rude montée vers le village, on embarque dans l’aluguer de midi, bien rempli avec des femmes de pêcheurs partant vendre leurs poissons, des enfants. La route vers la capitale, Villa Nova Sintra, est un voyage en soi. L’aluguer crache noir dans les montées, s’arrête dans tous les villages où les gens viennent acheter le poisson directement à l’arrière du pick-up, et attaque la redescente vers Villa Nova Sintra dans une vallée bien verdoyante. C’est une petite ville tranquille, aux allures coloniales avec ses maisons colorées et ses rues pavées et ombragées. Un dernier restaurant, et Laure embarque dans un aluguer pour Furna, la ville portuaire. Bonne chance pour le ferry et le retour à Marseille. Pas de chance avec Internet par contre, aucun des lieux que l’on nous indique ne fonctionne, pas de météo donc, c’est un peu gênant pour programmer la traversée … Brava … sauvage ! Au retour, Antonio, qui nous a accompagnés toute la journée, nous invite à manger chez lui. Nous sommes un peu gênés par tant de gentillesse, mais tout est prêt : riz aux haricots, courge, et poissons grillés, ce doit être leur repas au quotidien. En guise de dessert, une potion magique à base de sucre et d’arômes artificiels (importée du Chili !!) mélangée à de l’eau qui imite malgré tout assez bien le goût de goyave. Décidément, faut que je fasse un gâteau avant de partir !

 

Le taxi ...

 

Un autre exemplaire de petite langouste ...

 

Laure en tenue de randonneuse pour affronter la montée au village

 

Laure se fait belle pour le voyage

 

L'aluguer rentabilisé !

 

Vente de poissons en direct

 

Brava sous nos yeux

 

Bonne route Laure !

 

Mercredi 23, nous retournons à Faja de Aguas à pied pour tenter de trouver Internet à une pension tenue par un Français, et en profiter pour laisser quelques stylos à Ricardo, il nous en avait demandé pour son fiston. Chou blanc là aussi, car le Français peu serviable nous refuse l’accès à Internet, réservé à son usage privé … Nous retenterons notre chance demain à Villa Nova Sintra, en prenant l’aluguer de 8 heures. C’est que le temps tourne, et qu’il faudra bientôt penser à la traversée.

 

 

Le chemin du retour vers le mouillage

 

Jeudi 24 fevrier, pas d'aluguer à 8 heures, nous voila partis à pied ... Arrivés à Villa Nova Sintra, trouver Internet tient du miracle ! Voila l'article, on verra plus tard pour les photos car la connexion est trop laborieuse ! Les fichiers météo annoncent de la pétole pour toute la semaine prochaine, on ne sait pas encore si on attend ou non que les alizés soient plus forts ...

 

Samedi 26 février, je suis revenue en ville. Il y a finalement Internet gratuit avec la wifi sur la place devant le Paços do Concelho, il fallait le savoir ! Demain midi, Antonio nous a invités à une catchupa sur la plage avec sa famille. Et a priori, nous appareillons lundi matin. Quelques courses de complément pour la traversée, et rendez-vous de l'autre côté !


24/02/2011
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Quelques jours de vie à Tantum

Quelques jours de vie à Tantum …

 

 

« Comment tou t’appelles ? » La petite voix s’élève sur ma gauche. Ce vendredi 25 février, je suis montée seule au village de Tantum, pour prendre l’aluguer de 11 heures, celui qui emmène les enfants à l’école à Nossa Senhora do Monté. Je retourne en ville, à Nova Sintra, essayer, en étant seule, de prendre enfin du recul et une décision concernant le poste qui m’est proposé en Inde. J’arrive sur la petite place ronde d’où part l’aluguer un peu en avance, et je vise un petit coin d’ombre bienvenu, sur les marches de l’église, pour attendre. Une petite troupe d’enfants joue sur la route. Quand j’arrive, ils arrêtent net leurs jeux et viennent s’asseoir à côté et derrière moi sur les marches. Mince, c’est moi l’attraction ! Ils discutent entre eux à voix basse, puis l’attraction retombe, et ils repartent petit à petit reprendre le cours interrompu de leurs occupations. Seule une petite fille est restée assise sur ma gauche, et c’est elle qui surmonte sa timidité et engage la conversation :

-          Comment tu t’appelles ?

-          Nathalie. E tu como te chamas ?

-          Tatiana.

 

La suite se poursuit en espagnol pour moi, en portugais pour elle, mais nous arrivons à nous comprendre. Elle a 8 ans, et pose plein de questions. Sur quel bateau je suis, le jaune ? Non, le blanc. Un peu plus tard arrive Claudia, la fille d’Antonio et Idalina, qui vient me saluer avec un grand sourire. Elle a 13 ans, et veut aller faire des études de médecine au Brésil. Elle fronce un peu les sourcils pour préparer sa phrase : Domingo … Dimanche, elle aimerait bien visiter le bateau. D’accord ! D’autres enfants arrivent, en uniforme d’écoliers, apparemment jupe grise pour les filles, pantalon gris pour les garçons, et chemise blanche au-dessus de t-shirts bariolés. L’aluguer tarde un peu à venir, et un jeu de l’élastique s’organise, filles et garçons mélangés. Je dis à Claudia que j’y ai aussi beaucoup joué quand j’étais petite. Ah ça y est, le pick-up fatigué arrive, talonné par un nuage de poussière. Les enfants montent, je suis la seule adulte de la fournée, assise à côté de Claudia, qui enlève spontanément une petite feuille accrochée à mes cheveux. Ces gens sont vraiment attentionnés, et ont le contact physique, tactile même, facile et spontané. Veit raconte qu’à Santo Antao, une femme assise à côté de lui dans l’aluguer lui épluchait tranquillement les brindilles qui étaient prises dans les poils de ses jambes après une randonnée dans les broussailles, mais très spontanément, et sans arrière-pensée ! En route, on croise une voiture de policiers, et hop ! les enfants assis sur le rebord de l’aluguer redescendent d’un cran s’assoir à l’intérieur de la remorque sur le banc de bois. Ce doit être un point sur lequel la maréchaussée est regardante … plus que sur les pneus archi lisses du pick-up ! Arrivée à Nova Sintra, je passe du temps sur Internet, au téléphone, … et repart avec l’aluguer de 16 heures sans avoir été capable de prendre une décision …

 

L'aluguer de 11h, celui des écoliers

 

J’y retourne donc le lendemain samedi, cette fois avec l’aluguer de midi, parmi les femmes de pêcheurs de Tantum qui vont vendre leurs poissons. L’expression « marchande de poissons » prend tout son sens quand on traverse les villages : leurs voix arrivent sur les lieux bien avant l’aluguer ! Cette fois, assise sous l’ombre des arbres de la place principale de Nova Sintra d’où l’on capte une Wifi gratuite mais capricieuse, heureusement aujourd’hui de bonne composition, j’ai fait une réponse « Oui, avec réserve … » pour le poste indien. Avant de remonter dans le dernier aluguer pour Tantum, je fais les pleins de produits frais pour la traversée : tomates vertes, choux, carottes, oranges, bananes.

 

Il est frais mon poisson, il est frais !

 

Le "stock" d'une "mercearia"

 

Je me régale à partager un peu cette vie quotidienne des gens de Brava, même si bien sûr mes petites occupations me laissent sur un chemin parallèle. Mais quand même, en venant ainsi plusieurs jours de suite, je revois les mêmes têtes, et les « bom dia », les « boa tarde », et les sourires semblent plus familiers. Dans le flot du créole qui coule sans éveiller la moindre lueur de comprenette, quelques mots quelquefois accrochent l’oreille : Francès, barco, habla poco de español, tiens, on doit parler de moi ! En quelques jours, ce sont les petits « rituels » quotidiens du voyage en aluguer qui deviennent presque une habitude : l’arrêt à la station service pour remplir les bidons d’essence pour les moteurs des barques de pêche, les femmes qui en profitent pour laver leurs bassines de poissons au point d’eau, l’arrêt au mini-mercado pour les courses, au poste de gaz sur la route pour les échanges de bouteilles, etc. Au gré des demandes, « Pépé » le chauffeur de ces dames, fait des arrêts, charge ou décharge des sacs, aide les femmes enceintes à monter dans sa carriole, fait un stop devant un genre de hangar où des piles de frusques (un arrivage ?) débordent de grandes caisses dans lesquelles les passagères partent farfouiller à la recherche de leur bonheur. Bref, le temps de retour est fluctuant ! Minimum une heure, et jusqu’à une bonne heure et demi.

 

Pendant ce temps, Sophie, monitrice d’apnée, a initié Philippe à la chasse sous-marine. C’est le moment d’étrenner notre fusil « made in China » de chez D. acheté avant le départ, qui fait bien rigoler les poissons ! Philippe tire par deux fois et la flèche ne se plante même pas, le poisson prend juste un air surpris sous le choc « qu’est-ce qu’il me veut celui-là ? ». Puis Sophie prête son fusil de compétition, et Philippe fait ses deux premières touches … dont je n’aurai que ouïe dire, car il les aura consommées le midi même. Bon, il faudra changer l’élastique de l’arbalète, car il n’est pas assez puissant.

 

Le résultat de la chasse ...

 

Une brochette d'un autre genre !

 

Vers 18 heures, me voilà de retour sur la petite plage de galets de Tantum avec mes sacs. Dans la descente, j’ai rencontré un journaliste qui fait un reportage pour le compte d’une compagnie aérienne. Brava est le sujet de la prochaine revue touristique laissée dans les avions, pour promouvoir le tourisme sur l’île. Il parle très bien français, me pose des questions, qu’est-ce que je pense de l’île, prend même des photos pour me citer. Peut-être que Sahaya et Moemoea au mouillage, se baladeront quelques temps dans les airs entre Europe et Cap Vert (en espérant que ce petit coin de paradis ne soit pas connu de trop de monde non plus).

Antonio est sur la plage, il me donne des poissons, trois petits mérous, et nous invite tous « après-demain » (dit en français), dimanche midi donc, à une catchupa sur la plage avec sa famille. Gentiment, des pêcheurs sont prêts à mettre leur barque à l’eau pour me ramener au bateau, mais Philippe m’a vue et vient me récupérer avec l’annexe.

 

 

Voilà une semaine maintenant que nous sommes à Brava, à faire un peu partie de la vie du village de Tantum. En une semaine, nous avons établi plus de contacts avec les gens du cru qu’en plus d’un mois passé à Mindelo. De tout notre séjour au Cap Vert, ce sont ces quelques jours qui nous aident le plus à mieux connaître les Capverdiens, en tout cas ceux de Brava. D’une grande générosité, ils veulent toujours nous donner quelque chose, et sans demander de retour, bien au contraire. Une fois, lors d’un arrêt de l’aluguer, un capverdien bien imbibé de grogue était venu nous demander de l’argent, et on a compris qu’il se faisait vertement enguirlander par les autres.

Bien sûr, il y aurait un peu de travail d’éducation à l’environnement à faire dans ce village isolé. Les pêcheurs semblent rapporter un peu tout ce qui s’accroche à leurs lignes ou leurs filets, et des mérous qui ne font pas vraiment la maille finissent en friture sans avoir eu le temps de laisser de descendance … Et, sans doute que comme à la Réunion, les emballages non périssables sont arrivés en masse sans la notice d’accompagnement sur leur élimination. Le « point vert » ici est le bord de la falaise à l’orée du village, où s’y pratique un tri sélectif sur le mode gravitaire : d’abord le verre, puis le plastique … Il faut dire aussi qu’on n’a pas vu de poubelles, c’est sûr que si rien n’est organisé au niveau communal, les gens ne sont guère encouragés à mieux gérer leurs déchets. Espérons que cela viendra. Cela dit, les décharges à ciel ouvert n’ont pas disparu depuis si longtemps chez nous …

 

 

Le dimanche midi, la plage manque d’activité sans ses habituels pêcheurs, et pas de trace d’Antonio et de sa famille et de la catchupa. Nous attendons jusqu’en début d’après-midi, puis nous montons au village avec Sophie et Veit, et un premier lot de bouteilles vides que nous remplirons demain au point d’eau du village. La maison d’Antonio est fermée, son voisin nous dit qu’il est au village voisin, et nous laissons nos bouteilles devant sa porte pour partir en balade vers la vallée voisine de Ferreiro. Des gamins s’improvisent comme nos guides, nous suivons une lévada qui domine la vallée, jusqu’à ce que la falaise ait tendance à nous repousser de l’épaule vers le vide. Heureusement, les gamins se sont arrêtés avant, en se faisant gronder depuis le village de ne pas suivre ces fous de blancs sur cette partie qui doit leur être interdite ! On les retrouve un peu plus bas, puis ils délaissent notre trace quand nous continuons de descendre vers Ferreiro. Il y a paraît-il dans la forêt de cette vallée de petits singes, que nous aimerions bien apercevoir. On demande à un jeune homme au seuil de sa maison entourée de terrasses, mais nous n’arrivons pas à nous faire comprendre, il ne comprend « singe » ni en français, ni en anglais, ni en espagnol, et on ne connaît pas la traduction en portugais. Puis Philippe se lance dans une imitation son et lumière qui doit être convaincante car le regard du gars s’éclaire de suite : « macaques » ! Mais peu de chances de les voir en ce moment, ils séjournent plus haut en montagne, et descendent dans la vallée se régaler de mangues quand elles sont mûres. Encore quelques mois alors, car les plantureux manguiers ne portent encore qu’une myriade de petits fruits verts.

 

Nos éclaireurs ...

 

 

Chemin interdit aux enfants !

 

Sophie et Veit pensent découvrir un petit paradis qui pourrait bien leur convenir comme pied à terre : une jolie maison dans la vallée, entourée de manguiers, avec une source d’eau claire dont le propriétaire nous dit qu’elle coule toute l’année.

Au retour, nous nous arrêtons à une maison entourée d’un grand jardin bien garni, Sophie et Veit veulent se renseigner pour venir y acheter les légumes en direct. Et c’est une rencontre inattendue avec Miguel, végétalien, chrétien fervent à tendance écologiste, qui nous entretient sur la santé, les pollutions, le respect de la nature et de la vie, de livres référence à lire. Des gens ayant une vie simple et très modeste vivant de très peu mais doués d’une belle conscience mise en pratique au quotidien et rayonnant d’une sérénité communicative. Une belle leçon pour nous … Il nous fait une démonstration de la préparation des brèdes (feuille) de choux, et nous offre plus de légumes qu’on ne lui en achète : salades fraîches cueillies, aubergines, patates douces, de quoi se régaler de frais et de bio (sans étiquette !).

 

La douche des filles

 

Presse à canne à sucre

 

Chez Miguel

 

Miguel a sorti sa bibliothèque de référence

 

Lundi 28 février, nous avons décidé de décoller demain matin pour la Transat. Il nous reste le plein d’eau à faire, nous chargeons les sacs à dos de bidons de 5 litres vides pour monter les remplir au village. Antonio nous accueille sur la plage : hier, ils ont eu un empêchement, alors la catchupa est pour ce midi, Idalina est déjà en train de la préparer : maïs, courge, carottes, et poisson attendent de rejoindre une gamelle posée sur un feu de bois. En attendant, nous faisons un aller-retour avec nos bidons, que nos petits guides de randonnée d’hier se chargent de remplir au point d’eau du village. Au moment de payer (ce n’est que quelques escudos pour 5 litres, mais je trouve ça bien, même avec un prix symbolique, ça oblige les gens à respecter l’eau), la dame qui gère la fontaine fait un geste avec un sourire : cadeau ! On comprend que nous sommes connus comme les amis d’Antonio … qui a rempli, payé, et descendu jusqu’à la plage, les bouteilles que l’on avait laissées la veille devant chez lui ! Là encore, on est confondus devant tant d’attentions ! Nous redescendons avec notre lest. La catchupa d’Idalina est très bonne, Sophie et moi avons apporté chacune un gâteau fait bateau, et Philippe a imprimé quelques photos que nous avons prises d’eux, ce qui semble leur faire plaisir. Pas si facile d’arriver à leur donner quelque chose !

 

Idalina (en rouge) démarre la préparation de la catchupa

 

Le remplissage des bidons au point d'eau communal

 

Catchupa d'au-revoir

 

Après la catchupa, Philippe et moi rejoignons à pied le village de Nossa Senhora do Monte au col pour un dernier chargement des fichiers météo « grib » à 7 jours d’échéance au Cyber Café, hé oui nous ne possédons pas le coûteux Iridium (téléphone satellitaire), puis l’envoi d’un ou deux textos « on part demain ! », puis nous redescendons sur Tantum en courant pour nous défouler avant la traversée. Arrivés devant l’école, les enfants qui en sortent nous emboîtent le pas de course, et nous faisons donc une entrée discrète au village, à la tête d’une petite et souriante équipe d’athlétisme qui cavale cartables au dos !

 

Philippe en entraîneur de choc !

 

De retour sur la plage, Antonio et Idalina y sont encore, nous les soupçonnons de nous avoir attendus pour nous dire au revoir. Idalina a la larme à l’œil, « Sodade » dit-elle la main sur le cœur. Nous aussi avons le cœur un peu serré. Pourtant, peu de paroles ont finalement été échangées entre nous, déjà à cause de la langue, de la timidité peut-être de leur part. Ils nous posent finalement peu de questions, beaucoup moins que nous ! Mais c’est une amitié quand même qui s’est tissée, avec ces moments et ces attentions partagés.

 

Dans la nuit étoilée et sans parasite lumineux de Tantum, des bancs de poissons frétillent en surface, sautent et retombent dans un bruit de pluie d’orage. Qui chasse, qui est chassé ? Difficile de le savoir. C’est un jeu de la vie et de la mort qui fait des étincelles avec le plancton phosphorescent agité par leurs ébats. Est-ce que, comme en plein jour, de petits poissons nagent plusieurs mètres sortis de l’eau, dressés à la verticale sur leur queue, pour tenter d’échapper à quelque prédateur qui a jeté son dévolu sur eux ? La nuit garde le secret. Nous prenons un maté chez Sophie et Veit. Eux pensent partir pour la transat dans la semaine, quelques jours après nous. Ils savourent encore quelques jours à Brava, la sauvage, et l’authentique.

 

Nous regagnons le bateau pour une dernière nuit dans ce mouillage, le plus chaleureux que nous ayons fait au Cap Vert.


26/03/2011
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2100 ... (l'aléa de l'alizé)

2100 … (l’aléa de l’alizé)

 

 

Non, ce n’est pas le titre d’un film d’apocalypse, un de plus. Non. C’est le nombre de miles qui nous séparent des Antilles. Un océan à traverser, une expérience à vivre, vers un nouveau monde. Une fois partis, c’est parti, un peu comme une course en montagne, une grande voie d’escalade, il faut aller au bout, les vents nous y poussent, impossible de faire demi tour. Cap à l’ouest !

 

 

Mardi 1er mars

1er mars, c’est jour de départ : chiffre rond, ce sera plus facile pour compter les jours ! Sophie et Veit, partis faire des courses à Villa Nova Sintra, ont laissé Moemoea pour la journée. Antonio et Idalina viennent nous saluer dans leur barque de pêche. Un peu timides, nous les invitons à manger un petit morceau avec nous avant de partir. Antonio ne se fait pas prier et grimpe à bord, Idalina a peur d’être malade et préfère rester sur la barque. Drôle de repas partagé, trois dans le cockpit et une avec son assiette dans la barque à l’arrière du bateau ! Mais c’est le moment qui compte, et en repartant, Antonio nous crie qu’il nous faudra dire à notre famille que nous avons des amis à Brava. C’est chose faite Antonio ! Idalina a encore la larme à l’œil, et ils nous saluent tous deux à grands gestes de bras pendant que la petite barque repart pour la fin de sa journée de pêche, au-delà du cap. Quels gens chaleureux, on ne les oubliera pas.

Nous remontons l’ancre vers 14h, après les derniers préparatifs pour mettre le bateau en mode « navigation », un dernier bain de mer, et une bonne douche. Un petit Harmattan garde Brava pour lui, et a tôt fait d’effacer le dessin des côtes. Salut Cap Vert, nous nous retrouvons rapidement en « haute mer », avec l’eau pour seul horizon. Quelques dauphins viennent batifoler devant l’étrave, moment dont on ne se lasse pas. Ben voilà, c’est parti … Nous mettons bientôt au travail un compagnon de plus au service de notre confort : Ursule, le régul’ (ateur d’allure), qui se révèle barrer plutôt mieux qu’Eliot le pilote (électrique) quand il y a suffisamment de vent. Et gros avantage : sans consommation électrique ! C’est bon de penser que nous devons notre autonomie au soleil et au vent. Première soirée en mer sous le ciel étoilé, Sahaya avance à bonne allure, comme sur une route tracée entre la Grande Ourse et l’Etoile Polaire au nord, et la Croix du Sud et le Scorpion au sud. Ce n’est pas souvent que nous suivons une telle route plein ouest. Le ciel semble défiler comme si c’était nous qui le faisions tourner en avançant, en tirant sur le tapis des étoiles. Le sillage est tout phosphorescent de plancton, étoiles dessus, étoiles dessous, que c’est beau …

 

 

Repas dans le cockpit pour certains ...

 

Exilée volontaire !

 

Tchau Antonio e Idalina ...

 

Tchau Tantum ...

 

Mercredi 2 mars

La nuit a été tranquille, un bateau entrevu a fait crépiter la VHF, il faut reprendre le rythme des quarts. Le vent reste constant, environ 15 nœuds de nord-est, un alizé modéré, qui perdure toute cette deuxième journée de mer. Nous sommes un peu fatigués, le corps doit reprendre le rythme de la mer, et puis il y a aussi du manque de sommeil : ces dernières nuits, le mouillage de Tantum était très rouleur. A propos de se faire rouler, la houle est aussi au rendez-vous, croisée comme de bien entendu … Nous voyons un cargo au loin qui semble aller vers l’Afrique du Sud. Musique de Nougaro dans le cockpit, et au lit de bonne heure !

 

Calée dans le couloir avec un seau ... on n'est jamais trop prudent !

 

De l'espace à courir ...

 

Dans le vent ...

 

Jeudi 3 mars

La nuit a été calme, aucun bateau en vue. Couchée dans le carré pendant les quarts, j’essaye de m’habituer à suivre le bateau aux sons : le glissement soyeux de l’eau sur la coque : nous sommes à plus de 5 nœuds, entrecoupé de « floc floc » plus hésitants : la vitesse diminue, comme-ci on lofe, comme ça on abat. Au matin, un poisson volant repose sur le pont : atterrissage fatal … L’alizé se maintient, 15 nœuds de nord-est qui nous poussent à près de 6 nœuds de moyenne. Les miles défilent, et nous passons sous la barre des 1800 miles restants. Le matin, je ratiboise les cheveux de Philippe qui veut voir quel effet ça fait d’avoir la boule à zéro, à l’abri des regards d’autrui ! Je trouve que ça lui va pas mal, il est assorti avec le nom du bateau en tenant un peu du bonze. Mon bonze ami … Le soir, je rentabilise le four en le chargeant jusqu’à la gueule : deux pains, une pizza, et un gâteau marbré chocolat-citron que le roulis homogénéisera bien consciencieusement pendant la cuisson !

 

En matinée ...

 

Atterrissage fatal ...

 

6,6 noeuds, bonne moyenne, le cap'tain est content !

 

Vendredi 4 mars

Avec cette grosse houle croisée, j’ai passé la nuit dans le couloir, calée dans la largeur entre un oreiller et un matelas mousse roulé en boule. Philippe ne m’a pas réveillée pour mon deuxième quart, aucun bateau n’a croisé notre route. Vendredi, jour du poisson ?? Nous mettons à l’eau la ligne de traîne après l’avoir équipée d’un fil de nylon de plus gros diamètre acheté à Mindelo, et d’un poulpe armé d’un hameçon triple, cadeaux de François, un pêcheur Marseillais rencontré au mouillage. Hélas le soir, il n’en restera rien : ligne cassée net au niveau de la tresse qui n’était pas de bonne qualité, et dont ne demeure qu’un court témoin effiloché ! L’alizé de nord-est se maintient à 15 nœuds, perturbé un temps par un grain qui passe. La houle se calme, ce qui n’est pas pour nous déplaire ! Dans l’après-midi, nous sommes survolés par un paille en queue, qui se pose ensuite comme une plume sur les vagues. Nous avons passé la longitude 30° ouest, aussi nous reculons d’une heure (nous voilà à TU-2h), pour éviter le « boat-lag » à l’arrivée. Encore deux fuseaux horaires à grignoter pour être à l’heure des Antilles.

 

Samedi 5 mars

La nuit a été agitée pour Philippe qui a essayé plusieurs réglages de voiles. Le temps est nuageux, quelques gouttes, et l’alizé semble donner des signes de faiblesse. Nous prenons un cap un peu sud-ouest pour essayer de passer au sud de la zone de pétole annoncée par les modèles météo que nous avions chargés en partant de Tantum, mais à plus de 5 jours d’échéance maintenant, la confiance à accorder diminue. Et oui nous devons hélas rallonger notre route en nous éloignant davantage de la route orthodromique, qui elle passerait beaucoup plus au nord.

Nous mettons à l’eau un petit poulpe rouge, « le moins sophistiqué » de nos leurres, très léger, qui frétille en surface dans le sillage du bateau. Inch Allah … Mal tenu par un vent arrière qui faiblit inexorablement, le bateau roule bord sur bord dans cette houle croisée. Le génois est tangonné, la grand-voile et l’artimon sont équipés d’une retenue de bôme, pour limiter le claquement des voiles. La pétole menace, et le moral du capitaine descend en flèche quand la vitesse passe sous la barre des 5 nœuds …

 

Dimanche 6 mars

Le vent a repris dans la nuit, le bateau s’est remis en marche, et le moral des troupes est remonté. Belle journée de dimanche, sous un ciel d’alizés, tendu de bleu azur sur lequel s’accrochent de petits cumulus. Ce serait parfait sans cette houle croisée pénible (mais il me semble avoir déjà écrit ça quelque part non ??). On a remis le petit poulpe rouge à la traîne, lesté d’un peu de plomb dans la tête, ce qui ne fait jamais de mal … Et avant midi, une touche ! Une daurade coryphène, le gabarit au-dessus de celle que nous avions pêchée à Noël. A défaut du poulet dominical, voilà donc le menu de midi ! Je ne sais pas si on peut vraiment prétendre faire des statistiques avec deux poissons, en tous cas nous les avons pêchés à midi, et non au lever ou coucher du soleil. Quant au leurre, le plus simple semble marcher tout autant, en tous cas pour les gabarits de poissons qui nous conviennent. Un leurre plus sophistiqué (et plus cher) ne serait-il pas fait d’abord pour appâter les « pigeons » dans les magasins ?...

 

Ca avance ...

 

La touche ...

 

Lundi 7 mars

Journée sans événement majeur, on avance bien mais toujours dans cette mer qui nous ballote en venant claquer les fesses de Sahaya, qui de droite, qui de gauche. Nous faisons toujours de l’ouest-sud-ouest pour mettre de la distance entre la menace de pétole et nous, et tenter de trouver « l’alizé profond », comme le nomme notre ami Bertrand, coureur au large, c'est-à-dire l’alizé qui souffle sans faillir, à 10 ou 15 nœuds, à l’abri des dépressions nordiques. A 11h30 TU, c’est le « rituel » : le bulletin météo marine diffusé sur RFI, que nous enregistrons avec un dictaphone pour le réécouter ensuite plus tranquillement, car il est souvent énoncé avec une diction expéditive, comme si les annonceurs avaient un bateau à prendre ! Philippe reporte sur la carte l’évolution des dépressions orageuses qui se baladent au nord-est des Antilles, le risque étant qu’elles perturbent les alizés en descendant vers le sud. Dans notre « bulle microcosmique » qu’est le bateau, la météo marine est l’information presque vitale : savoir ce que nous réservent les vents et l’océan sur lequel nous avons embarqué …. La radio, c’est aussi notre lien avec le reste du monde. RFI en ondes courtes a remplacé France Inter sur la FM qui tournait presque toute la journée à la maison. Dans notre bulle, arrivent les émissions tournées vers l’Afrique, et les fracas du monde, avec ses peuples qui s’ébrouent et se libèrent, avec ses fous de pouvoir prêts à tout pour le garder, Gbagbo, et Kadhafi, qui reçut pourtant les honneurs de l’Élysée il n’y a pas si longtemps …

Des pétrels noirs et blancs jouent avec les vagues. La lune commence à montrer un croissant timide dans la soirée.

 

Mardi 8 mars

Nuit rouleuse, le vent a diminué. Ça fait une semaine que nous sommes partis … Un banc de poissons volants survole un temps les vagues. Ce matin, bricolage car en vérifiant le niveau d’huile dans le moteur, Philippe trouve qu’il est plus haut qu’à la normale. Encore de l’eau de mer ??? La seule entrée possible pourrait être l’anti-siphon sur l’eau de refroidissement de l’échappement, et encore … Philippe décide de mettre une vanne pour fermer à l’arrêt « au cas où ». Bonne initiative, car ça nous permet de voir que le coude anti-siphon est cassé, si on avait démarré le moteur, l’eau de mer aurait giclé ! La réparation faite avec les moyens du bord et la vanne installée, nous refaisons une fois de plus la vidange de l’huile moteur dans la houle. Il ne faudrait pas s’en faire une spécialité … Cette houle croisée est particulièrement pénible, donnant de violentes secousses au bateau alors même que le vent est devenu très mou dans l’après-midi. Les voiles claquent, on roule d’un bord à l’autre, c’est fatiguant et énervant, il faut sans cesse se tenir, arrimer toute chose, faire la cuisine devient sportif. Le moral est en baisse. Passés sous la barre des 1200 miles … mais aussi sous celle des 4 nœuds … le moral du capitaine tombe dans ses chaussures bateau. Pourvu que le vent se ressaisisse dans la soirée, comme c’est souvent le cas. Pendant le dîner, un poisson volant atterrit juste derrière Philippe, mais réussit, en bonds convulsifs, à retourner à l’eau sans notre aide, au prix de quelques écailles semées sur le pont.

 

Mercredi 9 mars

Hélas non, le vent n’est pas revenu pendant la nuit, bien au contraire, il a encore molli et nous a lâchés dans la houle rouleuse, tu parles d’une berceuse … Au matin, la pétole semble bien partie pour durer, le bulletin météo de RFI nous annonce un « vent variable », ce qui n’est pas pour nous rassurer. Nous cherchons des alternatives pour accélérer notre allure : le moteur ? Mais il nous reste encore plus de 1000 miles à parcourir, et de plus en vent arrière, son efficacité est limitée car il ne permet pas de créer un vent apparent. Mettre un deuxième génois en ciseau sur l’étai largable, à la place de la grand-voile ? Mais il nous faudrait un deuxième tangon pour le faire tenir avec cette houle. Reste notre spi symétrique. Nous hésitons toujours à l’envoyer car il est ultra-léger, et trop grand (160 m2), lors de notre première tentative, descendant trop bas devant l’étrave, il s’était un peu déchiré en s’accrochant dans l’ancre. Mais la houle semblant nous consentir une pause, Philippe est ok pour une deuxième tentative. Et trop grand, il ne va pas le rester longtemps … Envoyer le spi nous occupe un moment : empanner la grand-voile, préparer les écoutes, lancer le spi en réglant le tangon le plus haut possible, enrouler le génois. Le grand ballon à rayures bleues et blanches se gonfle, comme Obélix après une orgie de sangliers, et hop, nous voilà passés de 3 à 6 nœuds ! Hélas, l’enthousiasme est de courte durée, le vent mollit encore, même le spi se dégonfle comme une grosse baudruche dépressive, et nous nous retrouvons notre allure d’escargot, à moins de 4 nœuds, c’est désespérant … A ce train, notre ETA* (*Estimated Time Arrival, NDLR) devient incertaine. Dire qu’un mois plus tôt, il y avait 25 nœuds de vent sur tout le trajet, à quoi nous conduisent mes tergiversations mindélotes … Un crack : la remontée du tangon n’a pas suffi, et les deux dernières lèzes du spi se déchirent sur une bonne largeur en s’accrochant dans l’ancre. On affale. Atelier couture sur le pont, on s’occupe pendant la pétole : on roule les deux lèzes endommagées en un boudin que l’on maintient par de petits nœuds. En attendant, renvoyons le génois. Et l’enrouleur ne répond plus, coincé d’en haut ! Philippe monte au mât, s’auto-assurant sur la drisse de l’étai largable pendant que je le contre-assure d’en bas sur celle du spi. A 15 m, ça tangue même si la houle s’est bien calmée, et il lui faut arriver à monter sans trop lâcher le mât pour ne pas jouer au singe au bout de sa ficelle comme dans les manèges dans les accélérations. Verdict au sommet : c’était grippé. Un coup de dégrippant, un roulé-déroulé de test, et je fais redescendre mon Tarzan des mers de son perchoir. Pendant ce temps, ça ne s’est guère arrangé du côté d’Eole : le vent tombe à moins de 4 nœuds, et nous à moins de 2, une misère. Le soir, on capte enfin à la BLU les fax météo émis par Boston, aux USA, hélas celles de la Nouvelle Orléans qui concernent exactement notre zone ne nous arrivent pas encore. Même si les cartes de Boston ne descendent pas en-dessous de 18° de latitude nord (et nous sommes à un peu moins de 14°), elles semblent montrer une reprise des alizés dans 4 jours, l’anticyclone des Açores se remettant à sa place habituelle. Espérons ! Nous lançons un peu de moteur pour recharger les batteries, sollicitées par la mise en service d’Eliot en remplacement d’Ursule que le manque de vent laisse trop perplexe pour lui confier la direction du bateau ! Sous le croissant de lune argenté, l’océan luit doucement devant l’étrave.

 

Couture à petits noeuds

 

2,4 noeuds, ça se gâte, le cap'tain scrute le retour annoncé du vent sur les cartes de Boston

 

Jeudi 10 mars

Nuit de pétole, en partie au moteur. Philippe est allé tout à l’arrière du bateau pour tenter, sans succès, de resserrer le secteur de barre dont le jeu semble donner un surcroît de travail au pilote électrique. On s’y remet à deux avant le petit-déjeuner. Encore un peu de jeu, mais moins, on ne pourra de toute façon pas faire mieux en naviguant. Encore une chose de plus sur la liste des bricolages à faire à l’arrivée ! La mer est belle, presque lisse (c’est le bon côté de la pétole !), seule une longue houle de nord-est vient lever le voile en ondulations nonchalantes. On relance notre spi raccourci avec ses petits nœuds. La météo a annoncé du sud-est, mais pour l’heure, c’est un léger souffle de nord-est qui nous arrive, et nous tangonnons le spi tribord amure. Le vent change de sens dans l’après-midi, et il faut empanner tout ce beau monde : grand-voile et spi. La pétole oblige à plus de manœuvres que le vent finalement. Le vent mollit encore, et à force de tomber, le spi se prend une fois de plus dans l’ancre, et craaaack ! Notre réparation saute, et cette fois les deux lèzes du bas sont entièrement déchirées. Je coupe au ciseau tout ce qui pendouille, quel massacre ! On réparera mieux plus tard, à mettre dans la liste. Ben voilà, il n’est plus trop grand ce spi, il est finalement devenu parfait maintenant, il s’est débarrassé lui-même de ses hardes inutiles et gênantes ! En fin d’après-midi, nous avons la visite d’un voisin : un oiseau de mer gris foncé que je n’arrive pas à identifier, qui tourne autour du bateau, le survole, repart, revient. Apparemment, il veut se poser sur le bateau, et fera au moins une quinzaine de tentatives. Il vise la tête de mât, mais l’antenne VHF et le paratonnerre ne lui laissent pas assez de place. Il jette ensuite son dévolu sur l’éolienne, mais finalement, ne se décide pas. Pourtant, il essaye ! Nous le voyons arriver, les ailes écartées en portance maximale, la queue en éventail, ses pattes palmées rouges tendues devant lui, mais non, au dernier moment, il remet les gaz ! Il nous semble que le meilleur endroit pour lui serait le panneau solaire, juste derrière l’éolienne, mais il est noir, peut-être ne le voit-il pas avec la nuit qui tombe ? On y étale un petit tissu blanc pour l’aider à repérer ce terrain propice, mais sa tour de contrôle personnelle a dû lui refuser l’atterrissage car on ne le revoit plus. Gracieux : « Aimons-nous à ce point les oiseaux que paternellement nous nous préoccupâmes, de tendre ce perchoir à ses petites palmes ? ». Ben oui, dommage, on l’aurait bien adopté comme animal de compagnie quelques temps. Pourquoi cherchait-il absolument à se poser sur le bateau ? Pour se reposer ? Si loin de toutes côtes, les plus proches sont celles de la Guyane, mais quand même à plus de 800 miles ! Salut l’oiseau, fais bon voyage ! Nous sommes au milieu de notre route, au milieu de l’océan, jamais nous n’avons été aussi isolés. C’est une bulle de temps, de temps à nous, au rythme du vent et de l’eau. Une houle un peu plus haute semble se relever, peut-être l’ambassadrice du vent ?

 

 

A l'ombre du spi "Obélix" ventru

 

Avec deux lèzes de moins, ça va beaucoup mieux non ?

 

Vendredi 11 mars

Et nous voilà au terme de ce 11ème jour de mer, et du 4ème de pétole … Nous avons passé la barre des 1000 miles pendant la nuit, un symbole ! La houle de nord-est est bien là, mais le vent qui l’a engendrée semble s’attarder en d’autres contrées lointaines … Journée sous spi, puis un peu de moteur quand il jette l’éponge devant si peu d’air. Deux cargos, deux pétroliers semble-t-il, sont venus rayer l’horizon sur tribord, ce sont les premiers bateaux que nous voyons depuis 10 jours. Leur passage nous permet de tester l’alarme du radar, que nous mettons en route pour les quarts de nuit. Rien au bout de la ligne de traîne qui n’a jamais autant mérité son nom, les daurades doivent dédaigner ce poulpe maladif … Les cartes météo émises par Boston sont mieux lisibles maintenant, et nous commençons à recevoir de mieux en mieux celles de la Nouvelle-Orléans. Nous pensons avoir repéré notre ennuyeuse : une dépression située dans notre nord, qui perturbe les alizés. La prévision à 4 jours semble la voir s’effacer, à voir … Joli coucher de soleil, et soirée cinéma : « Arsenic et vieilles dentelles ».

 

Réparation rapide du génois

 

Cuisine par mer calme : les assiettes tiennent !

 

Samedi 12 mars

Deuxième week-end en mer. On se croirait presque au mouillage avec cette pétole installée. De gros nuages gris avec des lignes de grains défilent sur bâbord. Il n’y a même pas assez de vent pour le spi, alors on lance la moulinette, après un petit bain de mer, au beau milieu de l’Atlantique. 20000 lieues sous les fesses ! On capte la météo marine de RFI depuis son émetteur des Antilles, c’est tout de même bon signe. Toujours du vent variable sur la zone Alizés Ouest, mais qui devrait revenir à du nord-est par l’ouest. A la radio, la Une est au tremblement de terre au Japon, et à la centrale nucléaire qui a pris feu. Y a-t-il un nouveau Tchernobyl en perspective ? Juste avant midi, un grain nous rattrape par l’arrière. Ah la bonne douche sous la pluie, quel plaisir ! On se sent tellement vivants sous cette eau vive. Sahaya en profite aussi, et des filets d’eau chargés du sable rouge du Cap Vert courent sur le pont pour rejoindre la mer. Après cette belle et franche averse, c’est un petit crachin breton qui s’installe, sous un ciel plombé d’un gris presque homogène. D’autres grains viendront, donnant de petites sautes de vent qui retombent ensuite. Une fois de plus, nous remontons une ligne de traîne amputée, cassée cette fois au nylon. Décidément, même avec un modeste petit poulpe, on attire du gros ou quoi ? Que de casse tout de même pour deux petites daurades pêchées ! La nuit commence sous un bon grain, au près dans du vent de nord-ouest, et sous la pluie. Vive les alizés !

 

Quelle piscine !

 

Grain en vue !

 

Le radar l'a vu aussi !

 

Et le voilà !

 

La fournée hebdomadaire : deux pains, et une quiche

 

Dimanche 13 mars

Quelle nuit ! Sous les grains, le vent forcit, et Philippe sort sous une pluie drue prendre un ris dans la grand-voile. Quelques tours repris dans le génois, et nous finirons la nuit un peu sous-toilés, pour garder l’esprit tranquille en cas de nouvelle saute d’humeur du ciel nocturne. Au matin, le pont est tout propre, dessalé, dessablé, les bouts ont perdu leur patine ocre capverdienne. Les alizés sont de retour, et nous filons toute la journée à 6-7 nœuds, sur une houle de nord-est de 2-3 m, encadrés de nuages de ciel de traîne qui semblent nous laisser un couloir bleu à courir. Plus de 120 miles parcourus en 24 heures, voilà bien longtemps que ça ne nous était plus arrivé ! Passés les 45° de longitude ouest, nous reculons encore d’une heure, TU-3h maintenant. Le soleil couchant colore en sanguine les nuages alentours. La mer est sombre, mouchetée d’écume blanche, mettant en relief le panorama libre sur 365° qui est notre paysage, notre monde, depuis près de 15 jours. Monde d’ombres et de lumières, de bruits de vent et d’eau, un monde presque sans odeur, sauf au moment où l’on remonte un poisson luisant sur le pont. Les parfums de la mer lui viennent de la terre. Les journées passent sans se ressembler, au rythme de la mer. Les premiers jours, j’avais peur de m’ennuyer, et Philippe déprimait vite à la moindre baisse dans la moyenne journalière des miles avalés. Puis finalement, un nouveau rythme s’installe, dans un temps qui a perdu ses repères habituels, mais où l’ennui n’a néanmoins pas sa place. Ce qui ne veut pas dire que nous soyons toujours occupés, même si les activités ne manquent pas. Les quotidiennes bien-sûr, toilette, cuisine, vaisselle, celles liées à la navigation, réception des bulletins radio et des cartes météo, réglage des voiles, empannages, tangon à bâbord, tangon à tribord, les petits bricolages, là un taquet qui se désosse, ici et là des petits bouts qui améliorent l’ordinaire, la lecture, l’écriture, la musique à faire et à entendre, la farniente aussi ! Et au milieu et autour de tout ça, les longues minutes qui deviennent des heures à contempler la beauté renouvelée de l’océan, la danse des oiseaux en contre-jour au dessus des vagues, l’étrave de Sahaya qui ouvre son chemin d’écume, la course des nuages, les étoiles revenues chaque soir au rendez-vous, chaque soir un peu plus à l’ouest. C’est tout ça, être présents et bien dans l’instant présent, et finalement, nous ne sommes plus si pressés d’arriver et de retrouver le monde des hommes …

Surtout que le monde des hommes, il ne va pas bien fort aux infos. Après le séisme au Japon, c’est la menace de l’accident nucléaire. Nous qui croyons tout maîtriser, même ces monstres potentiels créés de toutes pièces mais muselés par la technologie toute-puissante. Que la terre se secoue, et voilà le monstre peut-être libéré ? N’en va-t-il pas de même avec les OGM, et les monocultures, et l’éventail des variétés de semences qui s’étiole avec le monopole des multinationales ? Si peu de sages parmi les « grands » de ce monde. Sur RFI, un reportage sans concession était dédié au Sierra-Léone, où les paysans sont dépossédés de leurs terres par de grandes compagnies minières, ou de grandes multinationales occidentales, pour la culture d’agro(nécro)carburants, avec la bénédiction des politiques. Mais quel progrès pour ces pauvres paysans ! Mis en esclavage par ces sociétés hautement caritatives, ils vont pouvoir gagner quelques sous pour s’acheter à manger ce qu’ils ne produisent plus eux-mêmes ! Ne parlons même pas des dégâts environnementaux qui sont le cadet des soucis de ces monstres de profits à court terme. Qu’est-ce qu’on peut faire ? Déjà être attentif et conscient. Et essayer de vivre le plus près de ses convictions, ce qui est presque un boulot en soi. Et après ? Inventer et créer du mieux ?

 

Douche économe : des baquets d'eau de mer et un p'tit rinçage à l'eau douce

 

Lundi 14 mars

Reprenons le fil de notre navigation. Les cartes météo maintenant bien lisibles qui nous parviennent de la Nouvelle-Orléans nous promettent du vent pour les prochaines 72 heures. Il va falloir commencer à penser à notre prochain atterrissage en Martinique. Ah, une touche qui mort à l’hameçon de notre poisson-nageur rouge, une daurade de belle taille, en robe jaune fluo, qui zigzague pendant que Philippe rattrape la ligne petit à petit. Mais au moment de la remonter sur le bateau, elle se détache, et retourne à son élément dans un éclair jaune. Ce n’était pas son jour, et le nôtre non plus ! On relance le leurre avec des hameçons plus gros, mais il ne refait pas de touche dans l’après-midi. La moyenne journalière est bonne, 140 miles en 24 heures, ce qui nous tient lieu de record.

 

Jolie prise ... enfin presque !

 

Mardi 15 mars

Nuit peu reposante, rouleuse, avec l’alarme du radar qui se déclenche par deux fois pour des grains de pluie. Nous sommes plein vent arrière, et Ursule a du mal à maintenir le bateau sur sa route, il fait des embardées dans une danse incessante. Journée de pétole, un peu morose. Heureusement, le spi va de l’avant dans l’air léger et parvient tant bien que mal à maintenir une moyenne honorable. Encore un leurre de perdu, rien ne va plus. Il reste moins de 500 miles maintenant, nous avons fait plus des trois quarts du chemin.

 

Merci le spi !

 

Mercredi 16 mars

Rien de spécial pour cette journée de mercredi. Le vent de 10-15 nœuds est là, mais nous n’allons pas très vite. Une longue houle de nord-est de 2-3 m nous balance. Un cargo. C’est un plaisir tout de même de voir le petit bateau se déplacer sur la carte du monde, et de se dire que l’on est dedans !

 

 

Pas de doute, on va vers l'ouest ...

 

Deux pains, et une pizza : la routine ...

 

Pas si mal cette pizzéria !

 

Jeudi 17 mars

La nuit révèle un problème sur le radar : apparemment, il ne tourne plus. Ça va nous obliger à des quarts un peu plus attentifs sans sa veille technologique … Un grain de pluie, et la houle qui nous monte sur son dos un instant, puis s’en va poursuivant sa route vers le sud-ouest. Nous lançons le spi dans l’après-midi, Philippe jubile : nous voilà à 6 nœuds. On aurait dû l’envoyer plus tôt. Jusqu’à 14-15 nœuds de vent, il tient le choc. Mais des grains nous dépassent, et l’un nous vient vraiment dessus, on a juste le temps d’affaler avant la bonne averse et quelques rafales qui auraient crevé notre ultra-léger. Nous savourons une soirée de plus dans notre restaurant panoramique, avec une lune presque pleine qui veille sur notre sillage. Un bon petit vent d’alizé se renforce en soirée. « C’est ce que nous aurions dû avoir tout du long », ronchonne Philippe qui décidément n’aime pas la pétole, surtout au pays des alizés …

 

Et hisser l'artimon pour la nuit

 

Guitare cool

 

 

Vendredi 18 mars

Sahaya a filé droit, ses grandes ailes blanches déployées dans l’air de la nuit. Les quarts un peu plus serrés sans l’appui du radar ont permis de voir sa route vers l’ouest sous celle, parallèle, de la lune. Le matin, nous ne tergiversons pas et lançons le spi dès la fin du petit-déjeuner. Il nous aura rendu de fiers services ce spi, acheté d’occasion avant de partir en voyage. On ne s’attendait certes pas à l’utiliser autant sur la soi-disant « autoroute des alizés ». Y’a opération escargot ou quoi ?? Blocage des routiers ?? Notre leurre rescapé, un poisson à bavette, nous semble plonger trop profondément dans le sillage. Qu’à cela ne tienne, Philippe lui taille la bavette à coup de chalumeau. Il reste moins de 200 miles, comme une traversée Sète-Fornells, pff … une promenade du dimanche après-midi maintenant avec notre expérience ! La journée se passe à naviguer entre les grains, à les surveiller pour qu’une rafale sournoise ne mette pas à bas notre précieuse traction avant. Dire que ces grains ici bien inoffensifs, de gros nuages cotonneux en camaïeux de blanc et de gris, peuvent en été, sous ces mêmes latitudes, grossir, grossir, jusqu’à se transformer en monstres dévastateurs, cyclones et autres ouragans. Avançons ! Facile à dire … le vent change, nous fait empanner pour rien, pour finalement se casser complètement la gueule en soirée, et nous obliger à lancer le moteur …

 

La lune est levée à l'arrière ...

 

... quand le soleil se couche à l'avant. Il est temps d'affaler le spi.

 

Samedi 19 mars

Nuit dans le vrombissement du diésel dans le salon … Philippe se lèvera plusieurs fois dans la nuit, pour affaler le génois qui n’arrive même pas à rester un tantinet gonflé. Moi je loupe mes quarts, fatigue plus bruit du moteur, je n’entends même plus le réveil pourtant tout près de l’oreiller. C’est la pire des pétoles que nous ayons eue jusque-là. Le moteur ronronne toute la journée pour maintenir une moyenne de 3,7 nœuds, sans un souffle d’air. La surface de l’eau est lisse, sombre sous un ciel gris ourlé d’une ligne de grains sur bâbord. On la dirait plus lourde, plus dense, épaisse comme de l’huile que l’étrave du bateau ouvre sans presque une éclaboussure. Une averse vers midi. Et une touche vers 16 heures ! Au bout de la ligne, un thazard bâtard ou wahoo, entre 60 et 80 cm, poisson gris bleu argenté strié de rayures, avec une gueule pointue bien garnie de dents qui ne le sont pas moins. Ça va nous changer de la daurade même si nous étions loin d’être blasés ! Le leurre a fait son œuvre, mais n’a pas résisté aux coups d’assommoir : mort dans l’exercice de ses fonctions. Philippe s’occupe de préparer la bête, pavés et darnes pour trois repas. Nous ne sommes plus qu’à 65 miles de la Martinique, si le temps était plus clair, nous devrions pouvoir voir les îles, mais le rideau de nuages gardera peut-être bien le suspense jusqu’au bout. L’atterrissage au Marin est prévu pour demain matin. Ça me fait drôle de penser que c’est le dernier jour de mer, que demain, nous allons retrouver des lumières, des bateaux, un mouillage, une ville, « des autres gens », des paysages terrestres inconnus, des odeurs nouvelles, etc. Difficile de dire si je suis vraiment pressée … Une page se tourne avec la fin de la traversée, belle expérience de mer même si nous avons dû nous battre surtout contre l’absence de vent, contre l’énervement stérile et inutile qui nous prenait parfois que les promesses de vent ne soient pas honorées ! Mais nous aurions pu aussi nous plaindre de trop en avoir ! Bien-sûr, elle n’aura pas été une chevauchée fantastique sur des flots indomptés. Et Sahaya est plus agréable à naviguer avec du vent : il en faut bien un minimum pour lancer ses 15 tonnes d’acier dans une certaine dynamique. Me revient une phrase de Bernard Giraudeau dans son roman « Les dames de nage » : « On ne commande au vent qu’en lui obéissant, marmonnait le vieux. Il faut connaître son maître ; le deviner, le flairer, l’écouter, mon petiot, et celui qui le premier reconnaît ce maître sera servi par lui. » Le maître a aussi le droit d’avoir ses baisses de régime !

 

Le vent semble monter un peu dans la soirée, nous arrêtons le moteur vers 20h30, à cette vitesse, notre ETA serait à 7-8 heures locales.

 

Grain ... de beauté !

 

Philippe s'occupe du wahoo ...

 

... jusqu'au bout !

 

Dimanche 20 mars

Cette dernière nuit en mer, nous allons bien en profiter ! Le vent fait des pointes à près de 25 nœuds, et nous oblige à affaler l’artimon, prendre deux ris dans la grand-voile, et des tours dans le génois pour ne pas dépasser les six noeuds et faire une arrivée de nuit. Le comble de devoir maintenant freiner le bateau après tant de jours sans vent à essayer de le faire avancer ! Nous apercevons les côtes de la Martinique aux premières lueurs du jour. En approchant, c’est bientôt un vol de sternes au-dessus d’un banc de poissons, deux souffles de cétacés, de grandes frégates noires et blanches, du vert, des reliefs, l’odeur de la terre qui nous parvient après 3 semaines de mer. C’est l’émotion à l’arrivée de notre première Transat. Le temps de la mer se termine, mais le plaisir de la terre nous rattrape et emporte la mélancolie, curiosité d’un nouveau monde à découvrir, des fourmis dans les jambes déjà d’aller cavaler dans les montagnes. Notre première Transat effectuée en 19 jours et 20 heures, soit une moyenne de 112 miles par jour, soit encore une vitesse moyenne de 4,7 nœuds. Avec tout de même plusieurs journées à 140 miles par jour, mais aussi d’autres à 70 miles … On aurait évidemment pu mieux faire avec un poil plus d’air, et heureusement qu’on avait le spi !

On apprendra plus tard que des copains partis 10 jours avant nous ont mis près de 25 jours, dont plusieurs jours de calme total ! Ne nous plaignons donc pas trop.

 

Des crètes plus grandes que d'autres : la Martinique apparaît sur l'horizon.

 

6 noeuds : c'est bien le moment !

 

L’entrée dans le Cul de Sac du Marin est balisée de bouées, il faut se rappeler qu’on est ici dans le système B, et donc que les balises sont inversées : en entrant, le vert est à bâbord. La baie est large, mais le nombre de bateaux au mouillage nous impressionne vraiment : des centaines de bateaux, répartis de part et d’autre d’un chenal d’accès. On essaye d’abord vers la droite. « Dis Philippe, on n’avance plus là, on est plantés ! ». A force de slalomer entre les bateaux pour trouver une place, on vient de se poser tranquillement sur un banc de sable, pourtant mentionné sur la carte ! Heureusement rien de grave, Philippe relève un peu la dérive, et avec un coup de marche arrière, on se décoince. Allons voir le mouillage de gauche, plus tranquille. Nous finissons par trouver une place pour mouiller l’ancre, et après un petit déjeuner tardif, la chaleur et la fatigue nous tombent dessus comme la misère sur le pauvre monde. A plus tard !

 

L'arrivée au Marin

 

On n'est plus tout seuls !


28/03/2011
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Presque terriens au Marin

Presque terriens au Marin …

 

 

29 avril 2011 : à l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes en Métropole depuis trois semaines maintenant, et Sahaya nous attend sagement à l’abri (du moins nous l’espérons !) amarré à un corps-mort dans la baie du Robert en Martinique. Et hop ! Voilà survolé en huit heures et d’un petit coup d’aile (et d’un gros coup de kérosène …) tout le trajet effectué en plusieurs mois. A plus de 11 km d’altitude, à près de 1000 km/h, par moins 52°C dehors, les sensations ne sont pas les mêmes qu’en bateau ! Nous voilà « comme les autres », à jouer à la dinette avec le plateau repas, les genoux sous le menton (enfin surtout pour Philippe), à regarder un échantillon de tout ce qu’on a loupé (ou de ce à quoi on a échappé, c’est selon) dans le programme ciné d’Air Caraïbes. Sur l’écran de télé du dossier qui nous fait face, le petit avion défile sur la carte du globe en avalant les miles à l’envers. Impression étrange de se dire que l’on est en train de mettre des milliers de kilomètres entre la maison et soi. Et que notre maison est accrochée à une ficelle, et la dite ficelle à un poids posé au fond de l’eau. Certes c’est une grosse ficelle, et on en a même mis plusieurs, certes c’est un poids lourd, mais quand même, c’est la maison qui est au bout de cette « chaîne de solidarité » ! « Pani problem, on va garder votre bébé ! », nous ont dit en rigolant les deux moniteurs de voile du Robert qui ont Sahaya sous les yeux tous les jours. Hé les gars, c’est le bébé, et c’est la maison aussi !! « Parfois y’a de la grosse houle qui rentre, grosse mais pas forte », « Hein ?? Comment ça grosse ?? Qu’est-ce que tu entends par pas forte ?? ». « Pani problem !!! ». Allez confiance, ce n’est pas encore la période des cyclones, et nous rentrons à la mi-mai …

 

 

Vol au-dessus de l'île

 

Avant de refaire la route à l’envers en plombant notre bilan carbone, nous avons eu deux semaines pour faire connaissance avec la Martinique, et aussi avec de nouveaux voyageurs en bateau, en escale au Marin. La Martinique, c’est exotique, mais pas de doute, c’est bien la France, en tous cas, c’est bien l’Occident ! Après deux mois au Cap Vert, c’était les retrouvailles avec les automobiles reines, les éclairages urbains plantureux, les enfilades de grandes surfaces et autres spécialistes de la malbouffe, haies d’horreur de la consommation, qui font que les entrées de villes finissent par plus ou moins se ressembler, dans de nombreux pays du monde … Un contraste donc, surtout après trois semaines de solitude en mer. Mais n’allons pas trop vite ... A notre arrivée au mouillage du Marin le matin du 20 mars, c’est surtout la forêt de mats qui nous a impressionnés, et nous avons plongé dans un sommeil réparateur dont nous émergeons un peu ensuqués et dans une journée bien entamée. Un peu tard pour partir à la découverte du Nouveau Monde, mais on tient à en fouler le sol, ne serait-ce que pour quelques pas de principe ! Nous abordons un proche voisin de mouillage, sur un bateau alu typé « voyage » qui arbore le drapeau tibétain : il ne peut être foncièrement mauvais. Il est même franchement sympa, encore un Philippe, qui, après nous avoir donné des renseignements sur les us et coutumes du Marin (où laisser l’annexe, les magasins, etc.), nous invite à nous joindre à l’apéritif partagé avec ses amis navigateurs au Mango Bay. C’est comme ça que nous faisons connaissance avec Romain, et les Bretons Loïc et Taïs. Toute la bande s’est rencontrée en Guyane, et voyage plus ou moins de concert depuis. La bière locale est bonne comme la Lorraine, la musique se mêle au brouhaha des conversations de navigateurs qui vont bon train, et j’essaye d’atterrir en douceur, encore sur le nuage de nos trois semaines de mer. En arrivant au Marin, on se fond dans la foule des « anonymes » à avoir traversé l’Atlantique. Notre aventure est loin d’être originale finalement une fois plongée dans le même bain que nos nombreux voisins ! Moralité, pour frimer en mer il vaut mieux rester loin dans les terres … Nous ne sommes pas encore des piliers de bar bien solides, et nous éclipsons avant les autres, pour tomber par hasard sur Christophe et Nathalie, qui avaient entamé la traversée depuis Mindelo une dizaine de jours avant nous, et nous content leur odyssée : 25 jours, calmes plats à nager autour du bateau, rencontre frontale avec un cachalot, coryphène de 14 kilos, spi explosé. Quelle activité !

 

 

Nous passons nos premiers jours de printemps tropical à prendre nos marques, à terre comme sur l’eau : après nous être déplacés parce que nous étions trop près d’un catamaran, le bateau dérape, et quand nous voulons lever l’ancre pour mouiller plus loin, pas moyen, le guindeau renâcle : l’ancre est coincée. Philippe s’équipe, plonge, suit la chaîne, met ses mains sur l’ancre et pense débloquer un bout enroulé, le tout à tâtons car la visibilité est nulle. Qui a parlé des plongées dans les eaux cristallines des lagons tropicaux ? En tous cas, c’est efficace, car nous pouvons décoller et mouiller dans un espace de liberté plus confortable. Il ne faut pas trop rigoler avec le dérapage ici, car les fonds remontent vite sur des bancs de corail auxquels il ne ferait pas bon se frotter. D’ailleurs, pas si loin derrière nous, une épave gît sur le flanc comme un avertissement bien tangible. Et d’autres pourrissent aussi dans la mangrove, abri devenu cimetière. Les dépressions tropicales ne font pas de cadeau aux bateaux baladeurs. A terre, le Marin est en grande partie tourné vers la mer et ses habitants. Les magasins sont accessibles par l’eau, avec des pontons aménagés pour transvaser le chariot directement dans l’annexe ! Avant les pontons et la marina, c’est le coin des pêcheurs, vendant au marché ou directement sur un petit stand sur le trottoir, thazards et coryphènes. Notre premier contact avec les Martiniquais est bon, les gens que nous rencontrons étant accueillants et chaleureux.

 

Philippe à la réparation du radar

 

Atelier rédaction du blog

 

Après quelques jours de mouillage, nous nous « offrons » le luxe de trois jours à la marina du Marin, histoire de faire les pleins d’eau, de grosses lessives à la laverie (assez folklorique) du coin, des bricoles de soudure avec le 220 V, et du VTT sans saler les vélos dans l’annexe. Au même ponton, on a la surprise de croiser un bateau nommé « Balaruc », immatriculé à Zeebrugge. Non, ce n’est pas un nom belge, il s’agit bien de « notre » Balaruc-les-Bains, parce que le père du propriétaire du voilier y a appris la voile et navigué.

Les VTT débarqués sur le quai, nous entamons une première balade, en suivant la côte vers le sud depuis Sainte-Anne. Le sentier côtier est plus prévu pour les piétons que pour les cyclistes, et nous devons souvent prendre les vélos sous le bras pour des passages étroits ou caillouteux, ou les pousser le long des plages après s’être épuisés à pédaler dans le sable. Mais sans vélos, nous n’aurions pas pu faire tout ce chemin depuis le Marin, et voir autant de chouettes paysages variés : plages de sable blanc bordées de palmiers, presque désertes, collines faisant onduler une campagne agricole plantée de canne à sucre et de bananiers, côtes noires des coulées d’anciens volcans, mangroves à palétuviers peuplées de petits crabes jaunes « Cé ma faute ». Ces involontaires emblèmes judéo-chrétiennes semblent expier une culpabilité imaginaire en repliant la plus grande de leurs deux pinces devant eux, et vivent en colonies dans la mangrove, criblant le sable vaseux de leurs terriers dont ils sortent d’un œil prudent dès que nous sommes passés. De petits bruits de cliquetis dans les bois le long des plages : attention au grand méchant Touloulou ! Bon, pas si méchants ces crabes rouges et noirs, petites bêtes des bois exotiques. Dans les airs, ce sont les imposantes frégates qui sillonnent le ciel, et, de l’autre côté de l’échelle, les minuscules colibris qui butinent les fleurs en vol stationnaire. Pour notre première balade, nous irons jusqu’à la baie des Anglais, côté est. La houle de l’Atlantique vient se briser sur les hauts fonds des lagons en franges d’écume blanche. Des baies profondes et échancrées doivent offrir de bons mouillages que l’on repère, on ne sait jamais ! Pour notre deuxième balade, d’une bonne quarantaine de kilomètres (sans compter ceux où le vélo se repose sur notre dos !), nous continuons notre visite de la côte Atlantique, depuis la pointe Chevalier jusqu’à la Grande Anse Macabou. Les plages incitent à quelques baignades en cours de route, la balade dure finalement plus longtemps que prévu, et l’on est bien heureux de tomber sur une dame qui vend, sur le parking de Grande Anse Macabou, des parts de gâteaux maison (gâteau patate douce, gâteau banane, gâteau coco), et des sodas qui font rapidement remonter notre taux de sucre !

 

 

 

 

Un peu de portage

 

 

"Cé pas ma faute !"

 

Un touloulou camouflé

 

De retour au mouillage, nous retrouvons nos nouvelles connaissances, et aussi nos « anciennes » puisque Lilian, qui comme nous est parti de Balaruc l’an dernier, a jeté l’ancre et son dévolu sur le Marin, après une traversée et quelques escales sous le signe de la galère. En plus, il accueille à son bord Jo, autre Balarucois d’adoption, pour une visite des Antilles. Ils ont loué une voiture pour trois jours, et nous en font profiter. La première journée est annoncée pluvieuse, et ça va se vérifier pleinement. Ayant judicieusement abandonné l’idée initiale d’aller admirer la vue depuis le haut de la Montagne Pelée, nous optons pour une balade le long de la côte Atlantique : le Vauclin, puis le François, puis le Robert, petite ville au fond d’une grande baie aux allures de lac, un « havre » d’après la carte. Philippe repère des bateaux au mouillage qui semblent amarrés sur des corps-morts, et nous profitons d’être voiturés pour aller y voir de plus près. Car nous cherchons un endroit pour laisser le bateau en sécurité un bon mois, le temps de rentrer en France en avion. Car j’ai oublié de dire qu’en arrivant de notre traversée, j’ai eu la surprise … de n’avoir aucune réponse de mon boulot pour le poste en Inde ! Et qu’en insistant quelque peu pour avoir des nouvelles, j’en ai eues : un autre candidat avait finalement été choisi. Plus que le poste en lui-même, c’est tous ces questionnements, ces tergiversations, ces tortures d’esprit qui nous poursuivent depuis quasiment le début du voyage, que je regrette. Bref, un petit retour en France nous paraît le bienvenu pour revoir la famille, revoir les amis, refaire mon passeport, faire le point sur ma « situation » professionnelle, et aussi nous poser pour réfléchir à la suite, puisqu’Inde il n’y a plus. Prendre un nouveau départ, pour un nouveau voyage ? En attendant, nous voilà arrivés devant l’école de voile du Robert, et Rodrigue, un des moniteurs, nous confirme que les corps-morts sont loués par la mairie. Une bonne piste pour laisser le bateau, que nous confirmerons quelques jours plus tard, une alternative au Marin où les places libres sont rares. Continuant vers le nord, nous longeons la presqu’île de la Caravelle, qui borde la jolie baie du Gallion incitant à la navigation, entre ’îles et îlots arrondis. La pluie n’arrête pas, chaude soit, mais drue, et les velléités de balade à pied se transforment en visite du musée du rhum Saint-James à Sainte-Marie ! Musée plutôt bien fait et intéressant. Le rhum Saint-James doit son nom à consonance anglo-saxonne à une opération « marketing » avant-gardiste, pour viser le marché potentiel que représentait alors la voisine Nouvelle-Angleterre. Le plus marquant du musée est peut-être les bouteilles de rhum fondues, tordues, « rescapées » de la terrible explosion de la Montagne Pelée en 1902. L’exploitation Saint-James était alors implantée à Saint-Pierre, ville rasée de la carte en quelques secondes par les nuées ardentes.

Le lendemain, la météo locale a annoncé un « alizé sec », c’est peut-être l’occasion ou jamais de tenter l’ascension de la Montagne Pelée. Après une halte à Saint-Pierre, la petite voiture de location, bien lestée avec nous quatre, ahane dans la rude montée vers le volcan. Il faudra même descendre pour la pousser dans un redémarrage en côte ! Lilian et Jo nous laissent au bout de la route, d’où démarre le sentier. Philippe et moi montons à pied, eux redescendent en voiture pour venir nous récupérer versant est en passant par Morne Rouge, nous faisons le sommet, et eux un resto, marché conclus ! Il fait beau quand nous attaquons le sentier, raide et bien tracé. Le paysage volcanique rappelle, en plus petit, celui de la Réunion, avec ses canyons encaissés, et sa végétation tropicale luxuriante. Mais plus l’on monte, plus l’on entre dans les nuages qui coiffent le sommet. Dommage, la vue sur la Martinique doit être magnifique à 1397 m d’altitude, mais le brouillard ne nous accordera pas une minute de répit ce jour-là. A la fin de la descente, nous retrouvons nos deux chauffeurs. Retour au Marin par la jolie route qui traverse la dense forêt tropicale, où les grands arbres sont chargés d’épiphytes de toutes sortes, dans une silencieuse bataille pour un peu de place au soleil.

 

Hips !

 

Dans la montée vers la Pelée

 

 

Perdu dans le vert ...

 

Vue imprenable au sommet ...

 

Le temps passe vite, au rythme des nombreuses averses tropicales qui alternent avec un soleil qui tape dur, presque à la verticale. En annexe, nous allons visiter les anses bordées de mangrove qui forment la rive sud de la baie du marin, dont certaines sont connues comme des trous à cyclone. Nos amis Sophie et Veit sont arrivés de leur traversée depuis plusieurs jours déjà. En suivant les bons conseils que Philippe leur a donnés sans les suivre, ils sont descendus assez bas en latitude, vers 9-10°N, pour trouver les « alizés profonds » décrits par notre ami coureur au large Bertrand, et qui ont permis à Moemoea de boucler la traversée en un peu moins de 18 jours. Nous les rejoignons au mouillage de Sainte-Anne, juste au sud du Marin, où sont aussi ancrés les bateaux de Philippe, et de Loïc et Taïs. Ce sera l’occasion d’une soirée bien sympa, tout le monde se retrouvant sur le petit Armagnac de Loïc et Taïs, et qui finira en musique.

 

 

Devant le mouillage de Sainte-Anne

 

Le lendemain matin, nous appareillons pour aller vers le Robert, une navigation de près de 30 miles, d’abord au près dans le canal en tirant un grand bord vers le large, puis en nous laissant porter vers l’entrée de la baie. L’amarinage n’étant pas irréversible et c’est bien dommage, je passe une journée assez vaseuse en laissant Philippe à la manœuvre … Allons debout ! A l’arrivée, il faut être bien réveillé pour suivre les balisages qui indiquent la route à prendre en évitant les pièges de corail : passe du Loup-Garou, au nord de la Caye Mitan. L’île du Loup-Garou apparaît comme un mirage, bouton de sable planté de palmiers, une réserve pour les tortues qui viennent y pondre sous la protection de gardes basés au Robert. La houle de l’Atlantique est encore vigoureuse dans l’entrée de la baie du Robert, puis les ilets lui font barrière, et nous mouillons pour une nuit paisible derrière l’Ilet à Eau.

Lundi 4 avril 2011, nous venons nous amarrer sur un des corps-morts libres devant l’école de voile du Robert, comme convenu. Nous avons deux jours pour préparer Sahaya à son mois de solitude au mouillage. On range, on plie, on amarre. Philippe sort la planche à voile pour la première fois, et tire quelques bords aller-retour entre le bateau et un petit cargo mouillé dans la baie.

Mercredi midi, Romain vient nous chercher en voiture et nous dépose à l’aéroport du Lamentin. Nous voilà de retour « chez nous », en laissant notre bateau-maison « là-bas ». Grand écart … C’est où « chez nous » ??

 

Annexe-start

 

Un bord retour avec l'alizé

 

 


29/04/2011
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Retour au point de départ

Retour au point de départ

 

 

L’océan, la côte, Nantes, Orly

Et un dernier virage sur l’aile

Nous revoilà, comme l’hirondelle

Qui fait le printemps à Paris

 

C’est le retour en Languedoc

La maison, les falaises par cœur

Courir dans la garrigue en fleurs

Reprendre les habitudes ad hoc …

 

Pour les copains d’abord facile

Avides du récit héroïque

De nos exploits transatlantiques

On enchaîne les diners en ville !

 

Petit retour à l’employeur

Dix ans dix mois, et c’est la quille

La bride est sur ton cou ma fille …

De ta liberté n’aie pas peur !

 

Déjà Beau Papa Belle Maman

Pour un au-revoir au portail

A quelles calendes les retrouvailles ?

Glotte coincée, bizarrement …

 

Et la tournée des frères et sœurs

Bousculant des emplois du temps

Plein, des visites en coup de vent

Est-ce le lot des navigateurs ?

 

Les nièces ont grandi, le neveu

Cavale. Jeux, un deux trois soleils,

On chahute, et on appareille

Le temps a des bottes de sept lieues

 

Campagne berrichonne, une escale

Pour faire le plein de confitures

Bonnes (Maman) et qui l’aventure

Adouciront, sorties de cale.

 

Planter des tomates au cordeau

Les mains dans la terre, attention

Philippe s’ouvre des vocations

A revoir les projets à l’eau …

 

Berry-Orly, Papa-Maman

Pour un au-revoir au parking

Tant à dire … La glotte monte : « cling ! »

Mais il est d’autres débordements …

 

Dans le coucou, mélancolie …

On connaît bien ce que l’on laisse

Vers quelle folie ? Pour quelles promesses ?

Nous voilà trop vite repartis ?

 

Nathalie

 

 

Avec Guillaune vers le Roc de la Vigne


Le temps se gâte ...

 

Préparation du matos d'escalade pour les Aiguilles du Caroux


Anne à l'attaque


Philippe sur l'arête

 

Au tour de Sylvain

 

Escale berrichonne ...


06/06/2011
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Retour au point de départ (bis)

Le retour au point de départ (bis)

 

 

Finalement, ce titre convient bien aussi pour le retour à la Martinique, point de départ d’un nouveau voyage ? A voir …

 

Vendredi 13 mai 2011, nous voilà de retour en taxi au Robert, où Sahaya nous a attendus sagement. Rodrigue, un des moniteurs de la base de voile, nous a donné les clés à l’aéroport pour que nous puissions récupérer l’annexe. Quel contraste ! Le matin de cette longue journée dans le Berry, et en début d’après-midi, un brin décalqués avec le voyage et le décalage horaire, à deux sur un bateau sous un ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle … C’est dur de reprendre ses marques, et la chaleur étouffante et moite n’aide pas. Le Robert est un havre, et pour qu’il ne devienne pas un trou dans lequel notre moral descende aux trente-sixièmes dessous, nous décidons de lever l’ancre dès le lendemain. Après un grattage de la coque car en cinq semaines dans ces eaux tropicales, c’est tout un écosystème complexe qui s’est installé et qu’il est même dommage de détruire : algues, coquillages, mini-crevettes dont nous nous retrouvons entièrement couverts. Les poissons apprécient l’opération, qui viennent en ballets grignoter ce que nous décrochons.

 

Retour au Marin, où nous retrouvons des connaissances : Lilian, Romain, et Loïc et Thaïs. Sophie et Veit ont laissé Moémoéa attachée dans la mangrove pour rentrer en métropole faire la saison de montagne. Les « trous à cyclone » commencent à se garnir de bateaux garés côte à côte, avec des amarres dans les arbres de la mangrove, et une ou plusieurs ancres à l’arrière. Pendant que nous étions en métropole, la Martinique a connu des records de pluie. Il y a encore quelques restes en ce mois de mai, avec de nombreux grains où la pluie est aussi soudaine que drue. Les alizés sont en panne, et la chaleur humide rend les journées, et surtout les nuits, difficiles, nous laissant transpirant à grosses gouttes à espérer un souffle d’air et un soupçon de fraicheur pour récupérer. Nous avions prévu de ne rester que quelques jours au Marin, le temps de voir les amis et de refaire les pleins, puis de descendre vers les Grenadines, et d’aller caréner le bateau à Carriacou. Programme initial, mais vite chamboulé. D’abord avec mes démarches qui ne sont toujours pas terminées, à essayer de démêler ce qu’il convient de faire ou pas, et quand et comment, avec Pôle Emploi, ce qui n’est pas une mince affaire … Puis c’est le début d’une longue suite de problèmes techniques, initiée par le téléphone satellite flambant neuf qui tombe en rade aux premiers essais, et qu’il faut réexpédier en métropole … « ça peut être rapide, quelques jours », nous rassure le SAV. On décide donc d’attendre le retour de ce nouveau (sans) fil à la patte technologique au Marin. Mais plus de deux semaines plus tard, toujours pas de colis à l’horizon … Et c’est juste au moment où nous nous décidons à descendre quand même aux Grenadines et nous faire expédier le colis là-bas que le vent tourne au sud-est. Pas question de devoir maintenant faire route vent debout dans un pays d’alizés ! On attendra donc une semaine de plus …

 

Lilian sur Rama

 

Moemoea "déshabillée" qui attend la saison cyclonique d'amarres fermes

 

Attente, chaleur, problèmes techniques, on perd le fil du voyage … Et les canaux de Patagonie, c’est encore si loin. C’est surtout de longues navigations en perspective, contre vents et courants. La motivation sera-t-elle assez forte, pour mériter ces paysages de rêve et ces ambiances de bout du monde dont tous ceux qui ont eu l’occasion de les découvrir sont revenus éblouis ? Est-ce qu’on n’aurait pas les rêves plus grands que les tripes ? Passer le Canal de Panama, c’est un engagement, financier en premier lieu (un filon rentable et exploité au maximum), et ensuite plus moyen de faire demi-tour, il faut continuer, nord, sud ou ouest dans le Pacifique, la porte de l’Atlantique est fermée !

 

De la motivation, le capitaine Philippe en a … pour rentrer en France par les Açores. Le moral en berne, il prend son bateau en grippe, qu’il avait rêvé faiseur de liberté, et qu’il ne voit plus que comme un gros boulet de 15 tonnes, un piège matérialiste, un ogre qui occupe le temps et l’esprit avec la résolution de tracas techniques. Il faut dire qu’il n’y met pas du sien le Sahaya, avec, en série et dans l’ordre après le téléphone : le chauffe-eau (pas encore très utile en ces contrées mais qui pourrait le devenir), les deux moteurs hors-bord (dont le 4cv que l’on avait donné à réparer …), le guindeau qui veut bien descendre l’ancre mais refuse de la remonter, le pilote automatique (de loin le plus gros problème), et enfin le pilote de secours qui refuse de poster assistance à son grand frère. N’en jetez plus … Même si mon moral n’est pas non plus toujours au beau fixe, je ne suis néanmoins pas prête à rentrer en métropole, et de mettre un terme au projet de bateau, avec un goût d’inachevé, sans en avoir fait le tour, sans avoir l’impression d’en avoir vraiment totalement profité. Un brin d’optimisme têtu me fait croire que le meilleur est à venir, même si (et que) les problèmes techniques semblent inhérents au voyage en bateau, à la lumière des expériences vécues par les nombreux navigateurs qui sillonnent le monde, et dont les quelques uns croisés en chemin. Ce bateau, ça a été près de dix années d’investissement pour Philippe. Maintenant, il se dit « arrêtons les frais et passons à autre chose ! Vive la montagne, une corde et une bonne paire de jambes, et ça suffit ! ». Et moi « après tant de temps passé, persistons encore un peu pour voir le meilleur derrière ». Deux interprétations bien différentes … Alors, envie contre volonté, intuition contre entêtement, l’équation à deux devant l’inconnu n’est pas toujours facile à résoudre …

 

Il faut dire que Le Marin, à la longue, c’est un peu déprimant. Trop de bateaux nuit à la convivialité et à la rencontre, selon le même « syndrome » que dans les grandes villes finalement. Un matin, un officiel du port fait le tour des bateaux au mouillage pour demander si nous connaissons le nom de celui qui vient de couler. Un coup d’œil par-dessus la casquette : c’est notre voisin de devant qui a pris la mer à sa façon : de plein fouet, de plein flanc. C’est vrai qu’il tenait plus de l’épave que du bateau, et je trouve ça encore plus triste qu’une maison délaissée, abandonné aux éléments : le vent, la pluie, la mer. L’annexe reste accrochée, qui semble attendre comme un chien fidèle.

 

Plus grand'chose qui dépasse ...

 

Dans ce tableau en demi-teintes de tendance sombres, quelques touches plus gaies tout de même : une soirée guitare / accordéon avec Loïc et Thaïs, Romain, et Cian et Nolwenn, de nouvelles connaissances qui s’apprêtent à rentrer en Bretagne par les Açores (Les veinards, pense Philippe …). Pour sortir de la torpeur du Marin, nous irons faire quelques mouillages à Sainte-Anne, point de départ de longs footings le long de la côte. Une fois, un chien sympa et sportif nous suivra trois heures durant, et avec encore du jus pour courir après les oiseaux et les crabes sur la plage.

 

 

Footing au départ de Sainte-Anne

 

Avec notre copain plein d'énergie

 

Enfin, pour profiter encore un peu de la Martinique, nous louerons une voiture quelques jours pour une balade sur la Trace des Jésuites, l’ascension des Pitons du Carbet (sur un sentier grimpant raide en pleine « jungle » où un coupe-coupe aurait été utile), une visite de l’extrémité nord de l’île, un footing à la Pointe de la Caravelle, la montée au Morne Larcher (où il faut faire attention de ne pas marcher sur les Bernard-L’hermite qui viennent rouler sous les pieds à notre passage, dans une stratégie de camouflage qu’on a du mal à cerner), quelques voies d'escalade sur un des très rares sites de Martinique, et une tournée des plages de la Pointe Diamant.

 

Au départ des Pitons du Carbet

 

 

La Pelée coiffée en toile de fond

 

Dans la jungle !

 

 

 

Le plaisir de retrouver du rocher

 

Au relais avant la deuxième longueur ... avant la pluie

 

Les anses d'Arlet

 

Lundi 13 juin, au mouillage de Sainte-Anne. La matinée se passe en essais de réparation du moteur hors-bord 4 cv, sans succès. « Je serais vous, je tracerais sur Carriacou, tu verras là-bas, peut-être que tu trouveras quelqu’un pour regarder ton moteur. Et au moins vous serez partis », conseille Gérard avec son accent chantant de l’Ariège. Gérard est en famille avec Fanou et leur fils Joshua sur Harpo, un catamaran taillé pour ne pas traîner en route. Nous les avions rencontrés à Las Palmas, aux Canaries, et nous venons de les retrouver au Marin quelques jours avant. Nous suivons donc ce conseil avisé, et en début d’après-midi, nous hissons les voiles en direction des Grenadines.

 

Satané carbu ....

 

Harpo, taillé pour la vitesse


22/06/2011
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Au sec !

Au sec !

 

 

Lundi 13 juin 2011, en début d’après-midi, Sahaya fait route vers le sud après avoir contourné la pointe de Sainte-Anne. Nous partons sous un grain, qui marque le début de l’arrivée d’une onde tropicale. Ce creux barométrique s’est formé au sud du Cap Vert, a traversé l’Atlantique, pour venir donner grosses averses et orages ici. Un peu plus tard dans la saison, il pourra donner naissance à un cyclone. Mais mi-juin, c’est encore tôt, en tous cas statistiquement parlant ! La navigation est agréable, nous traversons le canal de Sainte-Lucie et, la nuit approchant, nous décidons de nous arrêter pour dormir à Rodney Bay. Nous mouillons devant la plage, avec le chant des grillons en toile sonore.

 

Vers Sainte-Lucie

 

Le lendemain, nous décollons de bonne heure, avant le réveil des autorités, car nous n’avons pas fait les formalités d’entrée (la « clearance »). Après Sainte-Lucie, nous longeons les côtes verdoyantes de Saint-Vincent. C’est loin d’être la foule le long de la côte sous le vent, seuls quelques bateaux sont mouillés. A hauteur d’un village, on voit une barque de pêche armée d’un puissant moteur passer en trombe devant nous, un homme en tête de proue avec un fusil harpon, comme les baleinières … Les suivant des yeux, on voit qu’ils en ont après un troupeau de globicéphales ! Heureusement, ils ont été plus malins que les chasseurs, en tous cas tout le temps que nous avons pu les observer à la jumelle, plongeant dans les profondeurs quand la barque s’approchait d’eux pour réapparaître plus loin. Ça ne nous a pas tellement donné envie de faire relâche à Saint-Vincent … Quelques temps après, en fin d’après-midi, Eliot le pilote électrique a déclaré forfait d’un seul coup, et le pilote de secours n’a rien voulu savoir non plus, se mettant en alarme à peine branché. Ça c’est vraiment la grosse tuile … sans pilote, la navigation, surtout à deux, peut vite devenir une galère s’il faut barrer sans relâche … Je prends la barre, et on décide de faire escale pour la nuit, en allant mouiller à Port Elizabeth, au fond d’Admiralty Bay, sur l’île de Bequia.

 

Saint-Vincent à l'approche

 

 

Une côte bien verdoyante

 

Mercredi 15 juin, même topo qu’à Sainte-Lucie, nous décollons de bonne heure … sauf que le guindeau s’est mis en carafe. Philippe remonte les 30 mètres de chaîne à la main. Et une ligne de plus sur la liste des réparations à prévoir et qui s’allonge de jour en jour … Sur bâbord s’égrènent quelques perles du chapelet des îles des Caraïbes : Mustique, Canouan, Mayreau et les Tobago Cays, Union Island. Dommage de ne pas avoir le temps de s’y arrêter. Puis c’est Carriacou, « notre » île. Arrivés à hauteur de la « capitale » Hillsborough, nous nous posons la question de nous y arrêter pour faire la clearance d’entrée. Mais le grain qui nous cueille met rapidement fin aux tergiversations : pas question de débarquer sous cette pluie infernale ! On continue donc directement sur Tyrrel Bay, avec une visibilité quasi-nulle. Trempée à la barre, n’y voyant rien avec la pluie qui vient s’écraser à grosses gouttes sur les vitres de la casquette, je me fie au compas pour garder un cap. Et à Philippe qui me « pilote » depuis le tracé sur la carte sur l’ordinateur : vingt degrés de plus, ok garde ce cap là. C’est dans ces moments que l’on ressent combien de nos jours la navigation est grandement facilitée par ces outils, si tant est que la carte soit juste et que le GPS reste bien réveillé … Là, pas moyen de se fier à la vue, les Sister Rocks ne sortent du brouillard de pluie qu’au dernier moment. Les grains précédents passaient rapidement, mais celui-ci s’attarde, violent, pendant près d’une heure, sans répit. Nous entrons dans Tyrrel Bay avec des vents de 40 nœuds, en plein dans le nez. Le mouillage est déjà bien garni en bateaux, il ne va pas falloir rater notre coup avec ce vent et s’il faut remonter l’ancre à la main. On vise un « trou » vers la droite, pas très loin du chantier, pas très loin de la caye non plus, marquée par des vaguelettes. 40 mètres de chaîne, allez on ne lésine pas, il faut que ça tienne !

 

L'arrivée sur Carriacou, mer bleu lagon, etc.

 

Et ça tient. Et la pluie et le vent s’arrêtent. Et le soleil revient. On découvre sous un autre angle notre nouvel univers : une baie verdoyante, un petit village au fond, le chantier juste à droite, surplombé de maisons colorées. Notre ami Romain sur « Quizas », qui est à Carriacou depuis près de deux semaines, coincé par des problèmes techniques (encore un !) vient nous rendre visite, une visite amicale mais aussi intéressée car nous lui apportons du Marin l’embout Northeman dont il avait besoin pour réparer son pataras. Il nous fait visiter les lieux, et après avoir pris rendez-vous au chantier pour sortir le bateau, nous allons déguster la bière locale (en fait importée de Grenade) au Lazy Turtle.

 

Jeudi 16 juin : le matin, nous partons en bus faire la clearance à Hillsborough. Le policier prend un air soupçonneux de principe : “Why did you arrive at Tyrrel Bay instead of Hillsborough ?” “Because !” Après un passage à la douane qui nous déleste de 75 EC$, nous sommes en règle. De retour à Tyrrel Bay, il faut faire vite car Paul (un Irlandais qui parle très bien français), qui s’occupe du chantier, nous attend pour sortir le bateau en tout début d’après-midi. C’est sérieux, il fait même plonger à deux reprises un de ces gars pour bien repérer où faire passer les sangles. C’est qu’avec ses deux mâts, c’est plus compliqué de l’attraper … Il faut démonter les pataras. Et voilà, Sahaya prend son envol, dans les bretelles du travel lift. Un coup de karcher pour faire tomber le plus gros, et les 15 tonnes se retrouvent bien calées, à côté d’un collègue finlandais en acier qui a fait le passage du Nord Ouest l’année dernière.

 

Quoique nous en aurions bien besoin, nous ne sommes hélas pas ici pour des vacances alors au boulot !

 

Paul jauge Sahaya : place de l'hélce par rapport au mât d'artimon ?

 

Et une balade en travel-lift

 

Premières constatations

 

Au boulot !


30/06/2011
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Ce qui est fait ... est à refaire

Ce qui est fait … est à refaire !

 

 

Jeudi 16 juin 2011 après-midi, Sahaya est bien calé au sec dans le Tyrrel Bay Yacht Haulout, prêtant le flanc à notre inspection tatillonne. Force est de constater que l’ancien antifooling et les coquillages ne sont pas les seuls à être tombés sous l’assaut du karcher … Des pans entiers de peinture se sont également décollés, aux mêmes endroits que l’année dernière, et que l’année d’avant encore … Toutes ces couches de peintures époxy bi-composants qui coûtent si cher et qui se détachent comme la peau épaisse d’un gros animal en pleine mue. Et nous revoilà une fois de plus retournés à cette fameuse première couche qui elle adhère bien à la tôle, mais sur laquelle les suivantes ne semblent pas vouloir tenir. C’est le mystère ? Il peut y avoir tellement de paramètres en jeu dans cette alchimie complexe qu’est la peinture : température, humidité, dosages, mélanges, voire même circulations électriques dans la coque acier ?

 

 

Bref, une fois de plus, ce qui est fait est à refaire, adage de mon cru, et qui pourrait s’ajouter (en toute modestie bien-sûr !) à celui d’Eric Tabarly, définissant le bateau comme « le moyen le plus lent, le plus cher, le plus inconfortable, pour aller d'un endroit où on est bien vers un autre où l'on n'a rien à faire ». Les premiers jours de chantier sont donc consacrés au décapage de la coque, à faire « sauter » ce qui en a envie, et à poncer jusqu’à la tôle pour décaper une bonne fois pour toutes cette foutue couche de primaire. Ce qui devait être un carénage rapide devient une semaine, puis deux, de vrai chantier. Les problèmes de peinture n’étaient pas prévus au programme, et notre stock de bord n’est pas suffisant. Pire, certains pots ont mal vieilli, et la peinture ne prend pas, il faut la racler ! Nous devons commander des peintures à Grenade. Le délai habituel est de deux jours, mais là ça en mettra trois car le ferry qui dessert Carriacou a dû en dépanner un autre, et nos pots n’ont pas été embarqués. Et puis, il faut jongler avec des créneaux météo assez courts : les ondes tropicales se succèdent tous les quatre jours en moyenne, avec des déluges d’eau qui nous enferment dans le bateau et transforment le chantier en vastes marécages alimentés par des torrents de boue. On avance toujours plus vers la saison cyclonique, il ne va pas falloir trop moisir ici … Carriacou compte deux trous à cyclones assez réputés des Caraïbes, mais on n’a pas du tout envie de les tester in situ ! L’antifooling que nous avions en stock est trop pâteux, il nous faut trouver le bon diluant (sujet de discussions : Laquer Thinner ou Brushing Thinner? chacun y allant de son argumentaire intuitif, scientifique, ou simplement basé sur sa propre expérience). Allez, on se décide pour le Brushing Thinner, trois pots commandés à Grenade qui arriveront demain midi, nous assure Paul. Et le lendemain, Paul arrive : « Pas de bol, le gars qui devait charger les trois pots sur le ferry a eu une réunion, il ne les a pas chargés. Demain midi ! ». Et le lendemain midi, Gérard et Fanou, de Harpo, viennent nous prêter main forte pour peindre l’antifooling. Les pots de diluant sont arrivés, les dilutions sont faites, on pose de concert les rouleaux sur la coque du bateau. Et que croyez-vous qu’il arrivât ? Ce fut la pluie qui tombât ! …

 

Bienvenue chez les Schtroumpfs

 

Des retouches de peinture en peau de léopard

 

Moi qui pensais que ce carénage permettrait de nous remettre dans le bain du voyage en nous « rappropriant » le bateau, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Comme si un génie malin s’évertuait à compliquer les choses à plaisir. Ré-accoupler l’arbre d’hélice et le moteur, ça prend, ça doit prendre ¼ d’heure, Philippe l’a déjà fait maintes et maintes fois … Là les clavettes ne veulent pas rentrer, et une fois à moitié emmanchées, ne veulent plus sortir. Au bout de plusieurs heures de ce traitement, atteignant les limites de sa patience pourtant légendaire, Philippe est à deux doigts de résoudre les problèmes de clavettes, d’arbre, d’hélice, de moteur, voire de bateau en général à coups de masse. Ajoutés à ça la chaleur, les nuits difficiles sous la moustiquaire assiégée de moustiques agressifs (et ces charmantes petites bêtes n’aimant pas le vent, où viennent-elles se réfugier ? dans le bateau !), et les sanitaires plus que rustiques du chantier, les troupes manquent d’entrain.

 

Philippe a alors la bonne idée de louer le premier étage d’une petite maison voisine du chantier. C’est celle d’un couple de Français installés à Carriacou depuis plus de 20 ans, Geneviève, masseuse, et Dominique, spécialiste en travaux d’aluminium qui œuvre sur un ancien trimaran transformé en atelier. Pendant une semaine, cet agréable pied à terre sera une vraie bouffée d’oxygène. Les propriétaires étant partis en bateau en Martinique pour récupérer leur fils, nous aurons plus ou moins en garde Dirty la chienne et Gros Bidon le chat, à fournir en croquettes, eau fraiche, et caresses. On profite aussi d’avoir la maison pour installer la machine à coudre sur la terrasse, ce qui me permet de faire des ateliers couture entre les ateliers peinture. Je couds souvent avec la pluie donc … D’abord l’artimon qui s’était décousu, puis le spi que je rends un peu plus sérieux et présentable qu’avec ses franges, un fantôme (c’est une espèce de « cuillère » à vent que l’on suspend juste derrière un hublot pour obliger l’air à entrer dans le bateau) avec des chutes de spi, les pavillons de courtoisie des pays d’Amérique du Sud sur la route, et quelques autres menues bricoles. Philippe alterne lui les ateliers peinture et soudure, et, entre deux séries de gouttes, fabriquera une chape articulée pour l’étai, et des bossoirs sous le panneau solaire arrière pour pouvoir remonter l’annexe le soir et pendant les petites navigations. Ainsi qu’un hublot ouvrant pour la casquette. Il changera aussi le presse étoupe,iol refera l’alignement du moteur et changera l’hélice pour une d’un pouce de pas de plus.

 

Atelier soudure

 

Brouette en partance avec l'atelier couture

 

Chargement vers la maison verte

 

L'atelier couture ...

 

... avec l'aide précieuse de Gros Bidon

 

Les utilserons-nous tous ?

 

La chambrette

 

La terrasse du "propriétaire"

 

Dirty à la plonge

 

Le confort de la maison la rend difficile à quitter, surtout pour retrouver le bateau et son élevage de moustiques un week-end de plus, puisque la pluie est arrivée en même temps que le diluant, et nous a fait louper le créneau pour remettre à l’eau.

 

Heureusement, contrebalançant le mauvais temps et la propreté douteuse (voire l’insalubrité avérée) des sanitaires, l’ambiance au chantier de Tyrrel Bay est très sympa. D’abord, il y a un troupeau de chèvres avec leurs chevreaux qui se balade, et aussi des poules et des coqs qui viennent picorer sous les bateaux. Les pêcheurs viennent y réparer et caréner leurs bateaux de pêche traditionnels et colorés, construits en bois. Ils enlèvent parfois de grandes surfaces de bois pourri, et changent les bordées, certaines débitées directement à la tronçonneuse dans des troncs d’arbres ramassés sur la plage. On fait connaissance avec deux Dominicains. Il y a Gas, qui travaille au chantier et nous dépannera bien en nous apportant un fond de pot de « Jotun » (de l’enduit-primaire époxy dont sont copieusement enduites les grandes barges en ferraille qui livrent du sable) dont nous tartinerons les « plaies » de Sahaya où la peinture a sauté. Il y a aussi Eddy, qui viendra nous aider à peindre. Eddy a pour projet de se construire un voilier en bois « à l’ancienne » et dont il nous montrera les plans, selon des techniques traditionnelles qui selon lui se perdent (les pêcheurs enlèvent les voiles de leurs barques et les remplacent par un gros moteur !), pour ensuite y habiter et faire du commerce de fruits et légumes. Et nous discutons aussi pas mal avec notre voisin de parking finlandais, Pekka, qui a déjà bien bourlingué (http://www.sarema.fi/) et dont le programme nous laisse songeurs : au moins lui, il n’a pas peur d’avaler des miles ! Son projet : Alaska to Alaska, en passant par le Brésil Buenos Aires, traversée de l’Atlantique vers l’Afrique du sud, traversée de l’océan Indien, puis Australie, Nouvelle-Zélande, et traversée du Pacifique, back to Alaska.

Un jour, on verra qu’un couple d’oiseaux est en train de préparer un nid dans le filet suspendu sous le panneau solaire. On serait restés longtemps à terre, on l’aurait bien laissé, mais là, on risque de se retrouver avec des becs orphelins à nourrir en pleine mer … Alors, me sentant un peu coupable quand même, j’enlève les brindilles tressées en cercle, presque sous l’œil accusateur des futurs parents perchés sur l’éolienne. Vraiment désolée !...

 

Les biquettes habituées du chantier

 

 

Des bordées taillées à la tronçonneuse

 

Eddy

 

Le nid en construction sous le panneau solaire

 

Hé non, il n'est plus là ...

 

Un oeil accusateur ...

 

Il y a aussi de la solidarité qui fait chaud au cœur : l’équipage d’Harpo qui vient en renfort pour l’antifooling, et Romain, qui tripatouillera les deux moteurs hors-bord avec Philippe.

Et des rencontres : une famille allemande (Hans, Eva, et leurs deux enfants Lola et Luca) sur un voilier alu, Kamiros, et avec un projet patagon (ils nous inviteront un soir à leur bord pour voir un film sur la Géorgie du Sud, histoire de nous motiver pour les hautes latitudes !), et Eric et Anne-Marie, sur leur bateau en bois Pollen, pour des soirées musicales guitares piano chant …

 

 

Gérard et Fanou, venus en renfort pour l'antifooling

 

Carriacou, c’est « le pays des récifs » pour les premiers habitants que furent les indiens Arawaks puis Caraïbes. L’eau potable, c’est l’eau de pluie seulement, il n’y a pas de sources. Tout le monde récupère l’eau, dans de gros réservoirs en plastique noir dressés près de chaque maison. L’année dernière avait été marquée par une sécheresse très sévère, et Carriacou avait dû faire venir de l’eau depuis Grenade.

L’approvisionnement est un peu fluctuant, dépendant des arrivages du ferry de Grenade. Sur de petits stands colorés en vert, jaune, rouge, les couleurs de la Jamaïque et du reggae (elles sont partout : maisons, voitures, bateaux, sandales, cheveux, …) plantés en bord de plage, des rastas cool vendent les productions de leurs jardins : concombres, calaloo (genre de grandes feuilles et côtes de bette), pastèques, mangues, papayes, …

De Carriacou, nous n’en verrons pas beaucoup plus, nous nous octroierons seulement deux petites balades pendant le temps du chantier.

 

Le mouillage de Tyrrel Bay vu depuis le chantier

 

Le bateau-atelier de Dominique

 

Little shop du Tyrrel Bay Yacht Club, près du chantier

 

Balade à la pointe sud avec Dirty

 

De délicates fleurs rose bonbon fichées dans de piquants coussins

 

Un pélican gris perché au bout du quai

 

Lundi 4 juillet, cette fois la mise à l’eau est pour aujourd’hui. Le moteur diésel du travel-lift semble bien poussif ? Philippe, avec son optimisme coutumier, pronostique : « Avec notre bol habituel, il va tomber en panne forcément aujourd’hui ». Mais non, il fume et démarre quand même, après que Paul y ait mis le nez et les mains pendant 10 minutes. Nous sommes en lévitation dans les bretelles, dérive descendue au maximum pour qu’on puisse travailler dessus. On laisse l’antifooling sécher quelques heures, puis nous voilà prêts pour la remise à l’eau, en milieu d’après-midi. Paul doit une fois de plus farfouiller dans les tripes huileuses du diésel …. A mon tour de jouer les Cassandres : et si l’on restait coincés là, à quelques mètres du sol ? Hé bien non même pas, crachant fumant, le portique nous dépose gentiment dans l’eau.

Et en plus, on flotte.

Ce qui ne gâche rien.

 

En lévitation ...

 

Alors, ça marche ou bien ?

 

Encore quelques mètres de promenade aérienne avant le retour à l'eau


18/07/2011
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Coeur Grenadine

Cœur Grenadine

 

 

Lundi 4 juillet 2011, en fin d’après-midi, Sahaya a rejoint brillamment le milieu marin. Pour la première nuit, nous restons accostés au quai du chantier, et le lendemain matin, nous rejoignons le mouillage. Nous y restons jusqu’au jeudi, le temps de refaire des courses, et de laisser le ciel se vider de quelques averses. Une nouvelle onde tropicale est annoncée, qui devrait nous tomber dessus le week-end. Mais ça semble assez versatile, une onde tropicale, car elle changerait finalement de cap. On décide donc d’appareiller jeudi, pour rejoindre Harpo qui doit être en principe mouillé à l’Ïle Ronde, à une dizaine de miles au sud de Carriacou. Le pilote automatique, qui s’était mis à remarcher, fait à nouveau des siennes. La panne ne s’est pas réparée toute seule donc, dommage, il va falloir regarder ça plus sérieusement à Grenade ... Deux bateaux sont mouillés devant la petite plage abritée sous le vent, Harpo, et Khaya, un joli bateau en bois moulé entièrement construit par Jean-Luc et Caroline. Nous mouillons entre les deux. Philippe plonge, et déplace l’ancre de plusieurs mètres pour essayer de la poser dans une zone de sable. Les fonds ne sont pas terribles pour l’accroche, sable et graviers de corail, sur une dalle dure. L’île est petite, bien verte, mais les accès sont gardés par une végétation aux piquants rébarbatifs. On ira juste explorer la plage vers le nord, jusqu’à buter contre des pas d’escalade peu engageants sur du rocher friable et glissant. Rendez-vous est pris le lendemain matin avec Harpo pour aller plonger et chasser.

 

Arrivée à l'île Ronde

 

Il ne peut pas s'empêcher de grimper !

 

 

Des colonies d'escargots blancs en marche

 

 

 

C’est versatile une onde tropicale … Le lendemain, c’est elle qui a pris rendez-vous avec nous, et pour toute la journée. Mais quel déluge ! Et ça n’arrêtera pas. Ah si, un moment d’accalmie nous fait sortir le nez de nos tanières pour aller nous balader sur la plage, accalmie qui dure jusqu’au moment où l’on fait demi-tour. On fera le retour sous une pluie battante. Tant pis pour la chasse, et tant mieux pour les poissons.

 

L'onde est là ...

 

Samedi 9 juillet, l’onde semble passée, et nous appareillons le matin pour Grenade. Il faut compter une vingtaine de miles jusqu’à Saint-Georges, la capitale, nous mouillons à l’extérieur. Une balade en ville nous fait découvrir de nombreuses maisons délabrées, sans toit ni fenêtres, souvenirs du passage fracassant du cyclone Ivan en septembre 2004, qui a ravagé Grenade. De grandes constructions de type colonial, et même des bâtiments officiels, sans doute reconstruits ailleurs, sont laissés à l’abandon depuis. Bordées de maisons de bois, colorées, et pour certaines, branlantes et de guingois, des rues dévalent des pentes dures à la San-Francisco jusqu’à la ville basse, avec la gare routière et le marché. Si Grenade doit son nom aux Espagnols qui y ont vu des traits communs avec l’environnement de leur ville andalouse, les colons anglais ont laissé leur empreinte : la langue déjà évidemment, mais aussi un style, le portrait de la reine Elizabeth II sur les pièces et les billets, et des habitudes alimentaires (qui s’américanisent comme ailleurs) dont les rayons des supermarchés donnent un aperçu, et dans lesquelles on opère un tri sélectif : jellys aux couleurs pétantes, grand choix de cakes and cookies, de sodas, mais aussi de tisanes et boissons à base d’épices et de gingembre. Par la vertu de quelque accord commercial dont la limitation de l’empreinte carbone ne semble pas l’enjeu majeur, les laitages, beurre, cheddar et mozzarella, viennent de Nouvelle-Zélande. Grenade garde aussi le souvenir d’une lointaine occupation française dans des noms qui ont pour nous une consonance familière : Lance aux épines, Pointe du Petit Trou, La Sagesse Bay, etc. Enfin, c’est « l’île aux épices », et les étalages du marché de Saint-Georges en proposent un assortiment, en particulier de la cannelle et des noix de muscade. J’achète un paquet, le plus petit, mais qui pourra bien me durer au moins dix ans !

 

Départ de l'île ronde

 

 

 

Dans les rues de Saint-Georges

 

"Tu n'échoueras jamais tant que tu n'arrêteras pas d'essayer", une bonne maxime

 

Lundi 11 juillet, nous décollons de Saint-Georges pour un tour rapide dans Prickly Bay, mais Pollen nous conseille plutôt de pousser jusqu’au mouillage suivant de Hog Island, pour attendre le passage de la prochaine onde tropicale plus à abri des vents de sud-est. Dans la nuit, quelques rafales fortes mais courtes nous font sortir dans le cockpit pour un petit coup d’œil de vérification, mais sans plus. Et le matin, surprise au réveil tardif : on a dérapé de près de 20 m, notre voisin de derrière d’hier est devenu notre voisin de bâbord aujourd’hui, et on a eu de la chance de ne pas l’avoir embouti pendant la nuit … On remouille.

 

Le mouillage de Hog Island est un peu perdu, mais il est assez facile de rallier Prickly Bay et Saint-Georges en bus pour les courses, le marché, etc.

Après quelques jours de tentative de repos, Philippe se décide enfin à s’occuper de ce qui fâche : le pilote automatique. Après maintes réflexions, un diagnostique s’impose : ça pourrait bien être un problème de charbons sur le moteur de la pompe hydraulique. Philippe part donc à l’attaque dans les fonds arrière pour démonter la pompe. Opération réussie, il en extrait la platine portant les fameux charbons et effectivement la panne ne peut venir que de là : des charbons, il ne reste que d’infimes chicots, on se demande même comment ça pouvait encore marcher ! Reste maintenant à trouver les charbons adéquats depuis le fond d’un mouillage un peu perdu. Par chance (façon de parler !) Eric de Pollen vient d’avoir un sérieux problème de démarreur, mais il a une bonne connaissance sur le mouillage : un couple d’Anglais tourdumondistes sur un magnifique voilier en bois de 1904, 34 tonnes et 18 m, qui connaissent bien Grenade et les bons plans pour se sortir des problèmes. Ils nous indiquent un type qui semble se débrouiller de tout ce qui est électrique, dans une vieille baraque devant laquelle trône et traine un bric-à-brac de moteurs, machines à laver, etc. Eric y dépose son démarreur et Philippe la platine de charbons à changer. C’est ok on doit revenir le lendemain. Bien sûr pour nous, ce serait trop simple, les charbons sont trop petits, et il nous faudra y retourner encore deux fois pour que le gars nous trouve enfin les bons « brushes ». Il ne reste plus qu’a tout remonter et, miracle, ça marche !

 

Hog Island : un bon bout de route en annexe pour aller chercher le bus

 

4x4 maraicher

 

 

Au marché de Saint-Georges

 

Le temps passe, et nous revenons légèrement vers l’ouest, pour deux jours au mouillage de Mount Hartman Bay. Lundi 18 juillet, nous sommes de retour au mouillage devant Saint-Georges, avec Harpo et Khaya, et mardi 19 juillet, nous décollons pour une navigation groupée vers la Blanquilla, île au large du Venezuela, à environ 160 miles d’ici. Nous devrions y rejoindre Pollen, qui a pris de l’avance depuis samedi.


19/08/2011
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